Sous terre ou au grand jour

Ils ont passé 69 jours dans les entrailles sombres et humides de la mine de San José au Chili.  Ces 33 mineurs, comptés un temps pour morts, sont bel et bien vivants. Durant 17 jours, ce fut pour eux l’enfer, l’angoisse, la peur, les pleurs, et même le déchirement jusqu’à la violence. Enfin repérés et reliés au monde par un conduit étroit, ils purent recevoir de l’eau et des vivres. Ils retrouvèrent espoir ; ce fut une explosion de joie. Ces hommes qui s’étaient heurtés et battus s’embrassèrent et se pardonnèrent. « J’ai été avec Dieu et avec le diable, raconte l’un d’entre eux. J’ai saisi la main de Dieu. C’était la meilleure main ». Ces mineurs prièrent et rendirent grâce à Dieu … à ce Dieu qui a pris chair sur notre terre, en Jésus notre Sauveur.

 

Ce Sauveur, ils pouvaient L’invoquer parce qu’un jour, des missionnaires vinrent porter au Chili la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Ils pouvaient espérer en Lui parce que des saints de leur magnifique pays les encourageaient mystérieusement en ces jours difficiles.

 

«  Dieu seul suffit … Jésus est notre joie infinie », leur criait doucement depuis son cloître Sainte Teresa de los Andes, jeune carmélite morte en 1920 à l’âge de 19 ans. Elle s’était offerte, affirmait-elle, pour « souffrir et aimer, comme l’Agneau de Dieu qui prend sur lui les péchés du monde ».

 

« Ne regarde pas l’horizon, leur murmurait le Bienheureux Alberto Hurtado, décédé à Santiago en 1952 à l’âge de 51 ans, … Regarde vers le haut, vers Dieu … ».  Ce Jésuite parlait d’expérience lui qui écrivait : « Je suis bien souvent comme un rocher battu de tous côtés par les vagues. On ne peut s’en échapper que par en-haut. Pendant une heure, pendant un jour, je laisse les vagues battre le rocher ; je ne porte pas mon regard vers l’horizon, mais seulement vers le haut, vers Dieu ». Sa vie fut toute entière donnée à la mission : « Je préfère mourir jeune, usé, que vieux, moisi... » avait-il répondu à un confrère prêtre qui lui conseillait de se ménager.

 

Ils passent des jours, des semaines, des années, dans les entrailles obscures de l’ignorance de la foi. Ils sont des milliers … des millions ; ils sont loin de nous et parfois à côté de nous. Pouvons-nous les laisser ainsi ? N’avons-nous pas le devoir de les chercher pour les conduire au grand jour du soleil de Dieu ? Ne sommes-nous pas appeler à être ce conduit étroit dont le Seigneur peut se servir pour déverser sur eux les eaux vives du baptême et les nourrir du pain de Vie ? Notre main ne doit-elle pas être pour chacun d’eux comme la main de Dieu … la meilleure main ?

 

En cette journée mondiale des missions, nous sommes exhortés à brûler du désir de propager l’Evangile. « Le missionnaire, c’est le saint ».

Il nous faut donc être saints, être prêts à « souffrir et aimer comme l’Agneau de Dieu », et avoir l’audace de crier à tous nos frères qui ne connaissent pas la Lumière : « Dieu seul suffit … Jésus est notre joie infinie ».

Il nous faut être saints, nous user plutôt que moisir – quelque soit notre âge – et face aux flots qui nous assaillent, nous en échapper par en-haut. Alors, nous ne pourrons nous taire ; à ceux qui n’ont d’autres horizons que le monde, nous répéterons inlassablement : Regarde vers le haut, vers Dieu.

Père Gilles Morin, Curé

Souviens-toi …

« La mémoire est une faculté qui oublie » se plaît-on à affirmer. L’expérience nous le confirme. Voyez ces dix lépreux de l’Evangile. Tout à la joie de leur guérison, neuf d’entre eux s’en vont exultant en omettant de rendre grâce. Nous leur ressemblons trop souvent.

 

Regardons Timothée, fidèle disciple de Paul, qui est source de joie pour son maître. Celui-ci va jusqu’à lui écrire : « Je rends grâce à Dieu que je sers … lorsque sans cesse, nuit et jour, je fais mémoire de toi dans mes prières ». Il ajoute pourtant cette recommandation surprenante : « Souviens-toi de Jésus-Christ ». Comment Timothée pourrait-il l’oublier ? Ne lui a-t-il pas donné sa vie ? N’est-il pas tout entier livré à la mission de propager son Evangile ? C’est que Paul sait qu’on peut avoir bien commencé, puis s’attiédir et mal finir. On peut, après avoir aimé, s’égarer et se fourvoyer. On peut s’activer et prêcher, on peut répéter et haranguer mais n’être que cymbale qui retentit et cuivre qui résonne. C’est pourquoi Paul recommande instamment à Timothée de ne pas perdre mémoire : « Souviens-toi de Jésus-Christ ».

 

Regardons à présent notre communauté religieuse. Les trois Pères et le Frère qui la composent ont eux aussi donné leur vie à Dieu. Il y a des années, ils ont prononcé avec ferveur ce merveilleux engagement : « Désirant répondre à l’appel du Christ et marcher à sa suite dans la voie des Conseils évangéliques, je me donne à Dieu pour être totalement consacré à son service dans l’Eglise … ». Ce jour-là, leur cœur était brûlant d’amour, tout leur être exultait de joie. Comment pourraient-ils l’oublier ? Et pourtant, le temps passe. Ils ont bien commencé, mais où en sont-ils aujourd’hui ? Certes, ils sont généreux et travaillent sans compter à l’évangélisation. Mais qu’en est-il de leur ferveur première et de leur vie de prière ? Savent-ils demeurer dans l’action de grâce et rester dans la joie de leur consécration ? Savent-ils vibrer au charisme de leur fondateur, le Père Jean-Léon Le Prevost, qui voulait conduire les âmes à Dieu par la Charité, … avec une prédilection pour les petits, les pauvres, les familles, les jeunes ? Il est si facile de se laisser emporter par le tourbillon de l’action au point de ne plus hiérarchiser les priorités, de se vider et parfois même d’errer.

 

Nous aurons cette semaine, à Notre-Dame de Nazareth, la visite canonique de notre Supérieur Général, le T.R.P Philippe Mura, assisté du Père Mauricio Martins Netto. Ils partageront notre vie, ils poseront sur notre communauté un regard de discernement pour nous encourager, nous éclairer, nous exhorter et peut-être nous alerter. Leur mission les conduira à réveiller notre mémoire. Á leur manière, ils répéteront à chacun de nous : « Souviens-toi de Jésus-Christ … Souviens-toi de la ferveur de ta Consécration … Souviens-toi du charisme du Père Le Prevost … Souviens-toi des petits, des pauvres … Souviens-toi des familles et des jeunes qui sont une espérance ». Heureux rappels … jamais superflus, dont par avance nous rendons grâce à Dieu.

 

Père Gilles Morin Curé