Se laisser séduire pour se laisser conduire

Les plus anciens parmi nous s’en souviennent : c’était dans les années 1970, en pleine période difficile d’après-concile. Face à la crise aigüe des vocations, l’archevêque de Paris lançait son célèbre « J’embauche ». Autant vous l’avouez, je n’aime guère cette expression dès lors qu’il s’agit du mystère d’une vocation. L’Eglise n’est pas une entreprise ; les ouvriers de l’Evangile ne se réduisent pas à une main d’œuvre nécessaire à la viabilité, à l’efficacité et à la rentabilité d’une grande usine.

 

Si l’Eglise est un unique corps composé de divers membres, elle est aussi l’Epouse du Christ, Lui qui l’a aimée et s’est livré pour elle. Tout est donc une question d’amour. Les vocations sacerdotales et religieuses ne sont pas d’abord du domaine du « il y a besoin » mais de celui du « il faut aimer et se laisser aimer ». Je le redis avec insistance : Les vocations ne découlent pas d’une simple mobilisation visant à une conscientisation ; elles jaillissent d’une séduction : « Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire », avouait le prophète Jérémie (Jr 20, 7). Il s’agit donc de répondre à l’Amour par l’amour. On aura beau multiplier les appels pressants et inonder les églises de dépliants, tout cela restera bien insuffisant. On n’engage pas sa vie sur un prospectus ; on ne s’élance avec audace sur la mer agitée de ce monde que comme consumé par l’Amour fou du Christ qui nous a saisis.

 

Aujourd’hui, les voleurs et les bandits ne manquent pas ; ils parlent ; ils s’excitent ; ils  hurlent ; ils se déchaînent pour ravir à la jeunesse sa fraîcheur, sa beauté, sa pureté et sa générosité. Au milieu de ce brouhaha, comment écouter la voix du Bon Berger qui, Lui, « ne crie pas, ne hausse pas le ton » mais murmure doucement au fond du cœur : « Je t’aime d’un amour éternel ; et toi, m’aimes-tu ? Je t’ai donné ma vie pour que tu ais la Vie. Veux-tu vivre ? Veux-tu donner ta vie pour que tous aient la Vie ? ». Pour entendre cette douce confidence, il faut de l’intimité, de l’intériorité … du silence … au moins un peu de silence …Il faut creuser en notre cœur pour être fasciné et embrasé par le créateur et Seigneur de notre cœur.

 

C’est dans le cadre de la Journée mondiale des vocations que les enfants de notre paroisse font leur première communion. Y a-t-il moment plus intime et plus intense que celui de la première union amoureuse, cœur et corps, avec Jésus-Hostie ? Puissent tous ces jeunes garder un souvenir inoubliable de ce grand jour ! Puissent-ils rester séduits par Celui qui vient embraser leur cœur ! Puissent-ils grandir en vivant de l’Eucharistie. Il n’y a pas de « lieu » plus intime pour s’entendre dire « Je t’aime » ; il n’y a pas de meilleure école pour apprendre à aimer jusqu’à donner sa vie.

 

 

Père Gilles Morin

Curé

Homélie du pape Benoît XVI à la messe de béatification de Jean-Paul II

« …/… Chers frères et sœurs, aujourd’hui, resplendit à nos yeux, dans la pleine lumière spirituelle du Christ Ressuscité, la figure aimée et vénérée de Jean-Paul II. Aujourd’hui, son nom s’ajoute à la foule des saints et bienheureux qu’il a proclamés durant les presque 27 ans de son pontificat, rappelant avec force la vocation universelle à la dimension élevée de la vie chrétienne, à la sainteté …/… Karol Wojty?a, d’abord comme Évêque Auxiliaire puis comme Archevêque de Cracovie, a participé au Concile Vatican II et il savait bien que consacrer à Marie le dernier chapitre du Document sur l’Église signifiait placer la Mère du Rédempteur comme image et modèle de sainteté pour chaque chrétien et pour l’Église entière. Cette vision théologique est celle que le bienheureux Jean-Paul II a découverte quand il était jeune et qu’il a ensuite conservée et approfondie toute sa vie. C’est une vision qui est synthétisée dans l’icône biblique du Christ sur la croix ayant auprès de lui Marie, sa mère. Icône qui se trouve dans l’Évangile de Jean (19, 25-27) et qui est résumée dans les armoiries épiscopales puis papales de Karol Wojty?a : une croix d’or, un «M» en bas à droite, et la devise «Totus tuus», qui correspond à la célèbre expression de saint Louis Marie Grignion de Montfort, en laquelle Karol Wojty?a a trouvé un principe fondamental pour sa vie: «Totus tuus ego sum et omnia mea tua sunt. Accipio Te in mea omnia. Praebe mihi cor tuum, Maria – Je suis tout à toi et tout ce que j’ai est à toi. Sois mon guide en tout. Donnes-moi ton cœur, O Marie» …/…

L’exemple de sa prière m’a toujours frappé et édifié: il s’immergeait dans la rencontre avec Dieu, même au milieu des multiples obligations de son ministère. Et puis son témoignage dans la souffrance: le Seigneur l’a dépouillé petit à petit de tout, mais il est resté toujours un «rocher», comme le Christ l’a voulu. Sa profonde humilité, enracinée dans son union intime au Christ, lui a permis de continuer à guider l’Église et à donner au monde un message encore plus éloquent précisément au moment où les forces physiques lui venaient à manquer. Il a réalisé ainsi, de manière extraordinaire, la vocation de tout prêtre et évêque: ne plus faire qu’un avec ce Jésus, qu’il reçoit et offre chaque jour dans l’Église.

Bienheureux es-tu, bien aimé Pape Jean-Paul II, parce que tu as cru ! Continue – nous t’en prions – de soutenir du Ciel la foi du Peuple de Dieu. Tant de fois tu nous as bénis sur cette place du Palais Apostolique. Aujourd’hui, nous te prions : Saint Père  bénis nous. Amen. »