M’aimes-tu ?… et de quel amour ?

Elle attendait le métro, téléphone portable en main, gesticulant et pleurant, conversant visiblement avec son bien aimé avec lequel elle s’était sans doute disputée. Cette jeune fille suppliait, insistait, jusqu’à lui lancer à haute voix ce véritable appel du cœur : « Est-ce que tu m’aimes encore ? ». Sur l’autre quai patientait un groupe de jeunes qui, ayant entendu cette angoissante question et percevant la détresse de cette jeune fille, ne put s’empêcher de crier unanimement et plaisamment : « Mais oui, on t’aime ».

 

Par-delà ce fait qui peut nous conduire à sourire, il nous faut rejoindre une réalité profonde. Qui que nous soyons, nous avons viscéralement besoin d’aimer et d’être aimé. « Je t’aime ; est-ce que tu m’aimes ? ». Il peut arriver que nous nous soyons quelque peu « fâché » avec le Seigneur. Il est alors inutile de douter de sa fidélité et de sa miséricorde. Il ne cesse en effet de nous murmurer au fond du cœur : « Je t’aime d’un amour éternel (Jr 31, 3)». Mais, comme du rivage de l’au-delà, une question  nous parvient, le Christ nous interroge : « Et toi, est-ce que tu m’aimes ? ». Nous ne pouvons ni biaiser ni esquiver ; il nous faut le contempler et lui affirmer en toute vérité : «  Seigneur, Tu sais tout ; Tu sais bien que je t’aime ».

 

Le magnifique face à face de Pierre et de Jésus que nous offre l’évangile de ce dimanche nous conduit à pousser plus loin notre réflexion. De quel amour sommes-nous aimés ? De quel amour voulons-nous aimer ? La langue française, si belle et si riche, se trouve soudain bien pauvre dès que nous touchons à l’amour. Le dialogue du Christ et du chef des apôtres tel que nous l’entendons, ne parvient pas à rendre les finesses du texte originel. Dans un beau commentaire biblique, le Pape Benoît XVI fait remarquer la précision et le poids des mots utilisés par saint Jean. Le verbe « phileo », précise-t-il, exprime l’amour d’amitié, tendre mais pas totalisant, alors que le verbe « agapeo » signifie l’amour sans réserve, total et inconditionnel. Par deux fois, Jésus demande à Pierre : « Simon … m’aimes-tu (agapâs-me)  de cet amour total et inconditionné ? ». Or Pierre ne répond pas par le même verbe. Alors qu’il a connu la tristesse amère de son triple reniement, il dit avec humilité : « Seigneur, je t’aime bien (philô-se) », c’est-à-dire « Je t’aime de mon pauvre amour humain ». La troisième fois, ô merveille de la délicatesse de Dieu, Jésus dit seulement à Simon : « Phileîs-me ? Est-ce que Tu m’aimes bien ? ». Simon comprend que son pauvre amour suffit à Jésus, l’unique dont il est capable.

 

En chaque eucharistie, l’Amour s’incarne, s’offre à contempler, se donne à manger. De quel amour voulons-nous l’aimer en retour ? Face à nous et réellement présent sous les apparences du pain et du vin, Jésus Ressuscité nous le demande : « M’aimes-tu … plus que ceux-ci  … plus que tout … ? ». Puissions-nous lui répondre « Je t’aime de mon pauvre amour humain … le seul dont je sois vraiment capable … mais fais-moi la grâce, Seigneur, de t’aimer d’un amour sans réserve, total et inconditionné. C’est celui qui est dans ton cœur, c’est donc celui que je désire ardemment dans mon cœur ».

 

Père Gilles Morin

Curé

Un cadeau de 10 ans, trésor pour maintenant

Il y a 10 ans, le 30 avril 2000 à l’occasion de la canonisation de Sœur Faustine, le pape Jean-Paul II décrétait que le deuxième dimanche de Pâques prendrait désormais le nom de « Dimanche de la Miséricorde divine ». Il répondait  en cela au souhait du Ressuscité, révélé mystiquement à cette religieuse polonaise : « La fête de la Miséricorde est issue de mes entrailles, je désire qu’elle soit fêtée solennellement le premier dimanche après Pâques. Le genre humain ne trouvera pas la paix tant qu’il ne se tournera pas vers la source de ma miséricorde« .

« Que nous apporteront les années qui s’ouvrent à nous ? » disait en cette circonstance le pape Jean-Paul II. Quel sera l’avenir de l’homme sur la terre? Nous ne pouvons pas le savoir. Il est toutefois certain qu’à côté de nouveaux progrès ne manqueront pas, malheureusement, les expériences douloureuses. Mais la lumière de la miséricorde divine, que le Seigneur a presque voulu remettre au monde à travers le charisme de Sœur Faustyna, illuminera le chemin des hommes du troisième millénaire. Comme les Apôtres autrefois, il est toutefois nécessaire que l’humanité d’aujourd’hui accueille elle aussi, dans le cénacle de l’histoire, le Christ ressuscité qui montre les blessures de sa crucifixion et répète : Paix à vous ! Il faut que l’humanité se laisse atteindre et imprégner par l’Esprit que le Christ ressuscité lui donne. C’est l’Esprit qui guérit les blessures du cœur, abat les barrières qui nous éloignent de Dieu et qui nous divisent entre nous, restitue la joie de l’amour du Père et celle de l’unité fraternelle ».

 

C’est aujourd’hui notre 2ème assemblée paroissiale sur le thème « De l’Eucharistie à la mission ». En chaque messe, nous croyons par-delà ce que nous voyons, et nous nous écrions : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Par le regard de la foi, nous voyons le Ressuscité, nous le touchons, nous le mangeons. « La paix soit avec vous », nous dit-il ; et cette paix jaillit de son cœur miséricordieux pour se déverser surabondamment en chacun de nous. Veut-elle s’y arrêter ? Doit-elle s’y arrêter ? Certes non. « Au terme de chaque messe, disait encore le pape Jean-Paul II, quand le célébrant congédie l’assemblée par les mots « Ite, Missa est « , tous doivent se sentir envoyés comme « missionnaires de l’Eucharistie » à diffuser dans tous les milieux le grand don reçu. En effet, celui qui rencontre le Christ dans l’Eucharistie ne peut pas ne pas proclamer par sa vie l’amour miséricordieux du Rédempteur ».

 

« Nous avons vu le Seigneur », ont affirmé les apôtres à Thomas l’incrédule. Allons, nous aussi, annoncer à nos frères : « J’ai vu le Seigneur ; je l’ai touché ; il m’a montré ses mains, son côté … et surtout  son cœur miséricordieux. Viens à ce Cœur ; ouvre lui ton cœur pour trouver la paix et pouvoir t’écrier : « Mon Seigneur et mon Dieu » ».

 

 

Père Gilles Morin

Curé