Il y a au moins Toi ; il y a au moins moi

C’était dans l’après-midi de ce vendredi. Je circulais dans les salles de nos Journées d’Amitié, saluant les uns et les autres, croisant des visages connus ou inconnus. Je venais de me pencher sur deux petits qui brandissaient des jouets qu’ils avaient extraits. Ils étaient radieux et tout à la joie de les montrer à leur maman. En me relevant, j’aperçu un homme derrière moi, face au stand vaisselle. La responsable cherchait à lui faire admirer ses assiettes, ses tasses et ses plats. « Allez, Monsieur, vous pourriez offrir quelque chose d’utile et qui ferait plaisir ». Et cet homme de répondre, apparemment sans amertume : « Je n’ai personne à qui faire un cadeau ». Me retournant, je ne pus m’empêcher de lui sourire et de lui dire d’un ton taquin : « Mais si, il y a au moins moi ». A mon grand étonnement, il me prit au mot, m’invitant à choisir ce que je voulais … ce qui me valut son large sourire et un beau saladier.

 

Par-delà leur climat de convivialité et leur dimension de solidarité, nos journées d’amitié doivent nous rappeler que nous avons toujours quelqu’un à qui nous pouvons offrir et dont nous pouvons recevoir. Tous, qui que nous soyons, nous avons au moins un ami … l’Ami par excellence, nous avons le Christ. Nous lui offrons nos efforts de carême ; nous recevons de Lui notre Salut. Nous faisons monter vers Lui nos prières ; il déverse sur nous ses flots de tendresse et de miséricorde.

 

Jésus était l’ami de Lazare ; Lazare était son ami. L’évangile nous l’affirme.

« Si tu avais été là, lui dirent Marthe puis Marie, mon frère ne serait pas mort ». Mais Jésus était là ; un véritable ami est toujours là.

« Voyez comme il l’aimait », dirent les juifs en observant les larmes de ce rabbi qui se joignaient à celles de cette famille endeuillée.

Et oui ! Jésus est par excellence l’Ami qui aime … qui aime jusqu’à donner sa vie pour que nous ayons la vie. C’est le prodige de notre résurrection.

 

Il y a quelques jours, Jean Ferrat s’éteignait. Il y a des années, sa voix chaude et grave chantait : « Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre ? ».  C’est ce que nous chantent aujourd’hui Isabelle et Karyne qui cheminent vers leur Baptême ; c’est ce qui habite le cœur de Chrystelle et Isabelle qui font leur première communion. Mais à la différence de Jean Ferrat, elles le disent de Dieu. Unissant nos voix à la leur, nous chantons comme en chœur : « Oui, que serais-je sans toi, Seigneur Jésus, qui vins à ma rencontre » 

 

Qu’il serait beau qu’à l’occasion de nos Journées d’Amitié, toute personne en franchissant les portes puisse s’entendre dire : « Je suis là … il y a au moins moi … Pourquoi ? Parce qu’il y a Lui, Jésus, … toujours Lui … et qui m’aime … et qui t’aime ». Que serions-nous sans Lui qui vient toujours à notre rencontre ?

 

 

                                                                                                        Père Gilles Morin

                                                                                                        Curé

Seigneur, ouvre les yeux de mon cœur

Les pharisiens ont des yeux et ne voient pas. « Serions-nous aveugles, nous aussi ? », demandent-ils. La réponse de Jésus est cinglante : « Vous prétendez voir ; vous êtes dans l’illusion ; votre cœur est bel et bien frappé de cécité. Vous refusez de contempler la merveille du miracle que je viens d’accomplir ; vous rejetez la Lumière que je suis. Votre péché demeure ».

 

Les yeux de cet homme qui se trouve sur le passage de Jésus étaient fermés aux splendeurs du monde. Aveugle de naissance, il ne pouvait imaginer les merveilles de l’univers dans lequel il vivait. Et voilà que, par la puissance de ce Rabbi de Nazareth, sa vie est bouleversée ; son regard découvre les formes, les couleurs, les visages. Pour ses yeux c’est l’illumination ; pour son cœur c’est la contemplation.

– Crois-tu au Fils de l’homme ? l’interroge Jésus.

Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ?

– Tu le vois, et c’est lui qui te parle.

– Je crois, Seigneur  », affirme le miraculé.

 

Voilà l’homme enfin dans la lumière ; le voilà face à face avec Celui qui est la Lumière du monde.

 

Nos yeux voient, mais qu’en est-il de notre cœur ? Humblement et amoureusement, n’avons-nous pas à interroger le Christ : « Serai-je aveugle, moi aussi ? Réponds-moi, éclaire-moi».

 

Les pharisiens légalistes méconnaissent la tendresse, la bonté et l’amour de Yahvé. Et nous ? Savons–nous vraiment à quel point le cœur de Dieu est un océan de miséricorde ? « O mes enfants, que Dieu est bon ! s’écriait Saint Jean Marie Vianney. Quel amour il a eu et a encore pour nous ! Nous ne le comprendrons bien qu’un jour en paradis ».

 

Ces mêmes pharisiens engoncés dans leur suffisance anesthésient leur conscience. Et nous ? Gardons-nous une âme éprise de sainteté, ayant un sens aigüe du péché ? « Je ne découvre en moi, quand je me considère, que mes pauvres péchés, disait encore le Curé d’Ars. Encore le bon Dieu permet-il que je ne les voie pas tous. Cette vue me ferait tomber dans le désespoir. Je n’ai pas d’autre ressource que de me jeter au pied du Tabernacle, comme un petit chien aux pieds de son maître ». Conscient de sa misère, il allait se blottir contre Celui qui est Miséricorde.

 

Sans nul doute, nous souffrons tous de cécité, celle du cœur ; nous avons donc tous besoin d’être illuminés, d’être sauvés. Je ne peux que vous redire avec le Curé d’Ars (toujours lui) : « Nous sommes de pauvres aveugles. Tout à l’heure, mes enfants, quand je tiendrai Jésus dans mes mains, demandez-lui qu’il vous ouvre les yeux du cœur. Si vous lui disiez … : “Seigneur, faites que je voie“, vous obtiendriez certainement ce que vous désirez. Il a ses mains pleines de grâces, cherchant à les distribuer ; hélas ! personne n’en veut ! O indifférence ! O ingratitude ! »

 

Père Gilles Morin
Curé