Ne faisons pas de même

« Que l’homme est quelque chose de grand ! …s’exclamait le Curé d’Ars … L’homme créé par Dieu et à son image, que cette pensée de l’immortalité de l’âme est belle ! Mais voilà on ne réfléchit pas à ces grandes vérités. Je suis créé pour aimer Dieu » …Et Jean-Marie Vianney d’ajouter : « Il y en a beaucoup qui sortent de ce monde sans savoir ce qu’ils y sont venus faire, et sans s’en inquiéter davantage. Ne faisons pas de même ».

Ils ne font pas de même ces chefs de jeux (13-16 ans) et ces animateurs du patronage (17-25 ans), qui durant ces vacances de la Toussaint, se mettent trois jours en retraite, à l’écart, dans le recueillement, la louange et la prière. Ils veulent s’entendre répéter ce pour quoi ils existent et ce à quoi ils sont appelés. Au quotidien, ils sont agressés par mille sollicitations, immergés dans un flot d’images et martelés par quantité de sons stridents et abrutissants. Tout est là pour les étourdir et les détourner des questions les plus fondamentales. On leur tait l’essentiel. « Dans le monde, disait le curé d’Ars, on cache le Ciel et l’enfer ; le Ciel, parce que si on en connaissait la beauté, on voudrait y aller à tout prix ; on laisserait bien le monde tranquille ! L’enfer, parce que si on en connaissait les tourments, on voudrait les éviter coûte que coûte ». Pour ces jeunes en retraite, l’essentiel a été dévoilé ; chacun a pu raviver son désir du Ciel et sa vocation à la sainteté.

J’ai beaucoup ri intérieurement en entendant les plus jeunes d’entre eux échanger sur le Ciel. L’imagerie revient à grand pas dès qu’on cherche à se faire une idée de ce que sera cet état de béatitude éternelle. Chacun avançait ses plaisirs ou ses passions en les multipliant à la puissance dix ou cent ou mille. Le Ciel pouvait ainsi devenir un océan de Coca-Cola, ou une gigantesque piste avec de superbes motos, ou un hyper parc ludique avec des super jeux qui …etc … Ces échanges étaient, bien sûr, empreints de drôlerie et de taquinerie. Tous savaient, au plus intime de leur cœur, que le Ciel était bien plus que cela, … bien au-delà de tout cela … que le Ciel c’était la plénitude de l’Amour dans un face à face éternel avec Dieu. Voilà qui dépasse notre imaginaire.

 

Notre vocation, c’est la sainteté ; notre vie, c’est Dieu ; nous sommes faits pour le Ciel. Y pensons-nous seulement ? Le désirons-nous vraiment ? Chaque eucharistie nous met à notre vraie place, celle qui nous attend pour l’éternité. « Que c’est beau ! s’exclamait Saint Jean-Marie Vianney. Après la consécration, le Bon Dieu est là comme dans le Ciel ! Si l’homme connaissait bien ce mystère, il mourrait d’amour». Et il ajoutait : « Ô homme, que tu es heureux, mais que tu comprends peu ton bonheur ! Si tu le comprenais, tu ne pourrais pas vivre … Oh ! non, bien sûr, tu ne pourrais pas vivre ! … Tu mourrais d’amour ! …»

 

Il se peut que beaucoup sortent de ce monde sans savoir ce qu’ils y sont venus faire, et sans s’en inquiéter davantage. Il est triste, hélas ! de voir tant de nos contemporains s’étourdir et vivre comme si aujourd’hui devait durer toujours. Ne faisons pas de même ». Soyons fascinés par Dieu, tendus vers le Ciel, amis des saints, nourri de l’Eucharistie, épris de vie éternelle. Être créé par Dieu, être aimé de Dieu, l’aimer dès ici-bas et l’aimer pour l’éternité, que c’est beau ! Voilà notre bonheur !

 

Père Gilles Morin

Curé

S.O.S salutaire

Ce jeune homme réside sur notre paroisse et a été baptisé en notre église. Visiblement, il ne sait pas que le sacrement du baptême imprime en nous un caractère indélébile et définitif. Frappé depuis de longues années par la souffrance, rudement éprouvé en son corps, terriblement crucifié en son âme, il sombre dans la désespérance. Il vient d’écrire à la chancellerie de notre diocèse pour demander l’impossible, à savoir être rayé des registres du baptême qui atteste sa dignité de fils de Dieu. C’est véritablement un cri de tout son être exprimant sa détresse, un cri poussé dans un moment de découragement particulièrement intense, un cri fort heureusement repris quelques heures plus tard par l’appel téléphonique qu’il eut avec le Chancelier et par lequel il lui signifiait de ne tenir aucun compte de sa demande.

Toi qui es éprouvé au point de crier, ne sombre pas dans la désespérance. Nous allons venir à toi, nous ferons tout pour te redonner confiance. Par nous, le Seigneur va venir à ton aide, lui qui a pitié de toi et qui t’aime à l’infini.

 

Il y a bien longtemps, à Jéricho, un mendiant aveugle était lui aussi dans la détresse. Il s’appelait Bartimée. Il était figé, il était marginalisé. Sachant que Jésus passait, il osa crier, une fois, … deux fois, … à pleins poumons, à pleine gorge. Pas question de le faire taire. Il reprenait cet appel qui traverse toute l’histoire du peuple de Dieu, ce cri des prophètes et des anawims (les pauvres de Yahvé), ce S.O.S salutaire : « Dieu, viens à mon aide ». Un tel appel n’est jamais lancé en vain. « Quand un pauvre crie, le Seigneur entend. Il le sauve de toutes ses angoisses » (Ps 34, 7). Bartimée a crié ; il a été sauvé.

 

Que de fois nous élevons la voix et nous nous emportons, trop souvent pour des riens ! Que de fois nous nous énervons au point de vociférer et donc de blesser ! Ces hurlements, loin de nous libérer, nous cabrent, nous figent et nous enlisent.

 

A l’inverse, que de fois nous ne crions pas, nous ne supplions pas, par orgueil et manque de simplicité, nous enfermant dans un mutisme usant et stérilisant, cherchant à tout assumer et tout supporter par nous-mêmes. Notre orgueil torpille nos S.O.S qui seraient pourtant salutaires. Est-ce donc si difficile, dans une vie de famille ou dans des relations amicales, d’avouer bien simplement : « Viens à mon aide, j’ai besoin de toi, je n’y arriverai pas sans toi » ? Faut-il que nous soyons terriblement orgueilleux pour ne pas assaillir le ciel lorsque nous sommes dans l’épreuve et la détresse ?

 

Que j’aime, en chaque célébration de la liturgie des Heures, – entre autres aux laudes et aux vêpres –, entonner l’office par ce cri biblique : « Dieu, viens à mon aide », et entendre les participants répondre : « Seigneur à notre secours ». Cet appel ne saurait être vain. Il ne peut y avoir de salut sans S.O.S.

Seigneur, montre-nous notre détresse ; que nous ayons l’humilité de Bartimée ;  que nous ayons sa ténacité et sa simplicité pour te crier : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi … Dieu viens à mon aide ».

 

Père Gilles Morin

Curé