La vallée des saints

 

Si vous avez l’occasion de passer par Carnoët, vous verrez Anna, Brieg, Erwan, Hoarne, Padrig, ou du moins leurs statues. Vous les connaissez mieux sous leur nom, non bretonnant, de Anne, Brieuc, Yves, Hervé et Patrick. Vous rencontrerez aussi Gweltaz (Gildas), Guénolé, Kaourintin (Corentin), Million (Emilion), Ronan et tant d’autres. Ils sont actuellement une cinquantaine, sis dans ce que l’on appelle « la vallée des saints ». Leurs statues de 4m de haut, sculptées dans le granit, en attendent encore environ 950 autres au cours des années à venir. Quelle belle aventure ! En arpentant au mois d’août ce beau site de Bretagne, j’ai découvert bon nombre de saints dont j’ignorais totalement et le nom et l’histoire. Que dire lorsqu’ils seront mille ?

 

Mille ! c’est beaucoup et c’est peu. Oui, c’est bien peu comparé au nombre impressionnant de saintes et de saints inscrits au martyrologe de l’Eglise. C’est encore très peu par rapport à cette foule dont nous parle aujourd’hui le livre de l’Apocalypse,  » une foule immense que nul ne peut dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues« . Ajoutons que c’est aussi tellement peu par rapport aux saints et aux saintes de notre temps. Combien sont-ils ? Quels noms ont-ils ? Qui peut prétendre les connaître et les lister ?  Certes, ils ne se dressent pas à hauteur de 4 mètres, ils n’ont nullement, selon les apparences humaines, des statures de géants. De par leur humilité, ils ne se font guère remarquer, mais pour qui sait scruter avec les yeux du cœur, ils sont dans le monde sans être du monde, ils sont sel et lumière, ils sont l’espérance du monde et de l’Eglise. Comme leurs prédécesseurs, face aux défis de notre temps, ils sont les véritables protagonistes capables de révolutionner notre monde par la puissance de l’Amour. Ne les cherchons pas trop loin de nous ; ils sont parfois tout proches de nous. Sans eux, que deviendrions-nous ? Ceux-là seuls sont vraiment heureux ; ils sont dans la grâce de Dieu.

 

Ces innombrables saints et saintes des siècles passés, tout comme ceux d’aujourd’hui, nous invitent à nous rappeler que « dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté« . Notre séjour sur terre doit être un pèlerinage vers le Ciel. Nous devons être tendus vers ce but et vivre dès à présent de la joie du Royaume. Oui, les saints sont parmi nous ; ils sont autour de nous ; ils doivent être « nous ».

 

Père Gilles Morin,

curé

Urgence ou pas urgence ?

 

« Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire », nous dit l’Evangile, mais l’aveugle de Jéricho criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! ». N’était-il pas dans l’obscurité ? Ne devait-il pas s’ouvrir à la lumière ? Dès lors, comment ne pas supplier et crier ?

 

Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous sommes prompts à appeler et presque à harceler nos amis et nos proches pour des choses futiles et sans urgence. Il n’en va pas toujours de même pour ce qui est essentiel. Il y a de cela quelques années, j’étais en retraite spirituelle. J’avais laissé sur le répondeur de mon téléphone fixe le message suivant : « Je suis absent jusqu’à lundi prochain. En cas d’urgence et pour un motif grave, vous pouvez me joindre au … » et je communiquais mon numéro de portable. En pleine retraite, un soir vers 22h, mon plus jeune frère m’appela. « Allo ! c’est Thierry. Est-ce que tu peux m’envoyer ta nouvelle adresse ? etc … ». J’interrompis rapidement la conversion en lui faisant remarquer avec une certaine fermeté qu’il n’y avait en cela rien d’urgent ni de grave.

 

Ce dimanche 27 septembre, en la fête de saint Vincent-de-Paul, je venais tout juste de me coucher et d’éteindre la lumière. Il était 23h55. Le téléphone sonna. Je bondis de mon lit et décrochai le combiné :

Allo !

Oui, allo ! oh excusez-moi, je pensais tomber sur la messagerie. Je vous appelle de province parce que ma sœur est à l’hôpital Georges Pompidou. Les médecins nous disent qu’elle ne passera probablement pas la nuit. J’ai recherché une paroisse proche de l’hôpital et j’ai trouvé votre numéro. Je voulais savoir si un prêtre pourrait aller porter le sacrement des malades à ma sœur. Elle est très chrétienne ; ce serait pour elle un grand réconfort.

Bien sûr, lui répondis-je ; j’y vais tout de suite.

Renseignements pris, je m’apprêtais à partir lorsque le téléphone sonna à nouveau

Allo ! Je vous appelle parce que je suis près de ma tante qui est à l’hôpital. Les médecins nous ont dit qu’elle ne passerait probablement pas la nuit. Elle est très chrétienne etc

Je viens d’avoir votre maman au téléphone, dis-je à mon jeune correspondant. J’arrive tout de suite.

Deux personnes, donc, qui appellent en pleine nuit. Il n’y a pas à hésiter. Il y a urgence ; c’est pour un motif grave. Il s’agit d’aider une femme à entrer dans la pleine lumière de Dieu.

 

Tout récemment encore, un homme en pleurs me téléphone vers 22h00

Allo ! Père, j’ai besoin de vous. Est-ce que je peux venir vous voir maintenant ?

Bien sûr, lui répondis-je

Salutaire appel téléphonique ! Il y avait urgence ; c’était pour un motif grave. Cette rencontre fut une grâce.

 

Malgré les injonctions de beaucoup de gens, l’évangile de ce jour nous dit que Bartimée supplia et cria avec insistance : « Fils de David, prends pitié de moi ! ». Craignons de déranger à point d’heure nos prêtres et nos proches pour des futilités et des riens ; mais ne redoutons jamais de solliciter leur aide et de lancer des S.O.S dès qu’il s’agit de motifs graves et urgents… et le salut d’une âme, c’est toujours grave et urgent.

 

Père Gilles Morin,

curé