Facile

 

Ce spécialiste qui mérite le nom de « docteur » lance cette question à Jésus : « Maître, dans la Loi, quel est le plus grand commandement ? ». Facile ! Comment ce rabbi de Nazareth pourrait-il ignorer la réponse ? Elle est inscrite dans la Parole de Dieu (Dt 6,5). Tous, nous saurions la rappeler : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement ». Ce commandement fait partie de la profession de foi juive, le Shema Israël. Et Jésus d’enchaîner : « Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Cet impératif n’était pas une nouveauté sortant de la bouche d’un prédicateur original. Il était bel et bien inscrit,  lui aussi, dans la Parole de Dieu, au livre du Lévitique (Lv 19,18), mais quelle place lui donnait-on alors ? Trop de scribes, pharisiens et docteurs de la Loi se focalisaient sur l’observance minutieuse de prescriptions multiples. Ils sombraient dans le légalisme. Il fallait hiérarchiser les 613 commandements de la Loi qui pesaient dans la vie quotidienne du peuple d’Israël. Où était donc situé ce petit verset du livre du Lévitique rappelant l’exigence de l’amour fraternel, particulièrement en faveur des opprimés, des petits et des pauvres ? Jésus se contente donc d’affirmer que le commandement de l’amour envers Dieu et son prochain donne sens à tous les autres. D’une certaine manière, il affirme ce que dira plus tard la petite Thérèse de l’Enfant Jésus : « Il suffit d’aimer ». Facile à dire … beaucoup plus difficile à faire. « Fais cela et tu vivras », répond Jésus au légiste dans le parallèle que nous trouvons en Saint Luc (Lc 10,28)

 

Vous connaissez sans doute le jeu télévisé « Qui veut gagner des millions ? » ou d’autres du même genre. Les candidats ne manquent pas. Les premières questions sont d’une simplicité parfois déconcertantes. Elles sont tellement faciles … puis deviennent de plus en plus difficiles.

« Qui veut gagner le ciel ? » Tout homme devrait se précipiter pour une telle perspective. L’enjeu dépasse ô combien toutes les fortunes de la terre. La question − j’allais presque dire l’unique question − qui donne sens à toutes les autres, c’est : « Aimes-tu ? Aimes-tu le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur ? Aimes-tu ton prochain comme toi-même ? ». « Il suffit d’aimer ». « Notre vocation, c’est l’Amour ! ».

 

Notre fondateur, le Père Jean-Léon Le Prevost, insistait sur le fait que « la première œuvre et l’essentielle affaire chez nous, c’est d’aimer Dieu« . Il affirmait avec autant de force « qu’on ne fait du bien aux hommes qu’en les aimant« . Là est l’essentiel … dans ce double commandement de l’amour. À l’approche de la solennité de la Toussaint, ravivons en nous notre désir de « gagner le ciel ». C’est facile ! Tous les saints nous l’enseignent : « il suffit d’aimer !«  Facile à dire … plus difficile à faire. C’est pourquoi il faut nous empresser de rajouter « avec la grâce de Dieu », car en vérité, on ne gagne pas son ciel par ses propres forces, mais on le reçoit comme un magnifique cadeau déposé par le Dieu d’amour dans un cœur qui a su aimer… pauvrement et trop petitement sûrement… mais qui a tout de même su aimer, par la grâce de Dieu.

 

Père Gilles Morin, curé

Comment avoir l’esprit tranquille ?

 

Que dire de ces partisans d’Hérode et des disciples des pharisiens dont nous parle l’Evangile de ce dimanche ? Ils sont hypocrites, certes, mais ils ont raison. « Maître, lancent-ils à Jésus, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ». Mais alors, pourquoi ne l’écoutez-vous pas sincèrement ? pourquoi ne le suivez-vous pas loyalement ? Voulez-vous donc errer dans l’obscurité et passer à côté de Dieu ?

 

Que dire de nous, disciples du Christ ? Nous le savons, nous aussi : Jésus est le chemin, la vérité et la vie. « Il est le Seigneur, il n’y en a pas d’autre : en dehors de lui, il n’y a pas de Dieu« . Nous l’avons accueilli au cœur de notre vie. Nous voulons l’annoncer et le proclamer. C’est un devoir ; c’est une exigence incontournable :  Malheur à nous si nous n’annonçons pas l’Evangile. Mercredi, nous fêterons liturgiquement le Saint pape Jean-Paul II, ce grand héraut de l’Evangile. Laissons résonner en nous son exhortation à la mission: « Nous ne pouvons avoir l’esprit tranquille en pensant aux millions de nos frères et sœurs, rachetés eux-aussi par le sang du Christ, qui vivent dans l’ignorance de l’amour de Dieu. Pour le chrétien individuel, comme pour l’Eglise entière, la cause missionnaire doit avoir la première place, car elle concerne le destin éternel des hommes ».

 

Vous le savez sans doute : ce dimanche, à Rome, aura lieu la béatification du pape Paul VI. En cette journée mondiale de la mission universelle de l’Eglise, nous pourrions prendre la résolution de lire l’une de ses encycliques, Evangelii Nuntiandi, promulguée au terme de l’année sainte 1975. C’est un texte magnifique, sur l’annonce de l’Evangile. Il reste d’une telle actualité. « La présentation du message évangélique n’est pas pour l’Eglise une contribution facultative, écrivait Paul VI : c’est le devoir qui lui incombe, par mandat du Seigneur Jésus, afin que les hommes puissent croire et être sauvés. Oui, ce message est nécessaire. Il est unique. Il ne saurait être remplacé. Il ne souffre ni indifférence, ni syncrétisme, ni accommodation. C’est le salut des hommes qui est en cause. C’est la beauté de la Révélation qu’il représente. Il comporte une sagesse qui n’est pas de ce monde. Il est capable de susciter, par lui-même, la foi, une foi qui repose sur la puissance de Dieu. Il est la Vérité. Il mérite que l’apôtre y consacre tout son temps, toutes ses énergies, y sacrifie, au besoin, sa propre vie ».

 

Sommes-nous véritablement des apôtres ? … Tous ? Quel temps, quelles énergies, quels sacrifices consacrons-nous à l’annonce de l’Evangile ? Encore une fois, ce n’est pas une dimension optionnelle de notre vie chrétienne ; c’est une exigence interne, un devoir pressant … pour nous tous.

 

Les papes se suivent : Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, Benoît XVI. Tous sans exception ont rappelé cette exigence de la mission. Notre pape François s’inscrit nettement dans cette ligne. Il faut « sortir, proclamer, annoncer« , martèle-t-il. « Ne nous laissons pas voler la joie de l’Evangélisation », insiste-t-il. L’Evangile est pour tous. J’aurai à vous le rappeler avec une insistance particulière au moment de l’Avent 2014. Sur demande de notre archevêque et pour l’ensemble de notre diocèse, ce sera un temps fort de mission. Soyez-en sûrs par avance : Je ne vous laisserai pas tranquille parce que « nous ne pouvons avoir l’esprit tranquille en pensant aux millions de nos frères et sœurs, rachetés eux-aussi par le sang du Christ, qui vivent dans l’ignorance de l’amour de Dieu« … pas plus que nous ne pouvons donc avoir l’esprit tranquille en pensant à ceux qui nous sont plus proches, qui habitent dans notre quartier, et qui vivent trop souvent comme si Dieu n’existait pas ou ne les aimait pas à l’infini… Ils sont des milliers.

 

Père Gilles Morin, curé