POUR NOUS

 

Le Père Lecuyer ne s’en souvient sûrement pas ; cela reste cependant pour moi un souvenir marquant.

 

J’étais jeune animateur en colonie de vacances et n’avait guère que 18 ans. Avec le groupe des adolescents de 13-14 ans, nous étions partis camper durant 3 jours dans les dunes de Biville, dans le Cotentin. Tout s’était bien passé ; il fallait maintenant penser à rentrer. Le Père Lecuyer était venu nous rejoindre pour célébrer la messe et se faisait une joie d’effectuer avec nous la marche du retour… Fort heureusement pour nous.

 

Nous nous chargeâmes de nos sac à dos. Il y avait aussi une sorte de chariot dans lequel nous avions mis les tentes et le matériel de cuisine. Il pesait son poids. Les premiers kilomètres se passèrent dans la joie. Les jeunes taquinaient volontiers le Père qui marchait à nos côtés. Les rires fusaient. Nous avancions sur les plages qui s’enchainaient : Biville, Héauville, Siouville … Vint le moment où le chariot se trouva à la fois enlisé dans le sable et les roues bloquées par des rochers. Mes jeunes tentèrent de sortir de cette situation. Ils tiraient et tiraient encore jusqu’à s’arcbouter ; rien n’y faisait. J’y mis la main … sans plus de résultat. Mais le Père était à nos côtés. Il s’approcha, pris le manche de la charrette, tira énergiquement, et avec sa force herculéenne débloqua la situation sous les acclamations de ces adolescents qui n’en revenaient pas. La marche repris donc. La fatigue se fit peu à peu sentir ; les haltes devinrent plus nombreuses. Le chariot semblait maintenant peser une tonne. Nos jeunes étaient véritablement épuisés … mais le Père marchait à nos côtés. Ce fut lui qui s’empara de ce fardeaux et le traîna jusqu’à Flamanville, lieu de notre colonie. Nous marchions derrière lui, il marchait devant nous. Ce ne fut qu’à l’arrivée que je vis son visage ruisselant de sueur, marqué par la fatigue. C’est alors que je compris : Il avait marché avec nous ; il s’était fatigué pour nous. Ce « Pour nous » résonna dans mon cœur.  Ce souvenir anecdotique, jamais je ne l’oublierai. Comme j’aimerais que chacun de ces jeunes qui avaient alors 13-14 ans puissent se souvenir de cette aventure et se rappeler : « Le Père marchait à nos côtés ; il s’est chargé pour nous ; il s’est fatigué pour nous ».

 

Le prêtre, c’est le Christ au milieu de nous. En ce dimanche, le premier évangile nous fait entendre les foules qui acclament Jésus de Nazareth. Pensez-donc ; il vient de redonner vie à un mort ; il a  » ressuscité  » Lazare. C’est le temps de l’exploit et du triomphe. La lecture de la Passion, elle, met en relief le moment de l’oblation et de l’immolation. Jésus a marché sur nos routes ; il a libéré l’humanité de la mort qui l’enchainait ; il s’est chargé de nos péchés et de nos iniquités ; il est allé jusqu’au bout de son chemin de croix POUR  NOUS … toujours pour nous. Sans lui, où serions-nous ? Contemplons le visage de Jésus, croisons son regard, laissons-nous toucher par ses souffrances. Laissons résonner en notre cœur ce « POUR  NOUS ».

 

Père Gilles Morin,

Curé

Ni M’Bemba ni Mamadou mais Jésus

 

Dans l’abondant courrier déposé dans notre boite aux lettres du 349 rue Lecourbe se trouvait, il y a quelques jours, ce petit feuillet publicitaire :

Monsieur M’Bemba …

Tout fait a une cause et  toute cause a une solution. Il résoudra vos problèmes sentimentaux et beaucoup d’autres cas spéciaux …amour et fidélité, affection, examens, protection …etc … Travail sérieux, efficace, rapide, etc …

 

Le surlendemain, ayant dû sortir faire quelques courses, je découvris sur le pare-brise de la voiture un autre feuillet du même type :

Professeur Mamadou,

Grand voyant medium africain … Contactez-moi en toute confiance … capable de trouver avec vous la solution à toutes vos difficultés : amour, solitude, chance, travail, orientations études et examens, permis de conduire, protection contre danger … Surtout n’hésitez pas à me contacter quel que soit votre problème. Il y a toujours une solution pour le résoudre.

 

Je ne vous donnerai, bien sûr, ni les adresses ni les coordonnées téléphoniques de ces deux charlatans. Je voudrais simplement les interroger. Dans la semaine qui a suivi, l’une de mes nièces a accouché à 7 mois d’une petite Nolwène … mort-née. Alors, Monsieur M’Bemba et Professeur Mamadou, vous qui prétendez régler tous les problèmes, qu’allez-vous répondre à ma nièce si éprouvée ? Est-ce vous qui allez lui rendre sa petite Nolwène et lui redonner vie ? Un seul peut faire sortir les morts de leur tombeau ; Un seul peut affirmer en toute vérité : « Je suis la Résurrection et la Vie » : C’est Jésus, le Fils du Dieu Vivant. C’est Lui, le crucifié qui est vraiment ressuscité et qui nous permet de nous écrier : « Ô mort, où donc est ta victoire ; la mort a été vaincu par la Vie ».

J’aimerais que, par-delà le drame qui la frappe,  ma nièce Aurélie soit ainsi réconfortée dans la foi. Tel n’est pas le cas.

« Je ne suis aujourd’hui plus croyante, pour diverses raisons, m’écrit-elle, mais je me dis que si j’ai tort et que vous avez raison, au moins ma petite fille aura été accompagnée de nombreuses prières pour son départ vers le Paradis. J’espère que vous avez raison et que j’ai tort, qu’un jour je pourrai retrouver ma fille dans l’au-delà et que nous pourrons rattraper tout ce temps qui nous a été volé sur cette Terre. Merci d’avoir accompagné ma fille sur une voie où je n’ai pas pu le faire ».

Je prie pour ma nièce Aurélie ; pour qu’elle retrouve la foi de ses jeunes années en Jésus-Sauveur et Vainqueur. Je prie pour qu’avec cohérence, elle aille jusqu’au bout de ses interrogations et en perçoive bien l’enjeu. Qui a raison ? qui a tort ? Ce n’est pas anodin ; elle n’a pas le droit de survoler cette question ni d’être paresseuse dans la foi. Ou bien en effet sa petite Nolwène a été anéantie par la mort et il n’y a plus qu’à pleurer et désespérer. Ou bien par-delà le drame de sa mort prématurée, la vie de Nolwène n’a pas été détruite mais transformée, transfigurée. En ce cas, Aurélie peut vraiment espérer.

Je prie pour elle ; puisse-t-elle laisser Jésus ouvrir les portes de son cœur et lui redire : « Je suis la Résurrection et la Vie ; Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais ».

 

Père Gilles Morin,

Curé