Garde toujours ton sourire

 

Je crois vous avoir déjà parlé de mes « perles précieuses ». Vous vous souvenez : ce sont les personnes qui prient pour moi chaque jour. C’est ainsi que je les appelle … elles me sont en effet si précieuses. L’une d’entre elles est une dame qui a passé les 95 ans. Elle m’a vu arriver tout jeune au patronage Maurice Maignen où j’ai grandi ; elle m’en a vu repartir le jour de mon entrée au noviciat. Je n’oublierai jamais ces quelques mots qu’elle m’adressa alors, tout en me faisant la bise : « Surtout, mon petit Gilles, garde toujours ton sourire ». Je n’ai hélas ! pas toujours bien respecté cette recommandation mais je me suis efforcé de ne jamais l’oublier.

 

Alors que nous entrons dans le temps de l’Avent, voici que notre pape François vient, par son exhortation apostolique « Evangelii Gaudium », de nous adresser une invitation pressante à la joie. « La joie de l’Évangile, écrit-il, remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus…/… Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours ». Si elle renaît toujours, il faut donc résolument aller vers Jésus, se laisser rejoindre par Lui, attendre impatiemment sa venue, espérer la rencontre bouleversante et exaltante avec Lui. . « J’invite chaque chrétien, poursuit le pape, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui, parce que  » personne n’est exclus de la joie que nous apporte le Seigneur » ».

 

Parmi tant d’autres, une phrase de cette exhortation apostolique m’a interpellé, faisant resurgir en mon esprit le visage de ma bonne  » perle précieuse « . « Il y a des chrétiens, constate le pape, qui semblent avoir un air de Carême sans Pâques ». Oui, il y a des disciples du Christ qui traînent une triste mine, comme s’ils avaient oublié la joie de la Nativité, comme s’ils avaient laissé s’éteindre en eux le sourire de l’Enfant. Ma  » perle précieuse  » a toujours le sourire ; elle est donc crédible. Je l’ai toujours connue radieuse, enthousiaste, tonique, bienveillante et débordante d’espérance. En son cœur de vieille dame aujourd’hui, il y a encore une étonnante jeunesse ; il y a toujours son cœur d’enfant rayonnant de la présence de l’Enfant.

 

Alors que nous entrons dans le temps de l’Avent s’ouvre aussi pour nous l’année de l’appel. La joie est contagieuse ; elle est pour tous parce que Jésus va venir, qu’il est venu et qu’il reviendra pour tous. « Il est vital, insiste le Saint-Père, qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu. C’est ainsi que l’ange l’annonce aux pasteurs de Bethléem : « Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple » (Lc 2, 10). Et le pape François de formuler ce souhait : « Que le monde de notre temps qui cherche, tantôt dans l’angoisse, tantôt dans l’espérance, puisse recevoir la Bonne Nouvelle, non d’évangélisateurs tristes et découragés, impatients ou anxieux, mais de ministres de l’Évangile dont la vie rayonne de ferveur, qui ont les premiers reçu en eux la joie du Christ ».

 

Parmi nos résolutions de l’Avent, peut-être pourrions-nous donc retenir cette belle consigne : « Surtout, garde toujours ton sourire ». Peut-être aussi pourrions-nous nous efforcer d’être, pour nos frères et nos sœurs, de véritables perles précieuses. Nous en avons tous tellement besoin.

 

Père Gilles Morin

Curé

Pour qui se prend-il ?

 

Nombreux êtes-vous, je suppose, à connaître le nom de Zlatan Ibrahimovic. C’est une star du football évoluant au club du P.S.G.. Ce joueur suédois d’1m95 et de 95 kilos fait vibrer les foules par son art de la maitrise du ballon rond, ses dribles et ses buts. L’humilité, par contre, n’est guère son fort. Comme tant d’autres, son ego est démesuré. Il y a peu, sur un ton sans doute humoristique, il n’a pas hésité à se comparer à … Dieu. Oui, vous avez bien lu … à Dieu. Interrogé par un journaliste de la télévision suédoise sur le match Suède-Portugal qui devait avoir lieu et dont l’enjeu n’était autre que la qualification à la coupe du monde, le grand Zlatan a répondu : « Nous voulons clairement aller au Mondial. Nous ferons de notre mieux. Mais seul Dieu sait ce qui va se passer ». Réaction du journaliste : « C’est un peu compliqué de demander à Dieu ». Réponse de Zlatan : « Mais vous êtes en train de lui parler ». Une phrase lancée sans sourciller. Alors, je le demande à tous les fans d’Ibrahimovic : voulez-vous donc d’un tel dieu ? Souhaitez-vous vraiment qu’il soit votre roi ? … En tous cas, pas moi. 

 

J’ai une autre proposition à vous faire : Jésus de Nazareth, vous connaissez ?  Lui ne se prend pas pour Dieu ; il EST Dieu, en toute vérité. Il est le Messie, il est le Roi de l’Univers. Contemplez-le en sa Passion, et vous verrez que loin de chercher à dominer et s’imposer, il ne cesse de s’abaisser et de s’humilier. Il règne, oui, mais par l’amour ; son royaume n’est pas de ce monde ; ce n’est que trop évident. Jésus est Maître et Seigneur de nos vies ; il est le roi de nos cœurs, mais vraiment pas à la manière du monde.

 

Il y a trois semaines, avec les pèlerins de notre paroisse, j’ai gravi quelques marches dans un sombre édifice situé au détour d’une ruelle et comme “perdu“ au milieu d’un souk. C’était à Jérusalem, dans la basilique du Saint-Sépulcre nommée encore l’Anastasis. Je suis monté au Golgotha,  lieu dit du Crâne, le trône du Roi. Je me suis incliné, agenouillé, je l’ai touché et embrassé. Longuement, je me suis répété : « C’est ici que Jésus ton Sauveur et ton Roi est mort pour toi ». Je n’ai pu que pleurer, m’émerveiller et m’écrier : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ».

 

Ce cri, il y a bien longtemps et en ce même lieu, un larron l’avait déjà poussé. En un acte de foi prodigieux, il avait su reconnaître dans le Crucifié défiguré et humilié, le Roi de l’univers. Jésus de Nazareth lui avait alors assuré : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». Promesse inouïe que Dieu seul peut faire. L’un des premiers Pères de l’Eglise s’en est émerveillé au point d’écrire : « Quel est le roi qui accepterait d’avoir à ses côtés, partageant son triomphe, un criminel hors-la-loi ? Et le Roi du Ciel, vainqueur de la mort, entre en son Royaume en compagnie d’un bandit !…». Merveille de la miséricorde de Dieu pour ce larron, mais aussi pour chacun d’entre nous qui cheminons dans la foi. C’est quand même autre chose que du Zlatan.

 

Père Gilles Morin

Curé