Seigneur, me retirer avec Toi au désert

 

Samedi dernier, notre paroisse se rendait en pèlerinage à la Cathédrale. Les trois cents participants resteront marqués par le bel accueil qui nous a été réservé et la ferveur qui nous a animés. Pour ma part, quelle joie et quelle grâce d’avoir pu célébré l’eucharistie au maître- autel ; pour tous, quel moment saisissant que celui des deux élévations au cœur de la Consécration,  accompagnées − chacune − de trois impressionnants coups de cloches nous invitant à l’inclination.

 

En ce dimanche, le mouvement est inverse. C’est nous qui avons à accueillir. En la personne de notre évêque, la cathédrale vient jusqu’à nous. Le Cardinal André Vingt-Trois va célébrer la messe à l’autel de notre petite église. C’est le même mystère eucharistique qui s’accomplira, avec les deux élévations au cœur de la Consécration, et le résonnement de notre petite cloche nous invitant à l’ inclination dans une attitude d’adoration. Mais il y aura une autre invitation : celle de toute l’Eglise qui nous sera portée par la voix du Cardinal… invitation à nous retirer avec Jésus au désert. Pourquoi donc ? L’écharpe violette qui va nous être remise et que nous allons passer autour de notre cou avant la proclamation du « Credo » voudra justement, dans notre quotidien trop souvent agité et dispersé, nous rappeler l’exigence vitale de nous recentrer sur la personne du Christ. N’avons-nous pas grand besoin d’être sauvés et transfigurés par son Amour ?  Ne sentons-nous pas, au plus intime de notre cœur, un désir ardent de vivre de Sa Vie ?

 

Vous le savez : notre Saint-Père Benoît XVI a pris en toute liberté « une décision de grande importance ». « Bien conscient de la gravité de cet acte », il renonce au ministère d’Evêque de Rome », donc de celui de successeur de Pierre. Il se retire, … mais attention ! N’y voyons pas un lâche abandon ou une pitoyable capitulation qui susciterait en nous la réprobation. Le Saint-Père vit pour le Christ, pour l’annonce et l’accueil de son message de Salut. Il veut servir, et toujours servir. Son choix n’est nullement celui de la lâcheté mais celui de l’humble lucidité. Sa motivation n’est aucunement celle de la résignation mais celle du souci de la nouvelle évangélisation. Il veut servir, toujours servir. Il renonce à l’Anneau du pêcheur pour une pêche plus féconde encore. « Puissé-je servir de tout cœur, nous dit-il, … par une vie consacrée à la prière ».

 

De même que nos oreilles entendent la cloche au moment de l’élévation, puissent nos cœurs laisser résonner en eux cet appel à nous retirer au désert … appel à la conversion, au recentrement de notre vie sur le Christ Sauveur, pour servir et servir encore, avec toujours plus d’humilité et de fécondité.

 

Père Gilles Morin

Curé

Sonnez pour notre Dieu ; sonnons pour notre Roi

 

Marie, Gabriel, Anne-Geneviève, Denis, Marcel, Etienne, Benoît-Joseph, Maurice et Jean-Marie sont vraiment magnifiques. L’enchaînement de ces prénoms n’évoque peut-être rien pour vous. Les pèlerins de ce samedi qui reviennent de Notre-Dame de Paris savent que ce sont ceux des nouvelles cloches qui sont exposées actuellement dans la nef de la cathédrale. « Sonnez pour notre Dieu, sonnez ; Sonnez pour notre Roi, sonnez ! », chante le psaume 47. Et elles sonneront effectivement pour la première fois le dimanche des rameaux.  Elles rythmeront dès lors la vie des parisiens pour tenter de les faire vibrer au diapason du cœur de Dieu.

 

L’évangile de ce dimanche est riche d’enseignement. Il y a la présence de Celui qui est la Lumière du monde, mais il y a aussi sa voix. Simon-Pierre contemple Jésus mais aussi, il l’entend ; il se montre docile à sa Parole. C’est comme s’il était là à dire au rabbi de Nazareth : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute ». Le Christ le conduit au large pour lui signifier ce qu’il attend de lui : « Désormais ce sont des hommes que tu prendras ». Simon-Pierre se retrouve dans l’attitude du prophète Isaïe : « J’entendis la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j’ai répondu : « Moi, je serai ton messager : envoie-moi » ».

 

Aujourd’hui encore, le Christ est présent au milieu des hommes. Combien ouvrent leurs yeux et le reconnaissent ? Il parle ; qui donc l’écoute ? Il appelle et il envoie ; qui donc réponds ? Dans son homélie du 2 février, à l’occasion de la bénédiction des nouvelles cloches, le Cardinal Vingt-Trois disait aux enfants :

 

« Dans notre vie, il y a des signes pour rappeler cette lumière du Christ. Nos églises sont des signes. Votre paroisse est un signe. Cette cathédrale est un signe magnifique pour nous le rappeler. Mais comme vous le savez, quand on a des trous de mémoire, cela nous empêche de bien voir. C’est comme s’il y avait du brouillard, un rideau devant les yeux, et on ne voit plus les signes. On passe devant une église et on ne sait plus ce qu’elle signifie.

Alors il faut que la voix de Dieu se fasse entendre, non seulement par la vue des signes, mais par le son. Et ces cloches que nous venons de bénir et qui vont être placées dans les tours de la cathédrale auront pour mission de répandre ce bruit – pas seulement le fracas du métal – mais une harmonie, une musique, un appel, un message : quand la cloche sonne, c’est le message de Dieu qui atteint notre cœur, qui vient réveiller dans nos mémoires la présence de cette lumière pour conduire notre vie. Et pour les hommes et les femmes qui n’ont jamais connu cette lumière, qui l’ont oubliée ou perdue, c’est un chemin pour leur adresser une parole d’espérance. Oui, ils pourront se laisser guider par le son de ces cloches, parce que le son les conduira vers la lumière pour orienter leur vie vers le bonheur ».

 

Dimanche prochain, notre archevêque, le Cardinal André Vingt-Trois, viendra au milieu de nous, tel le Christ montant dans la barque de notre église Notre-Dame de Nazareth. Il nous invitera à cheminer durant le temps du Carême en ravivant en nous la grâce de notre baptême ; saurons-nous, l’écouter pour réajuster le tintement de nos cœurs à celui du Christ Sauveur. « Qui enverrai-je ? » nous dira-t-il à sa manière. Que répondrons-nous alors ? « Moi, je serai ton messager ; ma vie sonnera et sonnera encore les merveilles de  Dieu pour porter la Bonne Nouvelle à tous mes frères. Envoie-moi ».

 

Père Gilles Morin

curé