Ô toi, beauté qui nous enseigne et qui nous touche

 

Qu’elle est belle et majestueuse cette grande et vieille dame qu’est notre cathédrale ! Mercredi, ce bel édifice sera comble pour ouvrir l’année jubilaire de ses 850 ans. Vous vous rendez compte : 850 ans, ce n’est pas rien. Au fil de tant de siècles, cette cathédrale a vibré et exulté au son des Te Deum, mais elle a aussi pleuré sur bien des profanations et sacrilèges.

 

Elle se tient là, toujours admirable depuis le parvis, avec ses tours, ses porches et sa façade. Victor Hugo lui-même allait jusqu’à dire qu’ « il est à coup sûr peu de plus belles pages architecturales que cette façade … Vaste symphonie de pierre ».

 

Elle est si belle aussi en son intérieur. Ses rosaces attirent nos regards et nous livrent une véritable catéchèse en image. Un vénérable chanoine, à leur sujet, a pu prendre ce parallèle si riche d’enseignement : « De même que Marie donna naissance à Jésus, Lumière du monde, en restant vierge, de même la lumière filtre à travers le verre sans l’altérer. Et lorsque le verre est coloré, le symbolisme s’approfondit : la lumière prend la couleur du verre, à l’image de Dieu qui, ayant “traversé“ Marie, revêtit sa nature pour s’incarner en Jésus ».

 

Qu’elle est belle notre petite église Notre-Dame de Nazareth ! Elle est certes beaucoup plus jeune et moins majestueuse que notre cathédrale, mais elle nous offre aussi ce jeu de couleurs qui illuminent notre statue de la Vierge lorsque les rayons du soleil traversent nos vitraux. N’est-ce pas là une véritable catéchèse sur la virginité et la maternité de Marie ?

 

Il y a bien longtemps, le jour de Noël 1886, Paul Claudel, incroyant et désespéré, entrait dans la Cathédrale, cette belle et majestueuse dame. Des enfants de la maîtrise chantaient le Magnificat. Ils étaient « en robes blanches », précise-t-il, et de raconter : « J’étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi ».

 

De dimanche en dimanche, vous entrez dans notre église paroissiale. Pour qui sait ouvrir les yeux, son intérieur est une véritable catéchèse. De plus, au moins aux messes de 10h et 11h15, vous voyez des enfants et des jeunes « en robes blanches ». Ils chantent, certes, au diapason de l’assemblée (sinon ils se feraient gronder), mais ils ne forment pas une chorale. Vous le savez : ce sont nos servants d’autel. La blancheur de leur aube nous porte la lumière du sauveur ; leur diversité mais leur commune piété sont comme une vaste symphonie qui s’élève et nous élève. Notre petite église n’a pas de piliers ; point de possibilité pour se cacher ; toutes les possibilités au contraire pour admirer. La liturgie a une dimension éminemment catéchétique. Elle doit être belle ; et nos servants y contribuent à un titre spécial. Je sais combien vous savez les en remercier. Regardez-les qui vous aident à vous tourner vers l’unique Sauveur Jésus-Christ. Puisse leur exemple vous toucher, vous soulever et vous fortifier dans une foi inébranlable. En tout cas, moi, « mes servants d’autel » me touchent, me soulèvent et me fortifient. Chaque fois que je prie pour eux, c’est toujours avec joie … et croyez-moi, c’est souvent… très souvent.

 

Père Gilles Morin

Curé

Lettre au Cardinal André Vingt-Trois

 

Je vous écris ces quelques lignes en ce vendredi 30 novembre, jour où l’Eglise fête l’apôtre saint André, votre patron de baptême. Bonne fête, Monseigneur. Ici, en notre paroisse Notre-Dame de Nazareth, nous avons particulièrement prié pour vous. Nous savons combien vous avez et êtes encore agressé odieusement, outrageusement et scandaleusement. L’irrespect et la salacité des propos qui vous sont adressés ne peuvent que nous blesser, tant ils sont intolérables et inadmissibles.

 

Je vous imagine me répliquer que tout ce qui s’est abattu sur Jésus était aussi intolérable et inadmissible. Il s’est offert ; vous vous offrez. En vous remettant la pourpre cardinalice, le pape ne vous a-t-il pas rappelé le sens de la couleur rouge : celle du martyre ? Vous ne l’oubliez pas. Merci pour votre témoignage.

 

Ce matin 30 novembre, en lisant mon bréviaire, je vous imaginais lisant le vôtre  et tombant sur ces lignes tellement de circonstances : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu. Car il est écrit : « Je détruirai la sagesse des sages et j’anéantirai l’intelligence des intelligents ». Où est le sage ? Où est le docteur de la loi ? Où est le raisonneur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas rendu folle la sagesse du monde ? …/… Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est … J’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ et Jésus Christ crucifié » (1 Cor 1,18).

 

Oui, ces lignes étaient vraiment de circonstances au lendemain de votre audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale. On vous y a bafoué ; on vous a expédié. Dix minutes : tel est le temps dont vous avez disposé pour vous exprimer. C’est infime, pour ne pas dire ridicule. Ajoutons-y les 4 minutes pour répondre aux objections des 12 parlementaires présents ; c’est dire l’hypocrisie d’une telle invitation et la mascarade d’une telle rencontre. Les sages et les forts de ce monde avaient sans doute peur que vous les confondiez, d’où leur agressivité.  « Globalement, vous êtes des lobbys , vous a-t-on dit ; … vous lancez vos troupes, vos évêques, vos catholiques s’il en reste … ».

 

Mais des catholiques, bien sûr qu’il en reste. En ce dimanche, ils entrent dans le temps de l’Avent. Dans la nuit de Noël, nombreux sont ceux qui s’approcheront de la crèche ; les églises s’empliront de fidèles − si occasionnels soient-ils − venant fêter le mystère inouï d’un Dieu s’incarnant au sein d’une famille pour nous porter l’Evangile de la famille. Cet Enfant-Dieu, nous le croyons, est Notre Sauveur ; il est aussi la Vérité et la Vie…

 

Oui, des catholiques, bien sûr qu’il en reste. Nous le verrons encore le 13 janvier, dans les rues de notre capitale. Ils ne seront pas les seuls à marcher, certes ; mais ils seront nombreux ; ils seront là.

 

Oui, des catholiques, bien sûr qu’il en reste, et en ce 30 novembre, jour de votre fête, je peux vous assurer, Monseigneur, qu’ils vous regardent comme leur Pasteur et qu’ils prient pour vous.

 

Père Gilles Morin

Curé