Les délices du « je crois »

 

« Hodie ! » … oui, « aujourd’hui », c’est la « solemnitas sanctissimæ Eucharistiæ », la solennité de la très-sainte Eucharistie, du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Dans sa bulle « Transiturus » promulguée en 1262 pour instituer ce que l’on a appelé plus couramment la Fête-Dieu, le pape Urbain IV écrivait : « Qu’en ce jour, des troupes de fidèles s’assemblent dans les églises et en grand nombre et avec une ferveur extraordinaire. Que tous chantent des hymnes et des airs sacrés, non seulement en esprit et du fond de leur cœur mais aussi de leur bouche et de leurs lèvres. Que la foi s’épanche en bénédictions. Que l’espérance bondisse de joie. Que l’amour tressaille d’allégresse …». Alors exultons, brûlons de ferveur, chantons, louons, adorons.

 

En chaque célébration eucharistique, après les paroles de la consécration, le prêtre introduit ainsi l’anamnèse : « Il est grand le mystère de la foi », ou encore « Proclamons le mystère de la foi ». Effectivement, quelle grandeur, quelle splendeur en ce sacrement où, selon l’expression de saint Thomas d’Aquin, « tout est miracle »! Dans le rite catholique copte d’Alexandrie, au terme de la messe, l’assemblée confesse solennellement sa foi en ces termes : « Amen ! Amen ! Amen ! Je crois, je crois, je crois ! Jusqu’au dernier souffle de ma vie, je confesserai que ceci est le Corps vivifiant de votre Fils unique, de notre Seigneur et de notre Dieu, de notre Sauveur Jésus-Christ ». « Hodie! » … « Aujourd’hui », nous aussi, tous ensemble, nous le confessons, nous le proclamons.

 

Merveille des merveilles! le Christ ne se rend pas seulement présent (et bien réellement) sous les apparences du pain et du vin. Il veut aller jusqu’au bout de l’amour. Il veut ne faire qu’un seul cœur et une seule chair avec nous par cette venue corporelle au plus intime de notre être qu’est la communion. « Le corps du Christ », nous dit le prêtre en nous montrant l’hostie … et nous répondons « Amen! ». Comment ne pas exulter ? Comment ne pas brûler du désir de recevoir la sainte hostie, le pain de vie ? Samedi dernier, des enfants de notre paroisse ont fait leur première communion. Qu’ils étaient beaux, qu’ils étaient purs, qu’ils étaient rayonnants ! C’était leur « Hodie », leur « aujourd’hui ». Puisse-t-il rester à jamais gravé dans leur cœur. L’est-il resté dans le nôtre ? Je relisais récemment ces quelques lignes d’Edgar Quinet, écrivain et historien réputé devenu ministre, par lesquelles il évoque sa première communion qu’il fit avec bonheur en 1816, à l’âge de 13 ans :

« D’où vient qu’un état aussi angélique ne s’est pas soutenu ? Le dimanche suivant, je communiai encore mais avec moins d’extase peut-être. Puis les semaines, les mois se suivirent. Bientôt il ne me resta que le souvenir de ma béatitude passée … Fut-ce ma faute à moi seul ? Fut-ce la faute de l’Eglise qui ne sut pas garder une âme qui s’était si pleinement livrée ? … Ce qu’il y a de certain c’est qu’après avoir reçu les délices de la vie bienheureuse, je retombais peu à peu en quelques mois sur la terre, comme si j’avais fait un rêve sacré : il m’en restait une vague impression qu’aucune cérémonie ne ranimait plus »


Quel dommage ! Passer du Ciel à la terre alors que le Sauveur est descendu sur terre pour nous élever au Ciel. Jésus-Hostie nous met dans un état « angélique », nous fait savourer « les délices de la vie bienheureuse ». Chaque temps d’adoration, chaque communion nous introduit déjà dans le Ciel. Quelle pure merveille ! Alors aujourd’hui, « hodie », ranimons notre ferveur, chantons à pleine voix, exultons, louons et adorons Celui qui est notre vie, qui est notre Amour.

 

Père Gilles Morin, curé

Pouvoir dire : « Papa » ; « Maman »

 

Qui ne connaît les J.M.J. instituées par le pape Jean-Paul II en 1986 ? Rome, Paris, Toronto, Cologne, Sydney, Madrid … pour ne citer que les plus récentes. Les médias relayent ces grands rassemblements et nous permettent ainsi de vibrer avec tous ces jeunes qui sont « l’espérance du monde et de l’Eglise ».

Qui connaît les R.M.F, instituées dix ans plus tard par le même Jean-Paul II ? Rome, Rio de Janeiro, Rome à nouveau, Manille, Valence, Mexico et, en ce moment même, Milan. Elles sont pourtant le pendant, à l’échelon des familles, de ce que sont les J.M.J : un grand rassemblement des familles du monde, invitées par le Saint-Père pour raviver et raffermir ceux qui voient dans cette cellule de base de la société non seulement un véritable patrimoine d’humanité mais aussi l’avenir du monde et de l’Eglise.  R.M.F : Rencontre Mondiale des Familles. Plus d’un million de personnes sont attendues ce dimanche à la messe papale. Les médias feront-ils écho à un tel événement ?

 

La famille a toujours été à mes yeux une pure merveille : le berceau de la vie, le sanctuaire de l’amour, le reflet de l’être même de Dieu sur notre terre, à savoir une trinité d’amour. La mienne était pourtant loin d’être un modèle : graves difficultés financières, disputes, absences et errances trop répétées de mon père etc… Il n’empêche : j’ai grandi en pouvant prononcer ces mots si simples, si doux, si rassurants et structurants : « Papa », « Maman ». Je ne peux donc me résigner à voir l’institution familiale malmenée, désacralisée, défigurée, massacrée. Jusqu’au bout je chanterai l’Evangile de la famille ; jusqu’au bout je proclamerai à temps et à contretemps qu’il est beau de s’aimer, malgré nos faiblesses, au sein d’une famille.

J’ai souvenir de la naissance de mon plus jeune frère, le petit dernier. Il n’était ni désiré ni attendu, comme on dirait aujourd’hui. Il fut pourtant accueilli, choyé, aimé. Sous bien des angles, il fut le préféré. Ce gaillard d’aujourd’hui 1,90 m et de 110kg a poussé, entouré de ses frères en sœurs, en pouvant répéter tout comme moi : « Papa », « Maman ». C’est si important. Quelques années après sa venue au monde s’embrasaient les débats sur l’avortement. Le général Bigeard, militaire français le plus décoré en son temps,  s’insurgeait alors contre ce massacre des tout-petits en avançant cet argument tiré de son expérience : « J’ai trop vu de soldats mourir sur les champs de bataille en criant « maman » ».

 

J’élève donc la voix, au nom du droit des enfants à pouvoir s’écrier « papa » lorsqu’ils ressentent le besoin de protection et l’assistance d’une force ; je revendique le droit des enfants à pouvoir appeler « maman » chaque fois qu’ils éprouvent un besoin de tendresse, de compassion, d’affection et de réconfort.

 

La famille est une pure merveille. S’y attaquer, la défigurer, c’est rendre opaque le regard de la créature sur son créateur, c’est comme voiler la réalité de l’être même de Dieu, Lui qui EST famille, un et trine, Père, Fils et Esprit-Saint. Aujourd’hui, nous sommes en communion avec notre Saint-Père et toutes les familles rassemblées à Milan sur le thème : « La famille : le travail et la fête ». Aujourd’hui, après une semaine de travail, les familles de nos patronages et de la paroisse sont en fête. Elles vont jouer, oui jouer (c’est si important), … et avec grande joie, dans ce contexte du Trophée des familles, nous entendrons résonner bien des fois ces mots si simples et si doux « papa », « maman ». Encore une fois, quelle merveille !

 

Père Gilles Morin

Curé