Le commandement

 

Je voudrais aujourd’hui m’adresser à vous comme l’apôtre Jean pour vous dire : « Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu ». La tradition a affirmé que jusqu’au soir de sa vie, ce fut là son leitmotiv, à tel point que l’on pensait qu’il radotait. Ainsi le  font parfois certaines personnes âgées, comme sans doute je le ferai moi-même au fil des ans si Dieu me prête vie. En fait, Jean répétait … là encore, comme le font nos anciens qui, muris par l’expérience, savent ce qui est le plus important. Or quoi de plus essentiel que d’aimer. Ce n’est pas une option facultative mais un impératif. Le Seigneur Jésus l’enseigne lui-même avec gravité et insistance : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour …Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Ce n’est point là un simple conseil, c’est un commandement. « Ce que je vous commande, martèle Jésus, c’est de vous aimer les uns les autres ». Alors surtout, aimons-nous, … aimons-nous en toute vérité … aimons-nous non à la manière du monde mais COMME Jésus nous a aimés.

 

Aujourd’hui, notre paroisse est en pèlerinage à Notre-Dame de Bonne-Garde, à Longpont. Elle va vivre ce temps fort en compagnie et sous le regarde de Jeanne d’Arc, à l’occasion du 6ème centenaire de sa naissance. « Tout ce que j’ai fait, disait la sainte de la patrie, je l’ai fait par le commandement de Dieu ». Jeanne ne connaissait ni « a » ni « b » – elle l’a affirmé –  mais elle savait qu’il faut aimer puisque tel est LE commandement de Dieu.  Elle a donc aimé jusqu’au bout, jusqu’à être brulée vive et ainsi donner sa vie. Son cœur pourtant, rougi par les flammes, ne put être consumé malgré les efforts répétés de son bourreau. Jeanne est donc là à nous dire, au diapason du Christ : « Il faut aimer. Tu as un cœur ; rien ni personne ne doit pouvoir l’empêcher de battre, t’empêcher d’aimer. C’est vital pour ton bonheur et celui de tes frères. C’est LE commandement du Seigneur ».

 

Ces derniers jours, une jeune maman me relatait ce fait de sa vie familiale. Sa petite Eloïse, à peine 6 ans, s’était approché d’elle, au bord des larmes, pour lui avouer : « Maman, je suis toute triste parce que j’aime Jésus et Marie plus que papa et toi ». C’était pour elle un douloureux cas de conscience qui doit susciter notre émerveillement. Que répondre à cette petite ? « Mais non, Eloïse, il ne faut surtout pas verser des larmes. Au contraire, sois dans la joie. Plus tu aimeras Jésus et Marie, plus ton amour sera grand pour ton papa et ta maman ».

 

Aimer nécessite bien des combats. Jeanne allait à la bataille avec un fanion qui portait les noms « Jésus-Marie ». Plus nous les aimerons et plus nous serons à même d’aimer notre pays, nos frères, tous nos frères … et de remporter ainsi la grande victoire : celle de l’amour. Aimer comme Jésus nous aime : quelle merveille ! C’est un impératif vital ! Sur ce chemin et dans nos combats, que la vierge Marie nous soit Notre-Dame de Bonne Garde

 

Père Gilles Morin

Curé

« S’ils se taisent, les pierres crieront » (Lc 19,40)

 

Non, contrairement à ce qu’affirment certains, l’Eglise n’a pas à se taire sur les questions politiques. Elle n’est certes pas spécialiste des questions économiques mais, selon la belle expression du pape Paul VI, elle est « experte en humanité ». « Sans prétendre aucunement s’immiscer dans la politique des Etats, l’Eglise « ne vise qu’un seul but : continuer, sous l’impulsion de l’Esprit consolateur, l’œuvre même du Christ venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi …/… Et Paul VI de noter : « Communiant aux meilleures aspirations des hommes et souffrant de les voir insatisfaites, elle désire les aider à atteindre leur plein épanouissement, et c’est pourquoi elle leur propose ce qu’elle possède en propre : une vision globale de l’homme et de l’humanité  » ».

 

En une note doctrinale du 24/11/2002, le Cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, faisait remarquer que le relativisme moral ne pouvait qu’être « nuisible pour la vie démocratique elle-même, celle-ci ayant besoin de fondements vrais et solides, c’est-à-dire de principes éthiques qui, en raison de leur nature et de leur rôle de fondement de la vie sociale, ne sont pas «négociables» « .

 

Plus récemment, en 2006, le Pape Benoît XVI revenait sur cette question.  « Il ne faut pas oublier, disait-il, que lorsque les Eglises et les communautés ecclésiales interviennent dans le débat public, en exprimant des réserves ou en rappelant certains principes […] ces interventions ne visent qu’à éclairer les consciences, en les rendant capables d’agir de manière libre et responsable, conformément aux exigences de la Justice, même si cela peut entrer en conflit avec des situations de pouvoir et d’intérêt personnel. »

 

Ces diverses interventions ne font que s’inscrire dans le prolongement du Concile Vatican II : « L’enseignement social de l’Église, enseigne celui-ci, n’est pas une ingérence dans le gouvernement des pays. Il établit assurément un devoir moral de cohérence pour les fidèles laïcs, intérieur à leur conscience, qui est unique et une. Dans leur existence, il ne peut y avoir deux vies parallèles, d’un côté la vie qu’on nomme ‘spirituelle’ avec ses valeurs et ses exigences ; et de l’autre, la vie dite ‘séculière’, c’est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d’engagement politique, d’activités culturelles. ». Et le Concile de poursuivre : « Le sarment greffé sur la vigne qui est le Christ donne ses fruits en tout secteur de l’activité et de l’existence ».

 

« Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments, nous dit justement Jésus dans l’Evangile de ce dimanche. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit ». Plus encore : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Comment l’Eglise pourrait-elle se taire lorsqu’elle voit la société se détacher du cep de la vigne, ne plus demeurer en lui mais au contraire se couper de lui ? L’Eglise, experte en humanité, se doit alors d’alerter, de crier. Elle sait que ce chemin de rupture est mortifère pour l’homme et pour l’avenir de nos nations, à commencer par celui de la France, sa « Fille aînée ». L’Eglise parle, et heureusement. Si elle se taisait, les pierres crieraient.

 

Père Gilles Morin

Curé