Bientôt libres, enfin libres

Maman aimait à raconter cette période éprouvante de sa vie : celle de ses 14-18 ans passée sous l’occupation allemande. Ses souvenirs affluaient, les anecdotes fusaient, elle se confiait, parfois même elle en pleurait.

« A la nouvelle du débarquement du 6 juin 1944, me disait-elle, ce fut le sursaut d’une immense espérance. Malgré les interdits, on se cachait pour écouter la radio et suivre ainsi l’avancée des troupes américaines sur notre terre de France, en notre pays, en notre patrie. « Bientôt libres », répétait-on, « bientôt libres ». On aspirait tellement à la liberté. On voulait faciliter l’avancée des alliés. Chacun, à sa place et à sa mesure, habilement et plus ou moins efficacement, menait donc la vie dure aux allemands. On s’efforçait de fragiliser l’occupant ; c’était comme un grand temps de l’Avent.

Le 6 août 1944, ce fut l’entrée des troupes américaines dans la ville de Saint-Brieuc en liesse. Quelle explosion de joie ! Ce fut le cri de tout un peuple : « Liberté, liberté, enfin libres ». Tous, nous montions sur les chars et sautions au cou des soldats américains. C’est inoubliable. »

La plupart d’entre nous n’ont pas connu la guerre ; bien peu ont fait l’expérience douloureuse d’une invasion, ni vécu sous occupation. « Être oppressé par l’ennemi », « être libéré et sauvé », nous ne savons guère concrètement ce que c’est.

Pourtant, … oui pourtant, il est une terre occupée : c’est celle de notre cœur de pécheur. Ne sommes-nous pas bel et bien sous le joug d’un oppresseur ?  Nous bataillons et nous résistons, certes, sans toutefois parvenir à bouter l’Ennemi hors de la place. Il nous faut un allié puissant, un sauveur, un libérateur.

Le voilà ; il est proche. Celui que nous espérions vient à notre secours. L’annonce en est faite. Sa venue est imminente. Mais alors, « Que devons-nous faire ? » :
Tout d’abord, exulter, nous réjouir, tressaillir d’allégresse, comme nous y invitent les lectures de ce dimanche.
Aussi, redoubler d’efforts pour mener la vie dure à l’occupant et préparer la place à Celui qui vient au plus intime de nous-même.

Dans la nuit de Noël, notre Sauveur ne viendra pas sur un char triomphal. Nous ne pourrons guère lui sauter au cou, tant il sera petit et faible. Nous serons réduits à l’admirer, à le contempler. Mais de tout notre être et comme des foules en liesse, nous nous écrierons : « Libres, enfin libres, grâce à Toi, notre Sauveur, notre Libérateur ».

Père Gilles Morin
Curé