Pourquoi ? … si ce n’est par amour

Je croyais pourtant bien le connaître ; j’avais lu de nombreux ouvrages retraçant son parcours, louangeant son action et racontant sa vie. Mais, je ne le savais pas : par-delà ses jeûnes et diverses pénitences, “dans le secret“, le Pape Jean-Paul II allait jusqu’à coucher à même le sol et s’auto flageller.
Voilà qui nous interroge : N’avait-il pas une bonne table au Vatican : pourquoi s’en priver ? N’avait-il pas également un bon lit : pourquoi s’en passer ? N’était-il pas le « sportif de Dieu », comme on s’était plu à l’appeler : alors pourquoi se fouetter ? De telles formes de pénitence ne sont-elles pas l’expression d’un masochisme malsain ? Non, bien sûr ! Elles sont tout simplement un élan d’amour qui conduit à vouloir imiter son Bien-Aimé, à s’y unir intensément pour ne plus faire qu’un avec Lui.

Nous le savons, le saint Curé d’Ars s’adonnait à des pénitences qui étaient aux antipodes de la demi-mesure. Lui aussi, “dans le secret“, jeûnait, veillait, se flagellait. Jean-Paul II aimait beaucoup ce saint prêtre de France dont il avait pu lire ces recommandations : « Vous avez prié, vous avez gémi, vous avez pleuré ; mais avez-vous jeûné, avez-vous veillé, avez-vous couché sur la dure, vous êtes-vous donné la discipline ? Tant que vous n’en serez pas venu là, ne croyez pas avoir tout fait. » Le Pape Jean-Paul II en était venu jusque là. Avec Jésus et comme Jésus, il voulait aller jusqu’au don total de soi, jusqu’au bout de l’amour.

Nous commençons le carême. Il s’agit pour nous d’un parcours de conversion, et donc d’imitation. Saisis par l’amour du Christ, nous voulons le suivre amoureusement du désert au calvaire. Jésus a été tenté ; nous sommes tentés. Il a été confronté à l’Adversaire ; nous y sommes confrontés. Il a jeûné lui qui pouvait transformer les pierres en pain ; nous jeûnons, nous qui avons à portée de mains les plaisirs de la table. Il a veillé dans la prière ; nous voulons nous tenir près de lui dans la prière, sans trop nous amollir et nous assoupir, jusqu’à Gethsémani ; Il a été flagellé … il a été jusqu’à la mort sur la croix ; nous voulons le suivre jusque là, mourir davantage à nous-mêmes et laisser vibrer en nous les douleurs de sa Passion.

Un jeune me faisait connaître avant-hier ses résolutions de carême. La liste était longue, belle, … impressionnante : « Messe tous les jours ; un chapelet par jour ; prolonger mes prières du matin et du soir ; méditation de la Passion le Vendredi ; pas de télévision, ni d’ordinateur, ni de musique ; pas de goûter ; faire une tâche ménagère au quotidien ; faire l’aumône au moins une fois par semaine à un pauvre de la rue,  etc … ».

Et nous ? Quelles sont donc nos résolutions ? Sommes-nous prêts à prier, à jeûner, à veiller, à partager, jusqu’à souffrir ne serait-ce qu’un peu, volontairement, amoureusement … pour le Christ. Ne le mérite-t-il pas, Lui qui nous a tant aimés ? Ne le désire-t-il pas, Lui qui veut nous transfigurer ?

Père Gilles Morin
Curé