Des lunettes pour le Ciel

J’ai 55 ans ; je n’en ai plus vingt. Les années passent ­­– comme on dit –  et, avec elles, apparaissent quelques petites infirmités. Me voilà contraint de mettre de plus en plus souvent mes lunettes. Sans elles, ma bible de poche est désormais pour moi illisible ; les lettres se confondent, les lignes s’entrelacent. J’ai beau forcer sur ma vue au prix d’efforts parfois douloureux, mais c’est en vain. Tout me paraît brumeux, tout demeure nébuleux. La Parole de Dieu me reste inaccessible. Il suffit que je mette mes lunettes, et voilà que chaque lettre s’éclaire, chaque mot s’illumine, chaque verset devient limpide.

C’est stupéfiant de constater combien les hommes s’épuisent à avancer au quotidien à coups de tensions, déployant en vain des énergies qui les laissent, tâtonnants et errants, dans la brume de ce monde. L’essentiel leur fait défaut : il leur manque l’Esprit … l’Esprit-Saint qui veut faire de nous des saints.  « C’est le Saint-Esprit, affirme le Curé d’Ars, qui chasse le brouillard que le démon met devant nous pour nous faire perdre le chemin du ciel ». Et, ailleurs, il ajoute : « L’Esprit-Saint est une lumière et une force. C’est lui qui nous fait distinguer le vrai du faux et le bien du mal. Comme ces lunettes qui grossissent les objets, le Saint Esprit nous fait voir le bien et le mal en grand. Avec le Saint-Esprit, on voit tout en grand : on voit la grandeur des moindres actions faites pour Dieu et la grandeur des moindres fautes. Comme un horloger avec ses lunettes distingue les plus petits rouages d’une montre, avec les lumières de l’Esprit Saint nous distinguons tous les détails de notre pauvre vie ».

Ne négligeons pas l’Esprit-Saint ; invoquons-le, appelons-le. Que nous sert en effet d’avoir à portée de mains des trésors admirables si nous sommes aveugles ? Prenons ces lunettes qui nous feront voir tout en grand, … qui nous feront voir que Dieu est grand et qu’à ses yeux, nous sommes grands … qui nous feront voir que Dieu est Amour et que notre bonheur réside dans l’Amour … qui nous feront voir que Dieu est saint et que nous avons vocation à être des saints.

 

Ne contristons pas l’Esprit-Saint ; écoutons-le, suivons-le. Ceux qui se laissent conduire par le Saint-Esprit, nous dit le Curé d’Ars, éprouvent toutes sortes de bonheur au-dedans d’eux-mêmes ; tandis que les mauvais chrétiens se roulent sur les épines et les cailloux …/… »

 

En cette solennité de la Pentecôte, les enfants qui sont confirmés en notre paroisse ainsi que les adultes qui le sont à la Cathédrale jouissent certainement d’une lumière intérieure. Pour eux, tout s’éclaire.  Ne restons pas, quant à nous, dans nos aveuglements. Ils éprouvent certainement « toutes sortes de bonheur au-dedans d’eux-mêmes ». N’allons-pas, nous, nous rouler « sur les épines et les cailloux ».

 

Père Gilles Morin

Curé