Beaucoup plus qu’édifiant

J’ai grandi dans le XVème arrondissement, sur la paroisse St Jean-Baptiste de Grenelle où j’étais enfant de chœur. Je me souviens que par deux ou trois fois, j’ai eu discrètement l’audace de vider la burette de vin au retour à la sacristie. C’était bon. Voilà qui n’est guère édifiant. Je n’ai jamais surpris l’un de nos servants d’autel se livrer à une telle délectation. Mais eux sont si édifiants … et sûrement bien meilleurs que moi à leur âge.

 

On raconte qu’un enfant fut par contre surpris dans une sacristie alors qu’il embrassait une grande hostie non-consacrée. Le prêtre lui fit remarquer que Jésus n’était pas encore là. Le petit lui répondit alors : « Je sais mais quand il arrivera, la première chose qu’il y trouvera, c’est mon baiser ». Voilà qui est tellement plus édifiant.

 

Les enfants de notre paroisse qui font leur première communion en cette Fête-Dieu s’y sont préparés de tout leur cœur. Ils ont déjà admiré une hostie livrée à leur adoration dans le Saint-Sacrement. Ils ont même déjà goûté une hostie non consacrée. Au moment de la consécration, la première chose que Jésus va trouver, c’est leur regard de contemplatifs, c’est le baiser intérieur de leur cœur. Au moment de la communion, ces enfants savoureront au plus intime d’eux-mêmes ce qui est indicible, le corps de Jésus venant dans leur corps. Que c’est édifiant !

 

Qu’elle est belle la solennité de ce jour : celle du Saint-Sacrement, celle du corps et du sang du Seigneur, celle de la Fête-Dieu. Elle n’existe que parce qu’il y a des prêtres pour faire descendre sur nos autels l’Amour incarné. Nous ne pouvons admirer Jésus et le recevoir en nourriture que parce qu’il y a des prêtres qui, ne faisant qu’un avec le Christ, prononcent ces paroles inouïes : « Ceci est mon Corps livré … ceci est mon Sang versé ». Il faut que nous en soyons bien conscients lorsque, nous mettant en procession, nous suivrons le prêtre tenant l’Hostie pour être adorée et acclamée.

 

Il y a quelques semaines, j’étais en pèlerinage à Ars avec nos servants d’autels (si édifiants). Dimanche dernier, notre paroisse était à son tour en pèlerinage à Notre-Dame de Liesse pour demander à la Vierge Marie, de nous obtenir de nombreux et saints prêtres. J’en ai la conviction profonde. Ici, à Notre-Dame de Nazareth, se lèveront de bons et saints prêtres … moins pécheurs que moi et meilleurs que moi.

 

Il y a près de 150 ans, un ancien enfant de chœur donnait ce témoignage sur son curé qui n’était autre que Jean-Marie Vianney : « J’étais frappé de voir qu’après la consécration, élevant les yeux et les mains, M. le Curé demeurait jusqu’à cinq minutes dans une sorte d’extase. Nous nous disions, mes camarades et moi, qu’il voyait le Bon Dieu ».

 

Je ne sais ce que les enfants de chœur et les fidèles ont vu lorsque j’ai célébré la messe au quotidien durant mes 25 années de sacerdoce. Je ne sais ce que vous verrez tous en cette solennité de la Fête-Dieu. Ou plutôt, si je le sais : vous verrez non point le pauvre prêtre jubilaire que je suis mais vous verrez Dieu. Oui, vous verrez Dieu, présent dans l’Hostie consacrée. Et voir Dieu, c’est plus qu’édifiant … c’est …, c’est … Pardonnez-moi mais je ne trouve pas de mot pour le dire.

 

 

Père Gilles Morin

Curé