Plus que féérique

 

Nous étions jeunes séminaristes, en vacances quelques jours dans la région de Chamonix. Le soir, nous aimions contempler le ciel étoilé. L’un de nos professeurs, prêtre, alpiniste chevronné, se plaisait à nous indiquer chaque constellation et à nous la nommer. Il y avait vraiment de quoi s’extasier et admirer. Souvent je repensais à Abraham auquel le Seigneur avait dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux ». Moi, je n’y parvenais pas. « Vois quelle descendance tu auras ! » ; et je priais pour que Dieu fasse de moi un bon religieux-prêtre, ayant une multitude de filles et fils spirituels, tous citoyens des cieux, que je mènerais vers les hauteurs pour aimer, louer et glorifier le Seigneur. Quelle magnifique perspective pour un jeune séminariste !

 

Il y eut un matin où ce professeur nous fit sortir, de potron-minet, pour gravir  » les crochues «  dans le massif des aiguilles rouges. Nous étions dans la grisaille, sac au dos, nous élevant peu à peu sur les sentiers tortueux. Des nuages, et encore des nuages ; un ciel couvert et toujours couvert ; mais nous montions et montions sans cesse… Soudain, le soleil nous illumina ; oui, nous étions complètement éblouis ; les paysages s’étalaient devant nos yeux, chatoyants de leurs plus belles couleurs. Notre premier de cordée se retourna vers nous en souriant. Un rayon de soleil s’abattait sur lui. Il était radieux, transfiguré : « Regardez, nous dit-il, et contemplez». Pour la première fois, je  découvris le phénomène de la mer de nuages que plusieurs parmi vous ont certainement eu l’occasion d’admirer. C’était féérique … et je ne pus m’empêcher de repenser à Pierre, Jean et Jacques sur le mont Thabor, contemplant Jésus transfiguré..

 

Dimanche dernier, l’Eglise nous poussait avec Jésus au désert. Notre archevêque, le Cardinal Vingt-Trois, nous rappelait la nécessité du combat spirituel. La conversion implique une attention, une mobilisation, et des résolutions.

Aujourd’hui, il nous est clairement affirmé que par-delà nos routes humaines souvent enténébrées, au-delà des nuages de nos médiocrités, il y a la récompense : la splendeur du Ciel où le Christ règne pour les siècles des siècles. Et j’en suis sûr : c’est plus que féérique.

 

Sachons contempler le ciel étoilé pour nous rappeler l’attitude d’Abraham. Il crut aux promesses de son Seigneur. Croyons nous aussi que notre voyage dans la grisaille de ce monde ne durera qu’un temps. Laissons-nous « prendre » par le Christ pour monter vers les sommets, nous élever de jour en jour sans jamais nous décourager, pour parvenir au terme de notre vie au face à face éternel … et ça, je le sais, ce sera tellement plus que féérique.

 

Père Gilles Morin

Curé