Si, tu es aimé

 

Je n’étais pas un ange étant enfant ; je ne le suis pas davantage aujourd’hui. Trop souvent je me mettais en colère ; il m’arrive de l’être encore aujourd’hui (un peu moins toutefois). Que de fois, exaspéré par mes frères et sœurs ou contrarié par ce que me demandaient mes parents, je m’emportais. Cela prenait des proportions telles que j’en arrivais à être fou de rage et à m’écrier en claquant violemment les portes : « Personne ne m’aime dans cette maison ». Pourtant, bien sûr que j’étais aimé. Lorsqu’on l’oublie, on est si malheureux. Les apparences peuvent être trompeuses et l’on s’imagine alors que, parce que nos caprices ne sont pas exaucés, on est incompris et honni. Ne pas se sentir aimé ou plus profondément encore, ne pas se savoir aimé, c’est insupportable. Oui, c’est vraiment insoutenable.

 

Heureux sommes-nous d’être chrétiens. « Dieu est amour » nous rappelle saint Jean. Nous le savons. Comment pourrait-il ne plus nous aimer ? À nous de ne pas l’oublier. « Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous, poursuit l’apôtre : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui ». Tu es malmené par la vie ; tu as l’impression que le ciel ne t’écoute plus ; tu te sens abandonné et trahi : regarde la croix, regarde Jésus crucifié. La réponse est là : Dieu t’a aimé le premier ; il t’aime et ne cessera jamais de t’aimer. Tu en es sûr ; c’est une certitude. Ne l’oublie jamais, même et surtout aux heures les plus sombres. Il est là, toujours, et il t’aime d’un amour éternel.

 

Si dans mes moments de colères enfantines, je m’étais rappelé le courage de mon papa et l’abnégation héroïque de ma maman ; si je m’étais remémoré leurs attentions multiples et leur présence à mes côtés ; si j’avais fais remonter en mon esprit les milles marques d’affection de mes frères et sœurs ainsi que leurs efforts pour me supporter, jamais au grand jamais je n’aurais osé m’écrier « Personne ne m’aime ». Et quand bien même j’aurais été un enfant marginalisé, brutalisé et détesté, si je m’étais rappelé Jésus sur la croix mort pour mes péchés et ressuscité pour me sauver, jamais au grand jamais je n’aurais pu crier en vérité « Personne ne m’aime ». Dieu m’aurait alors murmuré : « Je suis l’Amour ; Moi je t’aime d’un amour éternel ».

 

Je repense à cette réflexion du petit Léonard âgé de 4 ans. Ses parents m’avaient invité à venir bénir leur nouvel appartement et à partager avec eux le dîner. Par avance, c’était pour lui un jour de fête. Il confia à sa maman : « Ils n’ont pas de chance ceux qui ne connaissent pas Jésus, parce qu’ils ne peuvent pas inviter le Père Morin chez eux à manger ». Voyez : La vérité ne sort pas toujours de la bouche des enfants. Un non-croyant, un agnostique et même un athée convaincu peuvent évidemment inviter un prêtre à manger. Mais reconnaissons que la vérité sort souvent de la bouche des enfants. C’est en effet tellement vrai qu’ils n’ont pas de chance ceux qui ne connaissent pas Jésus. Ils ne savent pas que Dieu est Amour ; ils ignorent à quel point ils sont aimés. « Personne ne m’aime » peuvent-ils être portés à s’écrier. Ces mots, nous chrétiens, nous n’avons aucunement le droit de les prononcer. Mais pouvons-nous supporter de les entendre proférés ? Toujours, nous devons nous insurger pour affirmer : « Si, tu es aimé … Dieu t’aime … et moi aussi je t’aime ». N’est-ce pas le Christ lui-même qui nous commande de nous aimer les uns les autres ?

 

Père Gilles Morin, curé