Lettre du jeune homme riche aux paroissiens de Notre-Dame de Nazareth

 

Il y a bien longtemps, j’accourais vers Jésus et je tombais à ses genoux. En ce dimanche, vous le faites à votre tour. En votre église, vous entendrez parler de Lui …mais aussi de moi. C’est pourquoi je vous écris ces quelques lignes pour vous supplier : Surtout, écoutez Jésus … ne faites pas comme moi. J’ai été fou ; ne le devenez pas à votre tour. Je suis reparti tout triste ; je vous souhaite d’être dans la joie. « Va ! vends ! » m’a-t-il dit … mais j’ai préféré garder et je suis resté figé. Quant à vous, allez, vendez, donnez, pour vous élancer sans réserve à la suite de Celui qui vous aime tant.

 

Je sais que votre paroisse est animée par les Religieux de Saint Vincent-de-Paul. Leur fondateur, Jean-Léon Le Prevost est venu bien après moi ; il n’a pas fait comme moi. En lui vous avez un beau modèle. J’ai calé devant la parole que Jésus m’adressait ; lui a avancé. Je n’ai pas su renoncer à ce que le Maître me demandait ; lui a vraiment tout abandonné. Je n’ai pas suivi Jésus et je suis reparti tout triste ; lui a mis ses pas dans ceux de son Seigneur et il a trouvé paix et joie. Ah ! si j’avais eu ses encouragements et ses paroles magnifiques … si seulement j’avais pu les lire au moment de ma rencontre avec Jésus, peut-être n’en serais-je pas là aujourd’hui.

 

« Jusque-là, écrivait-il en son temps, nous aspirons à la vie, mais elle n’est pas encore pleinement en nous, nos pieds s’attachent trop facilement à la terre, nos regards vont encore trop aux choses d’en-bas, le renoncement n’est pas assez complet, ni à nous-mêmes, ni au monde ». C’est tellement vrai. J’aspirais moi-même à la vie. N’est-ce pas justement le sens de ma question posée à Jésus : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle », mais mon cœur était trop attaché à mes richesses.

 

Qu’elle était sage cette recommandation du Père Le Prevost : « Si nous trouvons quelques chose qui fasse obstacle entre Dieu et nous, sans marchander, il le faut immoler ». Mais je n’ai pas su renoncer, je n’ai pas pu immoler. Fou que j’ai été ! Le sacrifice que le Maître me demandait m’a paru trop exigeant, trop contraignant. En lisant et méditant ces autres lignes du Père Le Prevost, j’ai encore été bouleversé. Ah ! si je les avais eu sous les yeux au moment où, pour moi, tout a vacillé et où je me suis effondré. « Simple apparence du sacrifice, notait-il avec sagesse, car vous échangez le néant contre la vie, l’erreur contre la vérité, les passions vaines contre l’amour. Bienheureux échange, dont Dieu permet qu’à cette heure tout le prix vous échappe, afin que vous ayez le mérite de donner, quand c’est Lui qui réellement vous donne. Que Dieu est bon, mon ami, et qu’Il vous aime ! ».

 

Il faut que je vous le dise, chers amis, j’ai pleuré en poursuivant ma lecture et en tombant sur ces mots : « Notre pauvre nature, toujours inclinée aux joies terrestres, murmure parfois et se révolte, et c’est en cela que consiste notre apparent sacrifice ; mais nous sommes si généreusement récompensés par l’amour de notre Dieu, par les satisfactions intérieures de notre conscience, par le goût intime et profond des délices de la maison du Seigneur, qu’il ne nous reste qu’à le bénir de nous avoir choisis entre mille pour nous approcher tout près de Lui et nous donner la meilleure part ».

 

Vous comprenez pourquoi je pleure aujourd’hui. J’étais choisi par Jésus et je n’ai pas dit oui. Ne commettez pas ma folie, ne vous éloignez jamais de Lui. En ce dimanche, vous l’entendrez vous dire : « Une seule chose te manque ». Laquelle ? Il vous la murmurera Lui-même au fond du cœur. Surtout, écoutez-le … et faites ce que je n’ai pas su faire : Immolez tout pour repartir libres et dans la joie.

 

Père Gilles Morin

Curé