Accusée publiquement, absoute privément

 

Etait-ce la première fois ? Qui saurait le dire ? Si, pris de soupçons à son égard, on l’avait interrogée, elle n’aurait pas manqué de jurer haut et fort son innocence. Jamais, ô grand jamais elle n’avait commis l’adultère. Mais en ce jour, tout vacille pour elle ; Pas moyen de nier, d’esquiver, de tergiverser : elle a été prise en flagrant délit. La condamnation est donc incontournable, la lapidation inéluctable. Telle est la loi ; il y va de la justice. Nul ne doit y échapper. Son péché ne restera pas caché.

 

Voilà donc cette femme conduite sur la place publique. Elle est huée, conspuée, humiliée. Elle est traînée jusqu’à ce rabbi qui suscite tant de scandales, à commencer par celui de la miséricorde. N’est-ce pas Lui, ce Jésus, qui a affirmé : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes ; je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i, ne passera de la Loi …» (Mt 517-18) ? Voyons donc ce qu’il prescrira et comment il s’en sortira. Il devra bien, lui aussi, respecter la Loi et plier devant la justice. Nous connaissons la suite : cette pécheresse accusée publiquement est absoute privément. Tous se sont retirés ; nul n’a finalement été témoin du triomphe de la Miséricorde. Elle seule, la sauvée, peut exulter.

 

C’était il y a quelques semaines, j’étais au confessionnal. Une jeune femme s’agenouille. Elle était venue librement, humblement, pauvrement. Elle n’était nullement adultère mais simplement pécheresse comme vous et moi. En un certain sens, son accusation fut pourtant publique. Il y avait en effet un témoin, là, tout proche, avec elle, collé à elle. C’était sa fille de deux ans qu’elle tenait dans ses bras. Quelle merveille ! Tandis que sa maman implorait le pardon de Dieu, l’enfant observait avec curiosité. Que comprenait-elle ? Qui pourrait le dire ? Au terme de la confession, mes mains s’élevèrent pour bénir, mes lèvres prononcèrent les paroles qui redonnent vie : « Et moi, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, je te pardonne tous tes péchés ». Le visage de la maman s’illumina. Elle venait de recevoir au plus profond d’elle-même les flots de Miséricorde jaillis du cœur du Christ.  Puis ce furent ces paroles toutes simples du prêtre : « Va en paix ! ». Cette maman, toute à la joie, aurait bien voulu se lever, mais voilà que sa petite s’accrochait à la grille du confessionnal. Pas facile de la faire lâcher prise ; pas évident de détendre les doigts de sa main pour pouvoir enfin se relever et  s’en aller dans la paix. C’est comme si cette fillette voulait dire à sa maman : « Mais reste donc ; ici sont l’amour et la tendresse ; ici se trouve le trésor de la miséricorde ».

 

Nous approchons de la Semaine Sainte. Nous sommes tout proches de la Journée du Pardon qui, je le répète, aura lieu en notre église le lundi 21 mars. Passerons-nous à côté de la grâce du sacrement qui nous est proposé ? Aurons-nous la joie de nous laisser relever et sauver ? Saurons-nous accorder cette joie au prêtre et plus encore à Dieu ? Laissons-nous porter par la Vierge Marie, notre maman du Ciel, jusqu’à son divin Fils qui est toute Miséricorde. Quelle et paix et quelle grâce de s’entendre dire : « Je te pardonne ! Va en paix ! »

 

Père Gilles Morin,

Curé