Respirer ensemble

Comme chaque semaine, j’étais samedi après-midi à l’oratoire du patronage des garçons, avec les plus grands, pour un temps de causerie se concluant par la prière. L’un de nos animateurs ayant perdu son grand-père quelques jours auparavant, j’ai invité ces jeunes à confier ce défunt à la miséricorde de Dieu et à demander à Marie d’être la Vierge consolatrice pour sa famille. Avant d’entrer, j’avais déposé sur une table, dans la salle mitoyenne à l’oratoire, mon écharpe et mon bonnet. À la sortie, l’un de nos grands jeunes s’empare de ce dernier. Pensant qu’il me taquine comme il aime à le faire d’habitude, je lui réclame ce bien précieux pour moi en ces temps de grand froid. À ma grande surprise, son visage exprime une certaine gravité et ne laisse transparaître aucun humour. Il se contente de me dire : « J’en ai besoin pour prier« . Je comprends alors immédiatement qu’il ne se livre aucunement à un jeu : c’est sérieux. Ce grand jeune a grandi au patronage. Il le fréquente depuis de nombreuses années et s’y sent en famille. Il n’est pas chrétien mais juif … non par simple tradition mais par conviction, non pas seulement culturellement mais religieusement. C’est un croyant et un priant. Tandis que les uns et les autres regagnent la cour pour leur grand jeu, lui se couvre la tête de mon bonnet et se met dans un angle de la salle, seul, pour prier. Je l’attends et m’unis à lui. Lorsqu’il a fini et me restitue mon couvre-chef, je le félicite et lui exprime ma gratitude pour cette prière faite à l’intention du grand-père de son camarade.

  • C’est normal, me répond-t-il avec une certaine émotion. Le patro, c’est ma famille. Les autres ont prié pour moi quand j’étais dans l’épreuve ou dans la peine.

J’ai conscience que ce petit fait que je vous relate en ce dimanche de prière pour l’unité des chrétiens est du domaine du dialogue inter-religieux et non de celui de l’œcuménisme à proprement parler. N’est-il pas cependant une belle leçon pour tous ? La prière n’est-elle pas en effet le chemin privilégié qui nous rappelle que nous sommes tous des êtres d’une éminente dignité, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu ? Vous connaissez sans doute cette expression : « La prière est la respiration de l’âme ». Prier ensemble, c’est donc respirer ensemble … respirer ensemble le même air de l’amour de Dieu.

L’actualité nous informe des pics de pollution. Elle nous invite à discipliner nos habitudes pour être des acteurs d’une saine écologie. La division n’est-elle pas l’une des plus grandes pollutions, et parmi les plus scandaleuses,  n’y a-t-il pas celle des chrétiens, disciples du même Seigneur et Sauveur ? Nous le savons : Satan est l’adversaire ; le diable est le diviseur. Il a beau jeu d’attaquer pour affaiblir et l’emporter. Il déploie ses pièges subtils dans la société, dans l’Eglise, dans nos familles. Il distille sans cesse son venin y compris chez les chrétiens. « Le Christ est-il donc divisé ? » s’écrie l’apôtre Paul. N’est-il pas venu justement « pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés«  ?

Face à la force de la division, il faut se lever et s’interposer. L’adversaire est redoutable. La meilleure arme est donc celle de la prière. « L’union fait la force«  ; alors prions ensemble … respirons ensemble, non point l’air pollué de la division mais le bon air du même Dieu d’Amour venu sauver tous les hommes, à commencer par les pauvres pécheurs que nous sommes.

Père Gilles Morin, curé