Tu peux laisser ton serviteur s’en aller, mes yeux ont vu le salut…
Jeudi 2 septembre en la journée de la Vie consacrée je me trouvais à Notre Dame de Paris avec d’autres religieux, surtout des religieuses, étant donné la rareté de la présence de la vie religieuse masculine apostolique et qui plus est en Ile de France. Seulement deux ou trois prêtres, religieux comme moi, ont concélébré avec le Chapitre de la Cathédrale et deux évêques auxiliaires. Seuls nous avons fait la procession avec nos cierges allumés, les autres restant dans la nef. La procession depuis la sacristie est longue à Notre Dame puisqu’il s’agit en somme de parcourir deux longueurs de nef, jusqu’à l’autel.
Beaucoup de gens semblaient très émus et je pense que nous l’étions aussi, pour certains du moins. Intérieurement je pensais, « Sommes nous dignes de porter ces lumières » ? A la sacristie j’avais parlé avec l’exorciste du diocèse que je connais et qui me disait « La Tradition veut que le cierge de la Présentation représente le Christ : la pureté de la cire toute blanche c’est son corps, la mèche c’est son âme divine et humaine et la flamme c’est sa lumière de vie qu’il donne. Il consume sa vie pour le monde ».
Voilà que le lendemain vendredi 3 les Reliques de la Passion étaient exposées à la vénération en priorité pour les religieux et religieuses. Je n’avais pas pu faire cette démarche depuis les JMJ de 1997 où nous avons transféré les Reliques de la Sainte Chapelle à Notre Dame, solennellement. J’y suis donc allé. Un peu après 15 heures, heure de la Passion, je pénétrais dans Notre Dame où l’on chantait déjà quelques cantiques. Comme je suis adroit en la matière et que je connais bien la Cathédrale, je me suis très bien placé… Belle célébration en vérité, suivie de la vénération elle-même. Et j’ai pensé « Cette fois, tu touches au plus près à ce mystère de la vie du Christ donnée pour le monde que nous célébrions hier, ici même. Tu es au Golgotha ». J’ai vénéré ces reliques.
Mais c’est, au fond, le même mystère dont il s’agit. C’est ce don que le Christ a fait de lui-même, en entrant dans le monde, qui l’a conduit à la Croix. Mystère qui nous dépasse totalement et qui nous vaut aujourd’hui d’être là, en face à ces objets qui ont touché le Corps très saint du Sauveur.
J’ai voulu prendre une photo, comme je l’avais fait la veille, pour la façade de Notre-Dame toute illuminée le soir venu. Je n’ai pas pu, malgré le grand sourire indulgent du Chevalier de Malte chargé de guider les fidèles. J’avais l’impression de voler quelque chose, comme si l’on avait pris une photo de Jésus sur la Croix, où de sa naissance. J’avais l’impression d’être un voyeur, indiscret et indélicat. Je n’ai pas pu, un grand silence paisible m’habitait, c’était tout, c’était trop. « Tu peux laisser ton serviteur s’en aller Seigneur » !
Mais il faut repartir et, surtout en moto, faire attention au sol glissant, aux autres véhicules, aux signalisations etc. Je n’avais plus en main le cierge de la veille qui est maintenant dans mon bureau, mais je réalisais que ce court pèlerinage apportait la réponse à la question de la veille. « Tu es venu puiser là, dans ces rites extérieurs ce qui doit t’habiter intérieurement et tu dois le transmettre ». Ne pensons pas être un jour dignes de porter la lumière, n’attendons pas d’être dignes. Portons là au monde. C’est tout ce qui nous est demandé. N’attendons pas d’avoir par nous-mêmes de la saveur. Soyons le sel que le monde attend et qui donne saveur discrètement à ce qu’il touche. Que notre justice soit celle du Christ, celle de l’amour qui ne calcule pas mais va jusqu’au bout. Ne pas commettre de meurtre il le faut, mais éviter les paroles qui tuent aussi. Aimer Dieu il le faut, mais aimer nos frères va de paire. Ne pas être adultère bien sûr, mais plus largement encore ne jamais reprendre la parole donnée, ne jamais mettre nos membres au service du péché. C’est tout cela que l’on découvre lorsque l’on va puiser à cette source de l’amour qu’est le Christ qui se donne.
Ouvrons nos âmes pour Jésus qui passe !
Père Jean-Louis Gallet, sv