Répéter et répéter encore

Faire le catéchisme aux enfants, c’est passionnant mais c’est aussi épuisant. Les difficultés ne manquent pas : il faut faire preuve d’autorité pour tenir en place ces petits souvent surexcités ; il faut se démener pour capter l’attention de ces enfants à l’esprit dispersé ; il faut encore captiver pour espérer être écouté. En bon pédagogue, tenant compte de ces réalités, il faut enfin beaucoup répéter pour que ce qui est dit soit intégré, intériorisé et mémorisé. Parfois, il y aurait objectivement de quoi se décourager. Nous approchons de la fin de l’année scolaire et il m’arrive encore, à l’occasion d’une séance de catéchisme, d’interroger sur la leçon précédente et de n’avoir pour toute réponse qu’un mutisme révélateur d’oubli. Certains jours sont plus éprouvants que d’autres : ainsi en est-il quand, posant une question élémentaire de catéchisme, j’ai droit à des réponses complètement erronées qui pourraient laisser penser que ces petits n’ont rien retenu ni compris.

  • « Il y a un seul Dieu, mais combien de personnes y-a-t-il en Dieu ? Lesquelles ? » demandai-je récemment.

Ou encore :

  • « Qu’est-ce que nous fêtons à Pâques ? »

Les vacances étant passées par là, tout semble oublié. Il faut donc à nouveau répéter et répéter encore … sans désespérer.

Dans le cadre du catéchisme, je n’ai ces enfants qu’un peu plus d’une heure par semaine. Encore une fois, c’est passionnant mais épuisant.

J’admire les instituteurs et institutrices qui doivent tenir ces petits au jour le jour, des heures entières, s’efforçant patiemment d’ensemencer l’intelligence et la mémoire de leurs élèves sans se décourager.

J’admire plus encore les parents qui, au quotidien et au fil des années, mettent tout leur cœur à éduquer leurs filles et fils en répétant et en répétant encore, sans se lasser, toujours prêts à recommencer.

J’admire plus que tout le Christ, Messie et Sauveur, enseignant et pédagogue. Les évangiles, particulièrement celui de Saint Jean, nous montrent la patience et le tact de Jésus à l’égard de ses apôtres, trop souvent en décalage par rapport aux discours de leur Maître et vite oublieux des paroles qu’il leur a prodiguées. Alors Jésus répète et répète encore, comme il le fait pour nous en ce dimanche dans les lectures que l’Eglise offre à notre méditation. Il suffit de repérer un mot et de compter. Le mot « amour » est en effet nommé ou conjugué dix fois dans la première lecture et dix fois encore dans l’Evangile. « L’amour vient de Dieu …Voici en quoi consiste l’amour … Demeurez dans mon amour … Aimez-vous les uns les autres,     etc … ».

Ne sommes-nous pas trop souvent des enfants oublieux ? N’avons-nous pas besoin d’être constamment catéchisés ? Certes, on peut toujours ressasser des expressions bibliques et brasser des mots évangéliques. On peut réciter le Credo et avoir l’impression de connaître son catéchisme. Mais qui peut prétendre savoir pleinement à quel point Dieu est Amour ? Qui oserait affirmer qu’il a compris parfaitement ce que c’est qu’aimer ? Qui enfin aurait l’audace d’assurer qu’il demeure toujours dans l’amour de Dieu et qu’il aime vraiment ses frères comme Dieu nous aime ?

Autant dire qu’il nous faut remercier le Ciel d’avoir un Dieu qui se répète et se répète encore, pour notre salut et celui du monde.

Père Gilles Morin, Curé