« Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là »

 

Victor Hugo s’insurgeait. Dans son recueil « Les Châtiments », il livrait un véritable pamphlet contre Napoléon III et son coup d’état du 2 décembre 1851. Il y demeurerait un opposant irréductible. Rappelons-nous la dernière strophe bien connue de son poème « Ultima verba » :

« Si l’on est plus de mille, eh bien, j’en suis !
Si même ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! »

Aujourd’hui je m’insurge. Je n’ai certes ni la plume ni l’envergure de Victor Hugo, mais je revendique le droit de clamer la splendeur de l’amour. Aujourd’hui, oui ! je m’insurge contre une vision idéologique et sarcastique qui défigure et désacralise la beauté de l’union d’un homme et d’une femme dans le sacrement du mariage.

On aura beau idolâtrer l’amour-passion ravalé au rang de simples pulsions, cet amour qui s’embrase pour un jour ou quelques jours mais ne saurait durer toujours ; je chanterai, quant à moi, l’Amour qui est don, l’Amour qui s’affermit et s’amplifie au fil des ans, l’Amour fidèle qui trouve sa source dans le Dieu fidèle … et qui, donc, est celui de toute une vie. Et s’il n’en reste qu’un à chanter cet Amour-là, je serai celui-là !

On aura beau répéter sur tous les modes et tous les tons que les liens du mariage briment la liberté et font de la vie de l’homme une corvée sur la terre ; je chanterai, quant à moi, l’Amour responsable, l’Amour qui s’engage, l’Amour qui implique des sacrifices mais qui dilate tellement le cœur, l’Amour qui unit pour édifier une famille, l’Amour qui peut véritablement conduire au bonheur. Et s’il n’en reste qu’un à chanter cet Amour-là, je serai celui-là !

Mais je le sais, je ne suis pas seul. Toute l’Eglise chante avant moi ; je ne fais qu’unir ma voix au chœur innombrable de ses fidèles.

Je le sais, je ne suis pas seul. Tant d’hommes et de femmes incarnent cet Amour et en témoignent joyeusement au quotidien, à commencer par nos jubilaires de mariage que nous honorons en ce jour. Il y a quelques années, Georges Brassens, dans sa chanson  » la non demande en mariage  » fredonnait  guitare à la main : « J’ai l’honneur de ne pas te demander ta main. Ne gravons pas nos noms au bas d’un parchemin ». Nos jubilaires, par toute leur vie, nous chantent une autre chanson. Un jour, il y a 60 ans, … 25 ans …10 ans … l’homme ( à priori sans guitare à la main) a osé dire à sa bien-aimée : « J’ai l’honneur de te demander ta main. Gravons nos noms au bas d’un parchemin (sur un registre), pour attester la vérité et l’indissolubilité de notre amour. Gravons nos noms au plus intime de notre cœur puisqu’ils sont pour toujours gravés dans le cœur de Dieu. Que nos noms chantent ainsi la splendeur de l’Amour qui traverse les ans, de l’Amour de toute une vie, de l’Amour qui dure toujours.

Père Gilles Morin, Curé