Merci à vous qui avez soif

Jésus avait soif, bien avant elles. Il avait soif de leur amour. Il murmurait à l’intime de chacune : « Si tu savais le don de Dieu ». Aujourd’hui, conscientes qu’en Jésus est la source de vie et que de son cœur jaillissent des fleuves intarissables, elles le supplient : « Donne-moi de cette eau afin que je n’ai plus jamais soif ». Pour Isabelle et Karyne, nos catéchumènes, « l’heure est venue … et c’est maintenant ». Leur ultime préparation au baptême qu’elles recevront dans la nuit de Pâques les met face au Christ en sa Passion qui veut attiser leur désir et purifier leur être le plus profond. Comme nous y invite notre archevêque, le Cardinal André Vingt-Trois, nous vibrons à leur démarche.
« L’accueil de nouveaux chrétiens dans les paroisses, affirme-t-il, n’est pas seulement une mission que nous devons accomplir dans les meilleures conditions possibles. Elle est aussi une grâce pour la communauté tout entière qui peut se réjouir de faire place à de nouveaux frères et sœurs. A travers l’ultime étape de leur préparation, entre l’Appel décisif et la Vigile Pascale, leur cheminement est comme une illustration du chemin de conversion que chaque baptisé est invité à parcourir pendant le Carême. Ils nous accompagnent dans notre conversion personnelle et ecclésiale ».
Merci à vous, Isabelle et Karyne, qui avez soif et qui, par ce fait même, ravivez notre soif. Il nous arrive hélas ! trop souvent de puiser aux sources du monde, … et nous puisons, et nous puisons … sans que notre soif soit jamais étanchée. Pourtant, Jésus est là, assis, tout proche, et nous passons notre chemin. « Donne-moi à boire », nous supplie-t-il, c’est-à-dire « donne-moi un peu d’amour pour relancer les battements de ton cœur au rythme de mon cœur ; alors l’Eau vive sera en toi comme un flot débordant. Ta soif, enfin, sera étanchée ».

J’avais soif … très soif, de voir mes jeunes du patronage faire un beau camp de ski durant ces vacances de février. J’avais soif … très soif, de les faire bien entrer en carême, s’abreuver et se désaltérer au cœur du Christ qui est tout amour. J’aurai voulu murmurer à chacun : « Si tu savais le don de Dieu ». Que vous dire sinon que ma soif a été étanchée et que je me suis émerveillé. Ils formaient un groupe de 34, enfants, jeunes et animateurs, accompagnés du Père et du Frère. Deux enfants étaient non-baptisés ; deux autres, de tradition musulmane ; un bon nombre, de familles non pratiquantes. Chaque matin, au lever, ceux qui le souhaitaient pouvaient, librement, participer à la messe, ce sacrement où Jésus déverse ses flots d’amour. Ils ne furent jamais moins de 30, le plus souvent 32 ou 33. Chaque soir, tous se retrouvaient dans notre chapelle pour prier, au pied de Jésus ; ils le faisaient longuement, pour certains très longuement. Permettez-moi de leur dire : « Merci à vous qui, par votre ferveur, avez attisé ma ferveur et qui, à votre manière, m’avez murmuré comme en retour :  » Père Morin, si vous saviez le don de Dieu  » ».   

Père Gilles Morin
Curé

Pourquoi ? … si ce n’est par amour

Je croyais pourtant bien le connaître ; j’avais lu de nombreux ouvrages retraçant son parcours, louangeant son action et racontant sa vie. Mais, je ne le savais pas : par-delà ses jeûnes et diverses pénitences, “dans le secret“, le Pape Jean-Paul II allait jusqu’à coucher à même le sol et s’auto flageller.
Voilà qui nous interroge : N’avait-il pas une bonne table au Vatican : pourquoi s’en priver ? N’avait-il pas également un bon lit : pourquoi s’en passer ? N’était-il pas le « sportif de Dieu », comme on s’était plu à l’appeler : alors pourquoi se fouetter ? De telles formes de pénitence ne sont-elles pas l’expression d’un masochisme malsain ? Non, bien sûr ! Elles sont tout simplement un élan d’amour qui conduit à vouloir imiter son Bien-Aimé, à s’y unir intensément pour ne plus faire qu’un avec Lui.

Nous le savons, le saint Curé d’Ars s’adonnait à des pénitences qui étaient aux antipodes de la demi-mesure. Lui aussi, “dans le secret“, jeûnait, veillait, se flagellait. Jean-Paul II aimait beaucoup ce saint prêtre de France dont il avait pu lire ces recommandations : « Vous avez prié, vous avez gémi, vous avez pleuré ; mais avez-vous jeûné, avez-vous veillé, avez-vous couché sur la dure, vous êtes-vous donné la discipline ? Tant que vous n’en serez pas venu là, ne croyez pas avoir tout fait. » Le Pape Jean-Paul II en était venu jusque là. Avec Jésus et comme Jésus, il voulait aller jusqu’au don total de soi, jusqu’au bout de l’amour.

Nous commençons le carême. Il s’agit pour nous d’un parcours de conversion, et donc d’imitation. Saisis par l’amour du Christ, nous voulons le suivre amoureusement du désert au calvaire. Jésus a été tenté ; nous sommes tentés. Il a été confronté à l’Adversaire ; nous y sommes confrontés. Il a jeûné lui qui pouvait transformer les pierres en pain ; nous jeûnons, nous qui avons à portée de mains les plaisirs de la table. Il a veillé dans la prière ; nous voulons nous tenir près de lui dans la prière, sans trop nous amollir et nous assoupir, jusqu’à Gethsémani ; Il a été flagellé … il a été jusqu’à la mort sur la croix ; nous voulons le suivre jusque là, mourir davantage à nous-mêmes et laisser vibrer en nous les douleurs de sa Passion.

Un jeune me faisait connaître avant-hier ses résolutions de carême. La liste était longue, belle, … impressionnante : « Messe tous les jours ; un chapelet par jour ; prolonger mes prières du matin et du soir ; méditation de la Passion le Vendredi ; pas de télévision, ni d’ordinateur, ni de musique ; pas de goûter ; faire une tâche ménagère au quotidien ; faire l’aumône au moins une fois par semaine à un pauvre de la rue,  etc … ».

Et nous ? Quelles sont donc nos résolutions ? Sommes-nous prêts à prier, à jeûner, à veiller, à partager, jusqu’à souffrir ne serait-ce qu’un peu, volontairement, amoureusement … pour le Christ. Ne le mérite-t-il pas, Lui qui nous a tant aimés ? Ne le désire-t-il pas, Lui qui veut nous transfigurer ?

Père Gilles Morin
Curé