Marie vient, jusqu’à toi, jusqu’à moi

Qu’il est beau ce mystère de la Visitation ! Qu’il est touchant ce face à face entre Elisabeth et Marie, celle qu’on appelle « la femme stérile » et la jeune fille qui est Vierge, celle qui porte le précurseur et celle qui s’apprête à nous donner le Sauveur !  L’une et l’autre sont dans la joie. La vie est déjà là, elles le savent. Elles exultent. On peut même dire que « tout exulte et chante », jusqu’à Jean qui tressaille au dedans de sa maman.

Rappelons-nous le message de l’Ange Gabriel à Marie : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils ». Il y a exultation dès la conception. Il y a grand bouleversement et attente impatiente de l’Avènement.

Avec Elisabeth, nous pouvons nous écrier nous aussi : « Comment ai-je la joie que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Elle vient vraiment, au point de nous poursuivre, où que nous soyons et qui que nous soyons. Elle veut nous faire vibrer à son émerveillement et à son exultation. Elle sait qu’il y va de notre salut. Marie ne vient pas sans Jésus ; le Sauveur vient à nous en sa maman. On ne peut séparer la mère de son Fils.

J’ai eu l’autre soir une belle confidence du curé d’Ars (l’actuel, bien sûr) à la sortie de la conférence qu’il nous a donnée. Il me disait qu’au moment de la procession de communion, il aimait non seulement à faire une croix sur le front des enfants, mais aussi à poser sa main sur le ventre des mamans enceintes pour bénir déjà leur tout-petit. Je ne sais s’il lui arrive de percevoir des bondissements de joie.
Ce moment de la communion est en effet fabuleux pour ce tout-petit encore dans le sein de sa mère. Voici que le Sauveur vient ne faire qu’un seul corps avec celui de sa maman. Il est là, si proche de lui. S’il le pouvait, ce tout-petit s’écrirait : « Comment ai-je la joie que mon Sauveur vienne jusqu’à moi ? »

Marie vient jusqu’à nous. Elle porte en elle le Sauveur. Dans la nuit de Noël, elle l’enfantera, elle nous le montrera, elle nous le donnera. Nous sommes dans l’attente impatiente de cet Avènement qui sera pour nous comme une explosion de joie.

Père Gilles Morin
Curé

Bientôt libres, enfin libres

Maman aimait à raconter cette période éprouvante de sa vie : celle de ses 14-18 ans passée sous l’occupation allemande. Ses souvenirs affluaient, les anecdotes fusaient, elle se confiait, parfois même elle en pleurait.

« A la nouvelle du débarquement du 6 juin 1944, me disait-elle, ce fut le sursaut d’une immense espérance. Malgré les interdits, on se cachait pour écouter la radio et suivre ainsi l’avancée des troupes américaines sur notre terre de France, en notre pays, en notre patrie. « Bientôt libres », répétait-on, « bientôt libres ». On aspirait tellement à la liberté. On voulait faciliter l’avancée des alliés. Chacun, à sa place et à sa mesure, habilement et plus ou moins efficacement, menait donc la vie dure aux allemands. On s’efforçait de fragiliser l’occupant ; c’était comme un grand temps de l’Avent.

Le 6 août 1944, ce fut l’entrée des troupes américaines dans la ville de Saint-Brieuc en liesse. Quelle explosion de joie ! Ce fut le cri de tout un peuple : « Liberté, liberté, enfin libres ». Tous, nous montions sur les chars et sautions au cou des soldats américains. C’est inoubliable. »

La plupart d’entre nous n’ont pas connu la guerre ; bien peu ont fait l’expérience douloureuse d’une invasion, ni vécu sous occupation. « Être oppressé par l’ennemi », « être libéré et sauvé », nous ne savons guère concrètement ce que c’est.

Pourtant, … oui pourtant, il est une terre occupée : c’est celle de notre cœur de pécheur. Ne sommes-nous pas bel et bien sous le joug d’un oppresseur ?  Nous bataillons et nous résistons, certes, sans toutefois parvenir à bouter l’Ennemi hors de la place. Il nous faut un allié puissant, un sauveur, un libérateur.

Le voilà ; il est proche. Celui que nous espérions vient à notre secours. L’annonce en est faite. Sa venue est imminente. Mais alors, « Que devons-nous faire ? » :
Tout d’abord, exulter, nous réjouir, tressaillir d’allégresse, comme nous y invitent les lectures de ce dimanche.
Aussi, redoubler d’efforts pour mener la vie dure à l’occupant et préparer la place à Celui qui vient au plus intime de nous-même.

Dans la nuit de Noël, notre Sauveur ne viendra pas sur un char triomphal. Nous ne pourrons guère lui sauter au cou, tant il sera petit et faible. Nous serons réduits à l’admirer, à le contempler. Mais de tout notre être et comme des foules en liesse, nous nous écrierons : « Libres, enfin libres, grâce à Toi, notre Sauveur, notre Libérateur ».

Père Gilles Morin
Curé