Les visiteurs

 

Le titre de cet éditorial ne vise aucunement le célèbre film de 1993 qui a fait rire tant de cinéphiles et dont le troisième volet de la trilogie est annoncé pour 2016. Il n’est donc nullement question de la venue du comte Godefroy de Montmirail et de son serviteur Jacquouille, transportés par magie dans le temps en notre paroisse.

 

Pourtant, nous aurons bel et bien deux visiteurs parmi nous, du 18 au 25 novembre. Ils ne sont ni d’un autre siècle ni d’une autre terre. Ils sont tous les deux Religieux de Saint Vincent-de-Paul : Le Père Gilles Pelletier, notre supérieur provincial de France, et le Frère Patrick Lambre qui l’accompagnera. Ils effectueront à N.D. de Nazareth une visite canonique. De quoi s’agit-il vraiment ?

 

« Canonique«  n’annonce aucunement des visiteurs venant tirer à boulets rouges sur des ennemis. C’est le terme employé en référence au mot grec qui signifie « règle ». Une visite canonique est donc une visite demandée par la règle, par la norme, … celle de l’Eglise … celle d’une Congrégation.

 

Le R.P. Pelletier et le Frère Lambre ne viennent pas effectuer une simple visite de courtoisie. En diverses occasions, ils sont déjà passés à N.D. de Nazareth. Cette fois-ci, ils partageront la vie de notre communauté en tous points durant une semaine entière. D’une certaine manière, il faudrait dire qu’il s’agit d’une visite de sécurité. Oh ! pas comme celles que nous subissons de temps à autres et qui éprouvent nos nerfs. Les contrôleurs ou inspecteurs décortiquent alors l’application de tous les règlements et pinaillent sur les moindres détails. Nos visiteurs vont, quant à eux, s’assurer de la fidélité de notre communauté à sa vie religieuse et au charisme de notre Institut. Leur présence parmi nous sera l’occasion de s’interroger à nouveau sur des questions très concrètes que nous pourrions oublier. Sommes-nous fidèles à nos temps de prière et de vie communautaire ? Nous aimons-nous vraiment comme des Frères ? Nos activités apostoliques sont-elles bien en conformité, non seulement avec les directives de notre archevêque mais aussi avec le charisme de nos fondateurs ? Quelles priorités nous donnons-nous ? Quelle place accordons-nous à nos Frères, aux petits, aux pauvres, aux familles ? etc …

Cette visite sera finalement, sous certains aspects, comme une visite médicale.de contrôle, un peu comme un bilan de santé. Nos visiteurs verront, écouteront et entendront. Ils pourront ainsi porter un diagnostic sur l’état de notre communauté, de notre paroisse et de nos œuvres ; dans leurs conclusions, ils seront sans doute amener à proposer, voire à préconiser, ce qui leur sera soufflé par l’Esprit-Saint. Qu’ils soient donc les bienvenus parmi nous !

Alors que je m’apprêtais à clore cet éditorial, l’actualité m’informe d’une autre visite, chez nous, à Paris : celle de la violence, de l’horreur et de la mort. Une telle venue, une telle irruption dans notre vie parisienne nous scandalise. Les attentats qui viennent de frapper notre capitale nous secouent et nous révoltent. Soyons tous des visiteurs porteurs de paix, de compassion, de lumière, d’espérance et de Charité pour tous nos frères.

 

Père Gilles Morin,

curé

La perche à selfie

 

Je fais des découvertes de jour en jour … même à Rome. Lors de mon récent séjour dans la ville éternelle, tel fut bien le cas. Je connaissais, certes, cette ville qui est le cœur de la chrétienté ; j’y étais déjà venu bien des fois. Les belles basiliques, les catacombes, le Colisée etc … m’étaient presque familiers, mais j’ignorais tout de la perche à selfie, quasi omniprésente en ces lieux saints. Bien des fois, le groupe que nous formions a été abordé par des petits vendeurs proposant au prix d’environ 10 € un ustensile que l’on voyait entre les mains de nombreux touristes et pèlerins. Il s’agit d’un accessoire de photographie composé d’un monopode (petite perche) doté d’un support pour un appareil photo ou un smartphone qui vous permet de vous prendre vous-même en photo. Il suffit de tenir cette perche, de la tendre avec le bras devant vous et, clic, voilà votre photo prise. Vous pouvez ensuite vous admirer. Plus besoin de personne ; vous vous débrouillez vous-même pour immortaliser votre chef-d’œuvre qui se perdra dans le lot d’innombrables photos que vous regarderez à la va-vite et qui sombreront finalement dans l’oubli.

 

Voyez le prophète Élie, dans la première lecture de ce dimanche. Il n’hésite aucunement à faire appel à la veuve de Sarepta : « Veux-tu … ? Apporte-moi ». Est-ce donc si compliqué de demander service à quelqu’un ? Pourquoi vouloir sans cesse se passer des autres et chercher à se suffire à soi-même ? Pourquoi tout organiser comme si chacun n’était qu’un être solitaire devant survivre dans l’indifférence de son entourage ? « Demandez, nous dit Jésus, et vous recevrez ». Ne plus rien demander aux autres, c’est s’exposer à ne plus savoir supplier Dieu. La spirale de l’individualisme est mortifère ; elle ne saurait apporter la joie. Osons demander, sachons supplier.

 

Que dire de ces riches dont nous parle l’Evangile ? Ils mettaient ostensiblement de grosses sommes dans la salle du trésor. Il est facile de les imaginer quelques siècles plus tard, perche à selfie à la main, dans un nombrilisme malsain, cherchant coûte que coûte à s’admirer dans leur pseudo-prodigalité. Eux font tout pour être vus ; la pauvre veuve fait tout pour rester cachée. Eux veulent laisser la trace de leur  » C’est moi  » ; elle, dans le fond de son cœur, veut simplement dire au Seigneur :  » C’est pour toi « . N’est-ce pas ce que, nous aussi, nous voulons lui dire dans l’humilité et la simplicité ?

 

Père Gilles Morin,

curé