Une première dans l’histoire de l’Eglise

 

Qu’il serait beau si tous les enfants de la terre pouvaient dire en vérité au diapason de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « Le Bon Dieu m’a donné des parents plus dignes du ciel que de la terre ! »

Combien cela serait édifiant si toutes les épouses pouvaient affirmer avec Zélie Martin : « Je suis toujours très heureuse avec lui. Il me rend la vie bien douce. C’est un saint homme que mon mari, j’en désire un pareil à toutes les femmes, voilà le souhait que je leur fais ! »

Quelle merveille si tous les époux pouvaient écrire à leur bien-aimée, comme le fit en son temps Louis Martin : « Il me tarde d’être près de toi … Ton mari et vrai ami qui t’aime pour la vie ».

Quelle correspondance au dessein de Dieu si toutes les familles pouvaient mettre au cœur de leur quotidien les élévations d’âme du couple Martin, canonisé par notre pape François ce dimanche, en plein synode sur le thème de la famille ! Une première dans l’histoire de l’Eglise.

« Hors aimer Dieu et le servir, aimait à dire Louis, tout n’est que vanité … Dieu premier servi ». Quant à Zélie, elle confiait ces mots qui en disent long : « Pourvu que j’arrive au Paradis avec mon cher Louis et que je les voie tous (mes enfants) bien mieux placés que moi, je serai assez heureuse comme cela, je n’en demande pas davantage ».

C’est le 13 juillet 1858, un mardi, en pleine nuit, que Louis Martin et Zélie Guérin s’unissent par le sacrement du mariage en l’église Notre-Dame d’Alençon. Pas de froufrou ni de tralala. Ces deux chrétiens fervents veulent se centrer sur l’essentiel. À cette époque, un beau rite exprimait le caractère sacré de leur engagement. Après l’échange des consentements et le Pater avait lieu la vélation. Un voile blanc était en effet déployé au-dessus des époux agenouillés, tandis que le prêtre, mains étendues, prononçait la bénédiction nuptiale. Ce rite mettait en lumière la bénédiction céleste descendant sur les époux et, par le fait même, la ratification divine de leur choix mutuel. Il exprimait aussi le devoir pour le nouveau couple d’être le « sanctuaire de l’Éternel ».

Dans la liturgie de Saint Jean Chrysostome, telle qu’elle se pratique encore aujourd’hui, avant la consécration proprement dite, le prêtre, à plusieurs reprises, couvre d’un voile l’encensoir, le calice et la patène,. De même, par la suite, un voile blanc est agité au-dessus du corps et du sang du Seigneur durant la récitation du Credo en signe de descente de l’Esprit-Saint. Nous le savons : Mariés en présence de Dieu, Louis et Zélie n’ont formé qu’une seule chair. Leur vie a été enracinée dans la foi ; la bonne odeur de leur amour s’est élevée vers le ciel ; leurs cœurs et leurs corps se sont pleinement donnés « en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu« .

Les lectures de ce dimanche nous parlent du Serviteur broyé par la souffrance, du grand prêtre éprouvé en toutes choses, de la coupe qu’il faut boire … celle du sang versé en rançon pour la multitude. La vie de famille, chez les Martin, ne fut pas dépourvue d’épreuves, tant s’en faut. Rappelons-nous les deuils de quatre de leurs enfants, le décès prématuré de Zélie, la maladie mentale de Louis etc … Comme l’écrivait magnifiquement notre fondateur, le Père Jean-Léon Le Prevost, à l’occasion de l’installation du premier tabernacle dans notre congrégation : « Point d’amour sans conformité, point de conformité sans croix. Le Bien-Aimé, en entrant sous notre toit y viendra avec sa croix ; c’est son seul trésor, c’est tout ce qu’Il possède et apporte à ses hôtes ; c’est son livre, c’est sa science pour les enseigner, c’est sa force pour les aguerrir et les former ; qu’il soit le bienvenu et Sa croix avec Lui ! » . Sans nul doute, c’est bien ainsi que Jésus est entré dans la vie de famille de Louis et Zélie. C’est ainsi qu’il les a enseignés et formés pour rayonner, témoigner, se sanctifier et être aujourd’hui canonisés. Encore une fois, c’est une première dans l’histoire de l’Eglise.

Père Gilles Morin, curé

Lettre du jeune homme riche aux paroissiens de Notre-Dame de Nazareth

 

Il y a bien longtemps, j’accourais vers Jésus et je tombais à ses genoux. En ce dimanche, vous le faites à votre tour. En votre église, vous entendrez parler de Lui …mais aussi de moi. C’est pourquoi je vous écris ces quelques lignes pour vous supplier : Surtout, écoutez Jésus … ne faites pas comme moi. J’ai été fou ; ne le devenez pas à votre tour. Je suis reparti tout triste ; je vous souhaite d’être dans la joie. « Va ! vends ! » m’a-t-il dit … mais j’ai préféré garder et je suis resté figé. Quant à vous, allez, vendez, donnez, pour vous élancer sans réserve à la suite de Celui qui vous aime tant.

 

Je sais que votre paroisse est animée par les Religieux de Saint Vincent-de-Paul. Leur fondateur, Jean-Léon Le Prevost est venu bien après moi ; il n’a pas fait comme moi. En lui vous avez un beau modèle. J’ai calé devant la parole que Jésus m’adressait ; lui a avancé. Je n’ai pas su renoncer à ce que le Maître me demandait ; lui a vraiment tout abandonné. Je n’ai pas suivi Jésus et je suis reparti tout triste ; lui a mis ses pas dans ceux de son Seigneur et il a trouvé paix et joie. Ah ! si j’avais eu ses encouragements et ses paroles magnifiques … si seulement j’avais pu les lire au moment de ma rencontre avec Jésus, peut-être n’en serais-je pas là aujourd’hui.

 

« Jusque-là, écrivait-il en son temps, nous aspirons à la vie, mais elle n’est pas encore pleinement en nous, nos pieds s’attachent trop facilement à la terre, nos regards vont encore trop aux choses d’en-bas, le renoncement n’est pas assez complet, ni à nous-mêmes, ni au monde ». C’est tellement vrai. J’aspirais moi-même à la vie. N’est-ce pas justement le sens de ma question posée à Jésus : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle », mais mon cœur était trop attaché à mes richesses.

 

Qu’elle était sage cette recommandation du Père Le Prevost : « Si nous trouvons quelques chose qui fasse obstacle entre Dieu et nous, sans marchander, il le faut immoler ». Mais je n’ai pas su renoncer, je n’ai pas pu immoler. Fou que j’ai été ! Le sacrifice que le Maître me demandait m’a paru trop exigeant, trop contraignant. En lisant et méditant ces autres lignes du Père Le Prevost, j’ai encore été bouleversé. Ah ! si je les avais eu sous les yeux au moment où, pour moi, tout a vacillé et où je me suis effondré. « Simple apparence du sacrifice, notait-il avec sagesse, car vous échangez le néant contre la vie, l’erreur contre la vérité, les passions vaines contre l’amour. Bienheureux échange, dont Dieu permet qu’à cette heure tout le prix vous échappe, afin que vous ayez le mérite de donner, quand c’est Lui qui réellement vous donne. Que Dieu est bon, mon ami, et qu’Il vous aime ! ».

 

Il faut que je vous le dise, chers amis, j’ai pleuré en poursuivant ma lecture et en tombant sur ces mots : « Notre pauvre nature, toujours inclinée aux joies terrestres, murmure parfois et se révolte, et c’est en cela que consiste notre apparent sacrifice ; mais nous sommes si généreusement récompensés par l’amour de notre Dieu, par les satisfactions intérieures de notre conscience, par le goût intime et profond des délices de la maison du Seigneur, qu’il ne nous reste qu’à le bénir de nous avoir choisis entre mille pour nous approcher tout près de Lui et nous donner la meilleure part ».

 

Vous comprenez pourquoi je pleure aujourd’hui. J’étais choisi par Jésus et je n’ai pas dit oui. Ne commettez pas ma folie, ne vous éloignez jamais de Lui. En ce dimanche, vous l’entendrez vous dire : « Une seule chose te manque ». Laquelle ? Il vous la murmurera Lui-même au fond du cœur. Surtout, écoutez-le … et faites ce que je n’ai pas su faire : Immolez tout pour repartir libres et dans la joie.

 

Père Gilles Morin

Curé