« Lève-toi, va … proclame »

Au contact des enfants et des jeunes, j’en apprends tous les jours. Mardi soir, à la prière conclusive du catéchisme, alors que je venais de rappeler l’importance de la participation à la messe du dimanche, l’un de mes petits de CM2 me fit savoir qu’exceptionnellement je ne pourrais l’apercevoir ce week-end. À la différence de nombreux autres, c’est pourtant un fidèle de la messe dominicale. « Rassurez-vous, Père, me dit-il, j’irai bien à la messe mais pas à N.D. de Nazareth. Je dois aller  à une « pyjamas party » ». Intrigué, pour ne pas dire inquiet, je me mis à l’interroger :

–  «  Qu’est-ce que c’est qu’une « pyjamas party » ?

–  Un camarade m’a invité. C’est son anniversaire. On se retrouve samedi soir, on se met en pyjamas, et on s’amuse. On peut se coucher quand on veut ».

Voilà qui est plutôt sympathique, me dis-je intérieurement. À son âge, je crois vraiment que j’aurais aimé, bien que cela ne soit pas sans danger. Pensez-donc : à 10 ans, s’amuser en pouvant se coucher aussi tard que possible, n’est-ce pas génial pour un petit ?

On peut légitimement penser que Jonas, dont nous parle la première lecture, aurait raffolé. C’est autrement plus détendant et gratifiant que d’aller s’exposer et s’épuiser à prêcher la conversion aux cœurs endurcis des ninivites. On ne refuse pas une « pyjamas party » … mais on s’enfuit devant une mission apparemment impossible. À quoi bon s’égosiller auprès des pervertis ?  Mais se recroqueviller entre amis pour profiter de la vie, alors oui !

Les temps ne sont guère meilleurs qu’à l’époque de Jonas. Notre ville de Paris, et même plus largement notre pays, peuvent nous paraître peuplés par de véritables ninivites. Faut-il désespérer et renoncer ? Allons-nous faire preuve de lâcheté ou de  frilosité ? L’appel du Seigneur est pourtant des plus clairs : « Lève-toi, va … proclame ». « Jonas se leva et partit pour Ninive », précise l’Evangile. Remarquons que l’actualité s’est fort heureusement chargée de nous sensibiliser au drame que vivent nos frères chrétiens de Mossoul … Or cette ville n’est autre que l’ancienne Ninive. Si Jonas ne s’était levé, y aurait-il des chrétiens aujourd’hui en ce pays ? Eux se lèvent, encore et toujours ; ils sont acculés à fuir mais non à se taire. Ils sont debout et leur exemple nous stimule. Ils nous crient de ne pas nous contenter de « pyjamas party » mais de vivre plus pleinement de l’Evangile. Ces frères en Christ nous comptent toujours sur notre prière.

« Lève-toi, va … proclame », nous dit aujourd’hui Jésus. Alors levons-nous. Ne désespérons ni de notre temps ni de notre pays. Prêchons l’invitation à la conversion. N’hésitons pas à nous exposer et à nous mobiliser puisque nous sommes envoyés.

En ce dimanche, bon nombre de nos compatriotes se lèveront et marcheront. Leur mobilisation aura pour but de rappeler le caractère sacré de toute vie. En ce domaine, pas de résignation ni de capitulation … non, jamais … la cause est trop importante.

En ce dimanche, bon nombre de paroissiens se lèveront et se rendront à l’Île Bouchard pour confier à Notre-Dame de la prière notre pays et nos familles. Nous aimons la France ; nous aimons nos familles. Alors, là encore, pas question de désespérance ni de somnolence … non, jamais … les enjeux sont d’une trop grande importance.

Nous ne sombrerons pas dans l’amusement, nous ne resterons pas à nous assoupir douillettement dans des « pyjamas party ». Nous nous lèverons, comme Jonas, d’abord et avant tout parce que le Seigneur nous répète : « Lève-toi, va … proclame »

Père Gilles Morin, curé

Dis ce que le Seigneur te demande de dire

 

Nous connaissons bien ce beau texte de la première lecture de ce dimanche qui nous relate l’appel du jeune Samuel. N’est-il pas en pleine consonance avec le thème de l’année pastorale qui vient de s’écouler ? Mais il faut s’empresser d’ajouter : N’est-il pas particulièrement adapté aussi aux thématiques de l’année dans laquelle nous venons d’entrer ? Samuel est appelé ; il est consacré ; ET il est envoyé. Par trois fois, le jeune Samuel répond : « Tu m’as appelé, me voici ». Mais à quoi donc l’appelle le Seigneur ? Quelle est la mission qui lui est confiée ? Ce jeune, attaché au prêtre Éli, doit lui délivrer de la part de Yahvé un avertissement  qui a de quoi faire trembler. Il hésite, mais le vieux prêtre le supplie : « Samuel, mon fils ! Quelle est la parole qu’il t’a dite ? Ne me cache rien ! » L’enfant se met donc à parler ; il doit le faire ; telle est la mission qui lui a été confiée. Voici donc ce que dit le Seigneur : « En ce jour-là, j’accomplirai contre Éli tout ce que j’ai dit sur sa maison, du commencement à la fin. Tu lui annonceras que je condamne sa maison pour toujours ; parce qu’il a su que ses fils maudissaient Dieu et qu’il ne les a pas corrigés »(1 Sm 3,12).


Notre Saint Père, le pape François, parle au nom du Seigneur avec une grande liberté. C’est un homme de prière, à l’écoute de Dieu, qui parle donc au nom de Dieu. Il sait avertir et corriger. Il ne se dérobe aucunement à sa mission. Jeudi dernier, lors d’une interview avec des journalistes dans l’avion qui le menait à Manille, il a tenu, entre autres, ces propos :

« Je crois que la liberté religieuse et la liberté d’expression sont toutes les deux des droits fondamentaux …/… on ne peut pas offenser, faire la guerre, tuer au nom de sa religion, c’est-à-dire au nom de Dieu …/… on ne peut pas tuer au nom de Dieu. Tuer au nom de Dieu est une aberration ». Et il ajoutait : « On ne peut pas provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut pas se moquer de la foi. Tant de gens parlent mal des religions, s’en moquent, disons “jouent” avec la religion des autres ».

 

Nous entrons dans la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Le pape sait que les hommes sont capables de s’anathématiser, de s’entredéchirer et même de se massacrer au nom de Dieu. Les chrétiens sont donc appelés plus que jamais à donner le témoignage d’une Eglise qui est une « mère au cœur ouvert sur le monde entier », et où tous sont unis au nom de l’amour du Père et du Fils, dans la communion de l’Esprit-Saint. Mais le pape sait aussi que l’exclusion de Dieu, sa dérision et la profanation de son saint nom ne seront jamais facteur d’unité véritable, de paix sociale et de bonheur pour notre humanité.

 

Alors, mettons-nous à l’écoute de la voix du Seigneur. Comme André et Jean, les premiers appelés, cherchons à mettre nos pas dans les pas de Jésus, à demeurer là où il est, à nous imbiber de sa Parole, à nous abreuver de son amour, pour pouvoir vivre en envoyés et répondre ainsi à la mission d’évangélisation qui nous est à tous confiée.

 

Père Gilles Morin,

Curé