De veilleurs en veilleurs

 

« Veillez donc » … et elle veille bien cette gardienne d’un immeuble de notre quartier. Il y a quelques jours, elle a alerté l’une de nos fidèles paroissiennes. Une dame du 4ème étage, âgée d’à peine soixante ans, étant gravement malade, alitée au point de ne plus pouvoir se lever, était visiblement en fin de vie. « On ne peut la laisser s’en aller comme ça ; il faudrait qu’un prêtre passe la voir ».

 

Elle veille bien aussi cette paroissienne, tout de suite mobilisée et réactive, qui fait passer le S.O.S de cette gardienne à notre communauté religieuse. Que faire ? Cette malade était inconnue ; elle n’avait rien réclamé ; était-elle seulement baptisée ? Et puis, avec ces codes d’immeuble, comment y accéder ? Et voilà que notre paroissienne, renseignements pris auprès de la gardienne, nous fournit les codes, l’étage, la porte … Alors en avant, puisque nous nous apprêtons à entrer dans l’Avent.

 

C’est le Père Lecuyer qui s’est rendu lundi dernier jusqu’à cet immeuble. Premier code : pas de problème. Deuxième code : rien ; la porte reste fermée. Notre bon Père patiente jusqu’au passage d’un résident. Il se faufile, prend l’ascenseur et se retrouve devant la porte de l’appartement qui lui a été indiqué. Aucun contact préalable n’a été pris ; il n’est donc nullement annoncé. Une garde malade l’accueille.

Bonjour, dit le Père Lecuyer, je suis prêtre

Entrez, lui répond sans sourciller cette femme

Et notre Père de se retrouver en présence de cette malade toute accueillante au sacrement que le Père vient lui proposer. Un temps de grâce, sans aucun doute ; une immense joie ; une renaissance pour sa Naissance. C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille à nos yeux.

 

Nous entrons dans ce temps de la mission de l’Avent 2014. Toutes les paroisses de Paris sont mobilisées, et donc aussi la nôtre. Des actions d’évangélisation vont être menées ; de multiples initiatives vont être proposées et réalisées. Et c’est bien ! Mais par-delà ce dynamisme événementiel et quelque peu extraordinaire, rappelons-nous que la mission est d’abord du domaine de cette veille au quotidien. Cette gardienne, cette paroissienne, ce prêtre … et voilà une âme conduite vers son Seigneur et recouvrant la paix. Veillons ; veillons tous ; et la paix et la joie de Noël résonneront davantage en notre quartier et au plus intime de notre cœur. Qui, dans ma famille, dans mon immeuble, à mon lycée ou à mon travail, s’est éloigné de Dieu ou ne connaît pas Dieu ? Alors je vais veiller sur lui, sur elle. Je vais tout faire pour être évangéliste, c’est-à-dire porteur de la Bonne Nouvelle, celle de Jésus venant dans la nuit de Noël.

 

Nous entrons également dans l’année de la Vie Consacrée, promulguée par notre pape François. Les religieuses et religieux sont des veilleurs au sein de notre monde. C’est l’une des dimensions de leur mission. Ils nous rappellent l’absolu de Dieu et sont, par leur consécration, des témoins de l’espérance et des apôtres de la joie. Notre pape François l’a clairement affirmé en ces termes dans son homélie du 6 juillet 2013 : « Partout où il y a les consacrés, les religieuses et les religieux, il y a de la joie, il y a toujours de la joie ! C’est la joie de la fraîcheur, c’est la joie de suivre Jésus, la joie que nous donne le Saint-Esprit, pas la joie du monde. Il y a de la joie ! » Priez pour nous, religieux de Saint Vincent-de-Paul, Pères et Frère, afin que nous répondions au mieux à notre mission. Si nous sommes des veilleurs, nous vous conduirons de plus en plus au Christ, notre joie. Alors, veilleurs à votre tour, vous porterez à tous vos frères le Christ, votre joie.  Voilà le cœur de la mission, à commencer par celle de cet Avent 2014.

 

Père Gilles Morin, curé

« he’s no good »

 

De l’écrivain humoriste René Goscinny, nous connaissons tous, ‒ ou presque tous ‒, les aventures d’Astérix et Obélix. Nous sommes sans doute moins nombreux à avoir lu cette autre série de bande dessinée, truculente et quelque peu caustique : «  Les aventures du calife Haroun El Poussah ». Le protagoniste et héros/anti-héros n’est autre que le grand vizir de Bagdad : Iznogoud. Celui-ci possède presque tous les défauts existants : cruel, avare, égoïste, colérique et hargneux. Obsédé par l’idée de devenir « calife à la place du calife », il tente d’y parvenir par tous les moyens, mais sans jamais réussir. Homme de petite taille, il est la terreur de presque tout Bagdad, qui le déteste. Quant au Calife Haroun El Poussah, il est apprécié de son peuple. Naïf, oisif et débonnaire, il est le seul à croire en la fidélité de son grand vizir en qui il met toute sa confiance. Dans chaque épisode, une chance extraordinaire lui permet de survivre aux attentats de son grand vizir et de conserver son trône sans même se rendre compte du danger auquel il a échappé. Inlassablement, il continue d’appeler son grand vizir : « mon bon Iznogoud »…  nom qui n’est autre que la francisation de l’expression anglophone « he’s no good » (il n’est pas bon).

 

« Calife à la place du calife »… « Roi à la place du Roi » … « Dieu à la place de Dieu »… De dramatiques exemples nous disent, au fil des siècles, combien l’ambition et l’orgueil peuvent mener au pire : Régicides, parricides, et même déicide jalonnent l’histoire de l’humanité.

Rappelons-nous : Dès les origines, à peine créés, Adam et Eve, tentés par Satan, cherchent à s’émanciper de Dieu, à se débarrasser de Dieu, à être « comme des dieux ».

Rappelons-nous encore : « Es-tu roi ? » interroge Pilate. Et Jésus d’affirmer : « Tu l’as dit ; je le suis »… et la foule de crier « Nous ne voulons pas d’un tel roi ».

 

Aujourd’hui, les ″Iznogoud″ ne manquent pas. Trop souvent, l’homme s’érige en surhomme ; il s’arroge droits et privilèges quasi divins ; il revendique sa totale autonomie pour régner en maître. Il le fait subrepticement, habilement, malicieusement, parfois même frontalement et violemment. Mais attention, le Christ n’est pas le Calife Haroun El Poussah. Il est Dieu, le Roi du ciel et de la terre. Il n’est nullement oisif ni naïf. Il voit ; il sait ; il est la bonté infinie ; il est l’Amour.  Mais il est aussi Tout-Puissant, et quoique l’on tente, on ne détrône pas le Christ ; il est et restera éternellement Dieu. Dans sa miséricorde, il sera là à nous rappeler « he’s no good », ce n’est pas bien, ce n’est pas bon. Il ira même jusqu’à nous répéter inlassablement « mon bon Iznogoud » … parce qu’il croit en l’homme même quand l’homme ne croit plus en lui ; parce qu’il veut de l’homme même quand l’homme ne veut plus de lui.

 

Père Gilles Morin, curé