Rouge ou blanc ?

 

L’une de nos paroissiennes d’origine roumaine me racontait il y a quelques semaines son étonnement du jour de Pâques. Elle était sortie se promener dans nos rues et n’avait croisé que des gens au visage tristounet et assombri. « Chez nous, dans mon village, me disait elle, oui chez nous, c’est la grande joie. Chacun se salue, le sourire aux lèvres, le regard étincelant de lumière ». Elle s’interrompit quelques instants et me posa cette question surprenante : « Voulez-vous que je vous apporte des œufs rouges ?». Puis elle poursuivit : « Oui, chez nous, le vendredi saint, on fait cuire des œufs dans une eau rougie par des pelures d’oignons et du jus de betterave. Ce qui nous donne des œufs rouges que l’on garde jusqu’au matin de Pâques. Ce jour-là, lorsqu’on se croise, on cogne ces œufs en se disant «  Christ est ressuscité, alléluia !«  Et l’autre répond : «  Il est vraiment ressuscité, alléluia ! « . Les coques tombent alors pour ne laisser apparaître que le blanc, signe de résurrection ». En l’écoutant, intérieurement je repensais à ces paroles de la bénédiction solennelle du saint jour de Pâques : « Ils sont finis, les jours de la Passion, suivez maintenant les pas du Ressuscité : suivez-le désormais jusqu’à son Royaume où vous posséderez la joie parfaite ». Cette femme ajouta : « Et nous refaisons cela le jour de la Pentecôte ». Quelle belle tradition !

 

Sont-ils vraiment finis les jours de la Passion ? Notre cœur, notre pays, notre monde n’ont-ils pas été suffisamment rougis par le sang ? Les célébrations commémorant le 70ème anniversaire du débarquement sur les plages de Normandie sont là pour nous rappeler les drames de la guerre mais aussi l’impératif de la paix. Le Christ, le prince de la Paix, s’est offert en victime pour apporter la liberté à toute l’humanité. Des soldats ont donné leur vie pour que notre pays, occupé par l’ennemi, soit une terre de liberté. Nos cœurs, trop souvent sous l’emprise du Malin et sous le joug de l’esprit du monde, n’aspirent-ils pas eux aussi à un grand vent de liberté, celui de la Paix et de l’Amour ? Allons-nous, nous aussi, batailler pour bouter hors de notre cœur l’envahisseur ? Ô combien il est envahissant et tyrannique celui qui ne nous veut que du mal, celui qui nous susurre insidieusement : « Œil pour œil, dent pour dent … Vengeance, violence … ».

 

Sont-ils vraiment finis les jours de la Passion pour ces populations de la Région que Jésus foula de ses pieds et illumina de sa présence ? La Terre sainte, berceau de la Bonne Nouvelle de l’Evangile, n’est-elle pas en droit de connaître la Paix ? N’a-t-elle pas l’éminent devoir d’en vivre et de la propager ? Imaginez-vous ses habitants se croisant, œufs rougis à la main, et les cognant le sourire aux lèvres avec le désir ardant de ne plus faire qu’un. C’est pourquoi nous nous unissons intensément à la prière qui, en ce dimanche de Pentecôte va s’élever du Vatican. Notre pape François, les présidents Shimon Peres et Mahmoud Abbas ainsi que le patriarche de Constantinople Sa Sainteté Bartholomée vont supplier le Dieu de toute paix de faire en sorte qu’ils soient vraiment finis les jours de la Passion pour que la blancheur de la paix plane sur cette terre et descende en chaque cœur. Pour cela, il faut prier ; il faut s’offrir jusqu’à souffrir … en union avec le Christ.

 

En cette solennité de la Pentecôte, des enfants, des jeunes et des adultes reçoivent le sacrement de Confirmation. La couleur liturgique est rouge, non point d’abord pour évoquer le sang mais plutôt le feu … le feu de l’amour de Dieu répandu en nos cœurs par l’Esprit-Saint. Ce feu, nous ne pouvons le contenir. Il est fait pour être répandu. Nous devons sortir et sortir encore, comme ne cesse de nous y inviter notre pape François. N’est-ce pas ce qu’ont fait les apôtres en ouvrant toutes grandes les portes du Cénacle ? Nous ne sommes pas en Roumanie ; nous n’avons donc pas d’œufs rouges à la main mais nous avons nos cœurs rougeoyants de l’amour de Dieu. Embrasés par l’Esprit-Saint, nous avons nos vies prêtes à s’offrir et à souffrir pour être porteurs de l’Evangile de la Paix. Nous pouvons, nous devons proclamer avec une immense joie : « Ils sont finis les jours de la Passion ; ils sont finis. Ne l’oubliez pas. Christ est ressuscité, alléluia ! alléluia ! Allez l’annoncer à tous les hommes de bonne volonté ».

 

Père Gilles Morin, curé

Ne nous laissez pas seuls dans la prière

 

Ils vous laissent seuls en ce dimanche … du moins en ce qui concerne leur présence à la messe qui, je n’en doute pas, vous manquera. Nos servants d’autel sont en effet en pèlerinage ce week-end à Pontmain. Autant dire qu’en termes de prière, ils vous resteront bien présents. Soyez-en sûrs, en ce domaine, ils ne vous laisseront pas seuls.

 

Pontmain est un petit village près de Laval, aux portes de la Bretagne. La Vierge Marie est entrée dans son histoire un soir d’hiver, le 17 janvier 1871. La France vit alors des temps difficiles. L’armée française a capitulé à Sedan ; l’empereur Napoléon III est prisonnier. Les troupes prussiennes progressent sur notre territoire, allant de victoire en victoire. Elles sont aux portes de Laval. Les pontaminois voient le danger approcher. Le Père Michel Guérin, leur curé depuis 36 ans, est un homme de prière qui les fait prier la Vierge Marie. Mais il semble qu’en ces moments de l’histoire, la prière fasse preuve de son inefficacité. Les prussiens avancent, avancent … Rien ne semble pouvoir les arrêter. Le dimanche 15 janvier, après les vêpres, le curé entonne comme de coutume le cantique : « Mère de l’Espérance dont le nom est si doux, protégez notre France, Priez, priez pour nous ». Il se retrouve, hélas ! seul à chanter. Se retournant, il exhorte ses paroissiens à unir leur voix à la sienne : « Ne me laissez pas seuls dans la prière », aurait-il pu leur dire. Et voici que deux jours plus tard, en la date du 17 janvier 1871, la Vierge Marie apparaît dans le ciel de Pontmain. Durant trois heures, elle se montre, avec un visage maternel, à des enfants à la foi profonde, notamment à Eugène et Joseph Barbedette. La Dame est vêtue d’une robe bleue, parsemée d’étoiles d’or. Les mains étendues et le visage souriant, elle regarde les enfants. Le curé, alerté, invite la foule à réciter le chapelet. Bientôt se déroule sous les pieds de la Vierge une banderole où, successivement, s’inscrivent des lettres d’or qui composent ces paroles, épelées à haute voix par les enfants :

« Mais priez mes enfants ; Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher ».

Stupéfiant et apparemment incompréhensible : Trois jours plus tard, le 20 janvier, les troupes allemandes commencent à évacuer la Mayenne. Le message de Pontmain se réalise : « Priez, Dieu vous exaucera en peu de temps ». Le 28, l’armistice est signée.

 

« Mais priez, priez donc« , nous lance le pape François alors qu’il s’apprête à recevoir au Vatican le Président israélien Shimon Peres et l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Quel est donc le but de cette rencontre ? ni plus ni moins une prière pour la paix en Terre Sainte. « Ne nous laissez pas seuls« , supplie notre Saint-Père. Peut-être sommes-nous portés, comme les pontaminois en leur temps, à désespérer face aux échecs répétés de réconciliation. L’exemple de l’apparition de la Vierge dans ce petit village de Pontmain nous montre qu’il ne doit pas en être ainsi. Prions, prions encore, prions inlassablement et persévéramment. Prions comme les apôtres réunis autour de Marie au Cénacle. Jésus, n’en doutons pas, se laissera toucher. Ne sommes-nous pas tous à Lui ? Qu’il trouve sa gloire en nous.

 

Père Gilles Morin, curé