Discours de riche ?

 

À première lecture, les paroles de Jésus dans l’Evangile de ce jour peuvent heurter et exaspérer. Belles paroles, certes, mais discours de riche.

 

Facile à dire : « Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements… ». Oui, facile à dire quand on a ce qu’il faut pour manger et s’habiller.

 

« Regarder les oiseaux du ciel … » dit Jésus. Mais la maman qui ne sait ce qu’elle va mettre dans l’assiette de ses enfants est-elle portée à admirer les volatiles, si beaux soient-ils ? Le cœur lourd d’angoisse, elle pose les yeux  sur ses petits et pleure.

 

« Pourquoi se faire tant de souci ?… insiste Jésus. Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas … ». Croyez-vous que le papa qui est au chômage et cherche désespérément un emploi … croyez-vous qu’un tel papa voyant ses enfants grelottants de froid et dépourvus d’un bon anorak, ne s’inquiète pas, ne s’angoisse pas, et se livre à une contemplation champêtre bien paisible ?

 

« Ne vous faites donc pas tant de souci, martèle pour la troisième et quatrième fois Jésus. Ne dites-pas : « Qu’allons-nous manger ? » ou bien : « Qu’allons-nous boire ? » ou encore :« Avec quoi nous habiller ? » … demain se souciera de lui-même … ». Le pauvre est alors vraiment tenté de se rebiffer et de crier à Jésus : « À d’autres … Tais-toi, n’assène pas de telles énormités. C’est facile à dire quand on a ce qu’il faut. Cesse ce discours de riche, de gens nantis portés à moraliser.

 

Et moi je crie vers mon Sauveur : « Surtout, continue, parle et parle encore car tu es le Dieu libérateur venu nous affranchir de l’esclavage du péché et donc de celui de l’Argent. On peut être esclave tant dans l’opulence que dans la misère. Oui, surtout, ne cesse pas de nous enseigner Toi le Dieu de toute richesse. Tu t’es fait pauvre pour moi, pour nous, pour tous …Tu as connu la faim et le dénuement. Tu es venu déverser en nous les richesses de ton amour et de ton Salut. Aussi, « En toi, j’ai mis ma confiance, Ô Dieu Très Saint, Toi seul est mon espérance et mon soutien, c’est pourquoi je ne crains rien, j’ai foi en Toi ô Dieu Très Saint«  ».

 

Notre Pape François nous livre justement un message de carême sur le beau thème de Jésus qui « s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » (cf 2 Cor 8,9). Il nous y rappelle que « la misère ne coïncide pas avec la pauvreté ; la misère est la pauvreté sans confiance, sans solidarité, sans espérance« . « Il n’y a qu’une seule vraie misère, nous dit-il, c’est celle de ne pas vivre en enfants de Dieu et en frères du Christ …/… Dieu continue à sauver les hommes et le monde grâce à la pauvreté du Christ … La richesse de Dieu ne peut nous rejoindre à travers notre richesse, mais toujours et seulement à travers notre pauvreté personnelle et communautaire, vivifiée par l’Esprit du Christ ».

 

Alors, parle Jésus, ne te tais surtout pas. Ton message n’est nullement un discours de riche mais LE discours du Pauvre par excellence, du Pauvre qui, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté. Et Ce Pauvre comprend le pauvre.

 

Père Gilles Morin,

Curé

Têtu comme un breton

 

« Nul n’est sensé ignorer la loi », dit-on. C’est un véritable défi en notre époque où décrets, règlementations et lois se multiplient à n’en plus finir. L’un de nos paroissiens qui exerce le beau métier d’avocat m’a confié qu’il lui fallait se réserver une journée complète par semaine pour étudier les textes législatifs qui ne cessent de paraître. La loi de Dieu est tellement plus simple à mémoriser : elle tient en dix commandements. Nul ne saurait donc les ignorer. À la différence des lois humaines, nul ne saurait y toucher. Pour les préserver, il faut les rabâcher. Qui veut véritablement vivre doit les observer. C’est une voie de sagesse et de sainteté.

 

Sur la montagne, Jésus parle avec autorité : « Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas une lettre, pas un seul petit trait ne disparaîtra de la Loi ». Autrement dit : « Pas touche à la Loi », … celle de Dieu, bien sûr . Et Jésus de répéter : « Vous avez appris … et bien MOI je vous dis… ». Il ne lâche rien ; il ne cède en rien. N’est-il pas « la Parole éternelle du Père », Celui qui EST « la Vérité et la Vie » ? Loin de sombrer dans un légalisme sec qu’il dénoncera tant de fois chez les pharisiens, il vivifie la Loi par l’amour ; il la transcende et la couronne.

 

À nous, sur nos routes humaines et en cette année de l’Appel, de nous unir à Jésus pour laisser résonner Sa Parole d’Eternité.

Nos gouvernants auront beau seriner leurs couplets et refrains sur la laïcité conçue comme exclusion de Dieu, je me devrai de proclamer : « Et bien moi je vous dis : « Tu adoreras Dieu seul et tu l’aimeras plus que tout » ».

Nos responsables politiques auront beau légiférer sur des dérives de notre société pour les avaliser, je ne pourrai que rabâcher : « Et bien moi je vous dis : « Tu honoreras ton père et ta mère «  ».

Nos législations auront beau nous dire qu’il est permis de tuer un innocent : Il me faudra alors répliquer : « Et bien moi je vous dis : « Tu ne tueras pas » ».

Etc … etc … etc …

 

Oui, je devrai le dire, je me dois de le répéter, de le marteler, de le rabâcher. Chacun de nous a ce devoir et est appelé à cette mission, non point en se défoulant dans des polémiques stériles et virulentes, non point dans la spirale de la haine et de la violence, mais avec la justesse et la force de la Vérité, avec le respect et la suavité de la Charité.

 

Oui, je devrai le dire, je me dois de le répéter, de le marteler, de le rabâcher. Certes, je ne saurai renier mes origines de l’ouest de la France. On me dira donc que je suis « têtu comme un breton », ce qui n’est pas faux. Mais vous le savez, en de telles affirmations, ce n’est pas moi qui parle, c’est Jésus qui parle alors en moi. Ira-t-on jusqu’à dire que Jésus était « têtu comme un breton » ?

 

Père Gilles Morin,

Curé