Non point cadenasser mais aimer

 

La famille est le lieu par excellence du partage, de l’accueil et de l’attention où l’on ne saurait se dérober à son semblable. L’invitation du prophète Isaïe y trouve son enracinement et sa première réalisation. « Alors, assure-t-il, ta lumière jaillira comme l’aurore ». Nulle doute qu’une famille où l’on s’aime est un soleil pour notre terre. L’on ne saurait mettre une telle lumière sous le boisseau ; « on la met sur le lampadaire et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » … ajoutons même « pour tous ceux qui sont au-dehors et qui perçoivent une source de bonheur ». N’a-t-on pas envie de s’approcher du soleil pour se laisser illuminer et réchauffer ?

 

Je ne sais si vous connaissez le pont des arts qui traverse la Seine au centre de Paris. Depuis 1975, il est inscrit comme monument historique. Entre 1981 et 1984, il a fallu le reconstruire à l’identique, tant il avait été fragilisé par les bombardements des première et seconde guerres mondiales ainsi que par plusieurs collisions de bateaux. Aujourd’hui, il est à nouveau menacé mais, cette fois-ci, par « le poids de l’amour ». Depuis 2008 en effet, une pratique romantique s’est répandue. Les couples touristes se promènent sur ce pont tourné vers l’Institut de France pour y accrocher un cadenas mentionnant leurs initiales, preuve de leur amour éternel. La clé est jetée dans la Seine, et l’on repart bras dessus bras dessous pour la vie. Chargées de milliers de cadenas, les grilles du pont des Arts s’affaissent et menacent de s’effondrer. Il faut régulièrement les alléger.

 

Il y a 65, 50, 45, 40 ans, etc …  nos couples jubilaires se trouvaient non sur un pont mais dans une église, face à l’autel du Seigneur. Leurs prénoms et leurs noms étaient gravés non point sur un cadenas mais côte à côte dans le cœur de Dieu. La clé de leur union n’était autre que la croix de Jésus, signe suprême de l’Amour, rappel perpétuel de l’invitation à s’aimer de l’amour même de Dieu … amour indéfectible … amour pour toujours. Une telle clé ne se jette pas dans un fleuve. Objet de contemplation, elle doit toujours demeurer sous nos yeuxelle est dans l’océan d’amour qu’est le cœur de Dieu. Elle ne saurait donc être reprise pour tenter de dénouer ce qui a été uni une fois pour toute.

 

Nos jubilaires de ce jour nous disent que l’amour vrai ne saurait être un cadenas qui consiste à enchaîner, verrouiller ou emprisonner le cœur d’un homme avec celui d’une femme. Certes, il y a dans l’histoire d’une vie de couple des épreuves, des souffrances, des « bombardements », des « collisions », des caps difficiles à traverser et des moments lourds à surmonter …  Chargés de nos efforts et de nos sacrifices, nos « je t’aime » au quotidien, loin d’appesantir l’amour, sont la voie royale pour le revigorer, le fortifier et le vivifier. Le Christ nous invite alors à nous appuyer et à nous décharger sur Lui. Unique médiateur entre Dieu et les hommes, il est comme notre Pont entre le ciel et la terre, pont qui ne saurait s’effondrer sous le poids de nos infidélités, de nos médiocrités et de nos péchés. La croix est là pour l’attester. Jésus n’est-il pas Le Vainqueur ? Ce n’est pas le poids de l’amour qui est une menace, mais le manque d’amour. Alors, stimulés par le témoignages de nos jubilaires, « aimons-nous les uns les autres comme Dieu nous a aimés ».

 

Père Gilles Morin,

Curé

Imaginer notre vie

 

« Imagine ta vie quand tu seras un adulte » : voilà un beau sujet de rédaction pour un enfant de CM1 en école publique qui n’hésite pas à écrire sur sa copie : « Certes, je ne suis qu’un enfant, mais les rêves d’enfance sont les plus grands rêves de la vie …Il y a beaucoup de choix. Tout le monde me voit scientifique, médecin, chef d’orchestre, des choses comme celles-ci. Mais je recevrai le 7ème sacrement : l’ordre ou le mariage… En tout cas je serai toujours à l’écoute du Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu ». Et cet enfant de conclure : «Quant à Maman et Papa, j’espère qu’ils quitteront cette terre pour le Royaume des Cieux le plus tard possible ».  Note : 9/10. Bravo et merci à son institutrice.

 

Ce sont les mots d’une belle âme d’enfant qui va à l’essentiel. Brûlante du désir de vivre dans la lumière du Seigneur, elle pouvait chanter dimanche dernier de tout son cœur : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut … J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ». « La vérité sort de la bouche des enfants », n’est-ce pas ? Ecoutons donc celle qui nous est ainsi livrée. Avons-nous autant d’ardeur et de ferveur dans notre cœur ? Sommes-nous aussi désireux de vivre dans la lumière du Seigneur ?

 

Par ailleurs, plusieurs parmi vous ont reçu un mail d’appel au secours émanant du Père Gilles Morin. Les moins soupçonneux y ont donné suite et je me dois de les rassurer. Non, je ne suis pas au Maroc avec Marina. Voilà qui serait bien mondain et immoral, ce que notre pape François ne cesse de dénoncer. Je n’y ai donc pas été abusé sexuellement et n’ai pris aucunement deux coups de couteau dans l’abdomen. Conclusion : je n’ai nullement besoin de 3100€ pour rentrer en France. Il s’agit, bien sûr, d’un piratage de ma boite mail. Le contenu de ce courrier électronique frauduleux est assorti pourtant d’une promesse. À qui me prêtera ces 3100€, je rendrai davantage au retour. Ne sommes-nous parfois en détresse du fait de nos égarements mondains et superficiels, de par notre conduite anormale et immorale ? Notre cœur s’en trouve abîmé, notre âme agressée et notre paix intérieure troublée. Nous sombrons dans l’esclavage de la nuit. Il faut alors se tourner vers Celui qui est Sauveur, lui lancer un S.O.S. pour lui demander non point 3100 € mais beaucoup plus : sa lumière, sa paix, son salut. Et il se précipite toujours pour nous donner infiniment plus que nous n’osons demander.

 

Marie et Joseph portent Jésus à Jérusalem. Syméon les y attend qui s’écrie : « Mes yeux ont vu ton Salut … lumière pour éclairer les nations païennes ». Au jour de notre baptême, nos parents nous ont menés à l’église. Un prêtre nous y attendait. S’adressant à nos parents, parrain et marraine, il a prononcé ces mots : « C’est à vous que cette lumière est confiée : veillez à l’entretenir pour que votre enfant, illuminé par le Christ, avance dans la vie en enfant de lumière et persévère dans la foi ». Et il a ajouté : « Ainsi, quand viendra le Seigneur, il pourra aller à sa rencontre dans le Royaume, avec tous les saints du ciel ».

 

Imaginons notre vie, non point quand nous serons adultes (la plupart d’entre nous le sommes déjà) mais par-delà la mort. « Habiter la maison du Seigneur … quitter cette terre pour le Royaume des cieux, voir Dieu éternellement face à face … » N’est-ce pas un bel objectif, une magnifique vocation ? Se dire que cela est possible parce que, au plus profond de nos détresses et de nos misères, le Christ, Lumière du monde, vient nous relever et nous sauver, n’est-ce pas une merveilleuse espérance ? La société peut bien nous malmener et nous pirater : avec le Christ, tout est restauré et nous sommes sauvés. Pas besoin, pour cela de 3100€ ; une telle perspective n’a pas de prix … ou plutôt, si : celui du sang du Christ.

 

Père Gilles Morin, curé