Jacuzzi ?

 

Les pratiques d’hygiène corporelle ont beaucoup évolué ces dernières décennies, et c’est tant mieux. Au début du XXème siècle, des directives étaient données aux religieux de notre Congrégation pour qu’ils se lavent les pieds au moins … une fois par trimestre. Oui, vous avez bien lu : une fois par trimestre.

 

Pour ma part, je garde en mémoire des scènes mémorables de mon enfance. Nous n’avions à la maison ni douche ni baignoire. Nous nous lavions donc à l’évier de la cuisine. Une fois par semaine, c’était le supplice. Maman me forçait à faire la grande toilette : tête sous le robinet pour un shampoing, bassine remplie d’eau pour y tremper les pieds etc …  J’ai survécu à cette « torture »…  et, sauf exception, je prends maintenant ma douche quotidienne pour mon plus grand bien et le bien de tous.

 

Il y a un peu plus de deux mois, avec les pèlerins de Terre Sainte, j’étais chaleureusement accueilli dans un hôtel de Nazareth. Le propriétaire me fit gravir un petit escalier à l’écart pour me conduire à la chambre qui m’était destinée. Quelle stupeur une fois la porte ouverte ! : Grand lit, grand écran TV, climatisation, frigidaire … C’était là un étalage de luxe bien inapproprié pour un prêtre, à fortiori pour un religieux de Saint Vincent-de-Paul qui a fait vœu de pauvreté. Sur le côté se trouvait une porte vitrée. Elle donnait accès à la salle d’eau. Par-delà l’évier, les W.C. et la douche, trônait au milieu de cette pièce une grande baignoire ronde, véritable petite piscine pourvue d’un ensemble de trous qui étaient en tous sens. Pour moi , c’était du jamais vu. Peu après, me trouvant au réfectoire avec les autres pèlerins, je fis part de ma gêne face au luxe de ma chambre. À peine évoquée la description de ma salle d’eau, un mot jailli de la bouche de ceux qui étaient à ma table : « Mais c’est un jacuzzi ». « Jacuzzi » ? Pour moi, ce mot me renvoyait aux voyous et criminels japonais vus dans certains films. « Non, me précisa-t-on ; eux, ce sont les Yakuzas. Votre grande baignoire, c’est un jacuzzi. N’hésitez pas à en profiter. Il y a des jets d’eau qui vous massent et font du bien etc … ».   Au terme de notre journée bien chargée, de retour dans ma chambre, j’avais grand besoin d’une bonne toilette. Jacuzzi ?… pas jacuzzi ? La tentation était grande, moins par recherche de plaisir que par curiosité. J’y succombais. Je fis donc couler l’eau… mais c’était long, vraiment long. Et puis, malgré mes tentatives de repérages et de manipulation des robinets, il ne venait que de l’eau froide. Résigné et pas assez mortifié, j’optai finalement pour une bonne douche bien chaude.  En l’occurrence, c’était tellement plus simple, plus rapide et plus agréable.

 

Mais il est un « bain » que j’ai préféré, ô combien, au jacuzzi et à la douche : c’est celui de ma main dans le Jourdain en souvenir de mon baptême. Tous les pèlerins l’ont effectué en une procession rythmée par le chant de la litanie des saints. C’était saisissant et spirituellement revigorant.  Le baptême, voilà le bain par excellence, voilà qui nous lave totalement et nous vivifie pleinement.

 

Dans une société si soucieuse de l’hygiène corporelle, on en oublie celle de l’âme. Pour ce qui est du corps, on pinaille sur des détails ; quant à l’âme, on la pollue sans retenue. Certes, nous avons été baptisés  et cette grâce a en chacun de nous un caractère indélébile. Elle a pourtant besoin d’être ravivée et revivifiée. Le quotidien, en effet, trop souvent nous salit. Allons-nous nous contenter d’un nettoyage annuel de nos âmes ? On aspire à s’immerger dans un bon jacuzzi ; ressentons-nous l’appel à l’immersion de la grâce au plus intime de notre âme ? Dieu veut toujours déverser sur nous et en nous ses flots d’amour, pour nous laver, nous vivifier, nous sanctifier. Face à cette eau limpide, resterons-nous dans notre crasse ? Un bon bain, ça fait tellement du bien … pour nous et pour les autres.

 

Père Gilles Morin

Curé

TROUVER ; CROIRE ; ADORER

 

Il vient tout juste de naître, et déjà il suscite la division. Si petit et si fragile soit-il, il n’en est pas moins l’Enfant-Dieu, l’Enfant-Roi. Les mages le cherchent pour l’adorer ; Hérode pour le tuer.

 

« Où est le roi des juifs qui vient de naître ? » interrogent ces savants venus d’Orient. Ce sont des chercheurs sincères que rien n’arrête. Leur but ? : Trouver ce roi, se prosterner devant lui, et offrir leurs présents. On imagine aisément le choc de ces mages, arrivés à Bethléem, face à Jésus, Marie et Joseph. Quelle pauvreté ! Stupéfiante royauté ! Pourtant, nulle hésitation de leur part : ils voient, et ils croient.

 

Oui, ils offrent l’or, car ils vénèrent en cet Enfant le roi du monde ; ils présentent l’encens car ce petit est le grand prêtre qui intercède pour nous auprès de Dieu ; ils déposent la myrrhe utilisée pour embaumer les morts, car un jour Celui qui se présente si fragile vaincra la mort.

 

Ces mages ont trouvé, ils ont adoré. Ils ont vu et ils ont cru. Ils repartent par un autre chemin, tant sur les routes de Palestine qu’au plus intime de leur cœur. Pour eux, désormais, rien ne sera jamais plus comme avant.

 

Pour Hérode, au contraire, l’Enfant est perçu comme un rival qui vient déranger et qu’il faut par conséquent éliminer. Craignant d’être renversé de son trône, il envoie ses sbires, non avec des présents mais armés de glaives, nullement pour adorer mais pour massacrer. Hérode ne se mettra jamais en chemin. Il ne verra donc pas  « la lumière des nations ». Il s’enlisera dans son orgueil et sa suffisance. Pour lui, tout continuera comme avant … dans l’obscurité.

 

La question de Dieu taraude encore l’intelligence et le cœur de bon nombre de nos contemporains. Face à l’Enfant-Roi, il faut choisir :

  • ou l’on va vers Lui pour se prosterner et l’adorer ;
  • ou l’on s’efforce de l’effacer de notre vie pour éviter tout bouleversement et revendiquer notre indépendance.

 

« Où est le roi des juifs ? » Cette question se pose-elle encore vraiment à nous aujourd’hui ? Nous en savons tellement plus que les mages. L’Enfant de la crèche, nous n’en doutons pas, est le même qui se trouve sur nos autels en chaque eucharistie. Il nous faut donc nous mettre en marche, aller vers lui, nous prosterner. Comme pour les mages, le choc d’une telle rencontre doit  être déterminant. Nous voyons, nous croyons, nous adorons. Rien ne doit donc plus être comme avant.

 

Père Gilles Morin

Curé