La première en chemin

 

Le titre de cet éditorial vous renvoie spontanément à ce chant à la Vierge que nous connaissons bien : « La première en chemin, Marie tu nous entraines … ».

C’est tellement vrai : Marie nous devance, nous stimule, nous entraine. En ce temps de l’Avent, elle est pour nous le modèle de l’attente impatiente. Son « Fiat » résonne sans cesse dans tout son être.  Joyeuse, elle s’élance ; confiante, elle s’avance ; ardente et souriante, elle s’apprête à donner au monde son Sauveur. Dans la nuit, elle vient porter LA Lumière.

 

De dimanche en dimanche, ils s’avancent, ils s’élancent, tout de blancs vêtus. Ils savent qui est Marie ; ils l’aiment et la prient. Elle est la Mère qui les entraîne. Elle est « l’humble servante du Seigneur ». Avec elle, ils sont au service de l’Eglise, du prêtre, des fidèles, … au service du Christ. Vous les voyez ; ils sont radieux, recueillis (presque toujours), habités par une joie profonde. À leur tour, ils nous entrainent. Notre pape François s’adressait à eux, il y a peu, en ces termes :

« Chers Amis,

N’oubliez pas : vous êtes le champ de la foi !

Vous êtes les athlètes du Christ !

Vous êtes les constructeurs d’une Église plus belle et d’un monde meilleur. »

Et il concluait ainsi :

« Levons les yeux vers Marie. Elle aide à suivre Jésus.

Elle nous donne l’exemple par son « oui ».  Allez, sans peur, pour servir. »

Appel entendu : heureux sont-ils !

 

La première en chemin, Joyeuse elle s’élance… et c’est impressionnant. Elle risque ; elle ose ; oui vraiment, c’est impressionnant. De blanc, elle ne porte qu’une canne qui atteste sa cécité. Plusieurs d’entre vous la remarque au quotidien, tâtonnant pour se guider, radieuse et toujours souriante pour prier et chanter. Elle est la toute première de notre paroisse à s’être inscrite pour recevoir chez elle l’icône de l’année de l’Appel. Incroyable : ses yeux ne voient pas ; comment va-t-elle pouvoir la contempler ? Elle est aveugle ; comment pourra-t-elle l’admirer ? « À quoi bon ! cela n’a aucun sens », pourrions-nous nous écrier ! Mais voilà ! il y a les yeux de son cœur. En ce 3ème dimanche de l’Avent, Isaïe, prophétise : « Alors s’ouvriront les yeux des aveugles ». Le psalmiste chante : « Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles ». Jésus lui-même fait dire à Jean : « Les aveugles voient ». Je ne peux m’empêcher de me redire que cette paroissienne si fidèle, dont les yeux sont frappés de cécité, voit tellement mieux que nous. Elle est déjà toute irradiée de la joie de la Nativité. Quelle belle leçon pour tous de la voir ainsi s’élancer !

 

Alors, permettez-moi à mon tour de conclure cet éditorial par cette invitation : « « Levons les yeux vers Marie. Elle aide à suivre Jésus. Elle nous donne l’exemple par son « oui ».  Allez, sans peur, pour servir ». Je veux parler ici, bien sûr, de notre douce maman du Ciel, la Vierge Immaculée, qu’il faut admirer, prier et aimer pour pouvoir écouter et s’élancer. Mais je veux aussi un peu parler de notre paroissienne frappée de cécité. Elle est facile à identifier : elle a une canne blanche … un regard lumineux … Elle est la première en chemin ; suivez-là. Ah ! j’allais oublier de vous le préciser : son prénom est « Marie ».

 

Père Gilles Morin

Curé

L’incontournable Wadi Qelt

 

Les pèlerins qui sont allés en Terre Sainte se souviennent de ce lieu impressionnant qu’est le Wadi Qelt. Il s’agit d’un profond canyon de calcaire entouré de falaises au-delà duquel s’ouvre le désert de Judée. Quelle merveille !… Pas un bruit ; des horizons désertiques à vous couper le souffle ; des paysages d’une grande majesté ; au fond du canyon, un monastère isolé.  Tout invite au silence ; tout murmure une présence. Après nous avoir donné quelques explications, notre guide nous a demandé de tendre l’oreille pour percevoir le doux bruit d’une eau coulant en contrebas dans un aqueduc antique, invisible à l’œil nu. De cette écoute attentive, nous sommes passés à l’écoute d’une voix plus douce encore qui n’est autre que celle de Dieu. Pendant une vingtaine de minutes, chacun s’est isolé ; en silence, chacun a prié. En ce lieu, quelle présence ! quelle éloquence !

 

En ce deuxième dimanche de l’Avent, la voix de Jean, le Baptiste, retentit dans le désert : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche ». L’appel est alors entendu puisque − nous dit-on− de partout on vient à ce fougueux prédicateur, on court vers le Précurseur. Sera-t-il perçu aujourd’hui encore ? Qui osera se retirer au désert ? Qui élèvera la voix ? Qui aura la joie et l’audace de proclamer : « Convertissez-vous car le Royaume des cieux est tout proche » ?. Qui invitera les hommes de notre temps à venir à l’écart au Wadi Qelt, c’est-à dire à quitter le brouhaha et les turbulences quotidiennes pour chercher le silence et percevoir le doux murmure de la voix intérieure de Dieu ? C’est que le silence est justement « le berceau de la Parole. Tout le reste n’est que bruit de fond ». Et que nous dit la Parole ? : « Je t’aime d’un amour éternel ; Je viens ; n’aies pas peur ; ne désespère pas ; je suis là ; je suis ton Sauveur ». Une telle Parole doit résonner dans les cœurs ; c’est un impératif. Et pour la percevoir, le Wadi Qelt spirituel est un  incontournable.

 

Notre archevêque, le Cardinal André Vint-Trois, vient d’ouvrir pour nous une « Année de l’appel ».

« Soyez à l’écoute des appels du Seigneur dans votre vie », nous lance-t-il. Nous avons besoin du silence du désert pour nous mettre véritablement à l’écoute. Oui, plus de silence dans notre vie. Je le redis : plus de silence pour savourer le murmure de l’Enfant-Dieu qui vient dans la nuit de Noël.

« Soyez attentifs aux besoins de ceux qui vous entourent », ajoute le Cardinal. Or bien souvent, ceux qui nous entourent aspirent plus ou moins confusément à sortir du stress et à s’échapper du bruit. Qui leur proclamera l’appel à la conversion ? Qui les attirera vers un Wadi Qelt ? Qui les mènera au désert pour qu’ils écoutent cette voix de Dieu en eux qui dit à toute âme : « Je t’aime d’un amour éternel. Je viens ; n’aies pas peur . Ne désespère pas ; Je suis là ; Je suis ton Sauveur ».

Qui … sinon nous ?

 

Père Gilles Morin

Curé