Jérusalem de mon cœur

 

« Des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ». Ces jours sont venus, et du temple ne demeure effectivement que les restes d’un mur devant lequel viennent prier les juifs. Nous, pèlerins de retour de Terre Sainte, nous vous l’attestons.

 

Sur le flanc du mont des oliviers, face à l’esplanade du temple, on peut se recueillir sur le lieu du « Dominus Flevit ». C’est là que, selon la tradition, Jésus a pleuré et s’est écrié : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes …, et vous n’avez pas voulu ! » (Mat 23, 37). Jésus sait que Jérusalem est sur le point de Le crucifier, Lui qui est venu « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 51). Il sait également que ses disciples seront pourchassés et persécutés : « Vous serez livrés – prophétise-t-il- même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous à cause de mon Nom ». Oui, Jésus sait, et il voit. Il voit déjà  la destruction de la Cité Sainte qui sera rasée par Titus en l’an 70 ; il voit déjà l’ère des persécutions et notre monde fécondé par le sang des martyrs.

 

On ne va pas en Terre Sainte sans s’émerveiller ; on n’y va pas non plus sans pleurer et s’écrier : « Jérusalem, Jérusalem, si seulement tu avais voulu, … si seulement tu avais accueilli le Christ ! … Toi la ville sainte, lieu de tant de tensions et de divisions, sur toi nous appelons la paix, pour toi nous désirons l’unité ».

 

On ne va pas non plus en Terre Sainte sans penser à une autre terre, sainte elle aussi, à savoir  celle de notre cœur sanctifiée par la grâce du baptême. Il est un autre temple qui n’est autre que nous-mêmes : « Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? », écrira l’apôtre Paul (1cor 3, 16). Qu’en est-il de notre temple, qu’en est-il de notre cœur ? Le Christ y est-il accueilli comme le Sauveur qui rassemble et unifie, ou préfère-t-on le tenir à distance par tiédeur ou lâcheté,  … pour que personne ne porte la main sur nous. Notre cœur est-il une Jérusalem, « grande et belle ville, solidement construite », ou n’en reste-t-il qu’un vaste champ de ruines ? Entrons en nous-mêmes et écrions-nous : « Jérusalem de mon cœur, accueille ton Sauveur. Va te jeter dans les bras de ton Dieu, … sinon de toi, il ne restera pas pierre sur pierre ».

 

Père Gilles Morin

Curé

ICI

 

Je vous l’assure solennellement : Notre Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants.

Avec les pèlerins qui reviennent de Terre Sainte, nous avons mis nos pas dans les pas de Jésus de Nazareth. En chacune de nos eucharisties résonnait ce mot : « ICI ».

À Nazareth, il nous était rappelé qu’ICI, la Vierge Marie avait reçu la visite de l’ange Gabriel, et qu’ICI avait résonné son humble « fiat ».

À Bethléem, nous courbant pour accéder à la grotte de la Nativité et  nous agenouillant pour baiser l’étoile indiquant le lieu de l’enfantement, nous étions émus de savoir qu’ICI le Verbe s’était fait chair.

Sur le bord du Jourdain, tout en renouvelant les promesses de notre baptême, dans ces eaux sanctifiées par l’immersion du Christ, nous étions saisis par le fait qu’ICI, le Serviteur avait baptisé son Maître, Jean son Sauveur.

Dans notre traversée en bateau du lac de Tibériade, nous pouvions réaliser qu’ICI, Jésus avait marché sur les eaux et qu’il avait calmé les flots déchaînés.

Sur le Mont Thabor, nous pouvions encore dire qu’ICI, le Christ était apparu dans sa gloire, son visage resplendissant comme le soleil, ses vêtements devenant blancs comme la lumière.

À Jérusalem surtout, accomplissant notre chemin de croix à la suite du Christ, nous étions touchés au plus intime de nous-mêmes en pensant qu’ICI Jésus était tombé, mais que toujours il s’était relevé ; qu’ICI il avait été raillé, humilié, condamné, exécuté, mais qu’il avait tout pardonné.

Entrant dans la basilique du Saint-Sépulcre et gravissant les marches nous conduisant au Golgotha, nous agenouillant là encore pour baiser l’étoile du lieu de la crucifixion et toucher le rocher où la croix avait été plantée, nous ne pouvions que pleurer en nous disant qu’ICI, Jésus était mort pour nous et pour tous.

Que dire alors du tombeau ? Je vous l’assure : il est vide. Le Christ n’y est plus. Au matin de Pâques, il n’y avait que quelques femmes à se rendre en ce lieu. La pierre avait été roulée. Le corps du Seigneur et Maître avait bel et bien disparu. Et ce fut d’ICI que la Bonne Nouvelle se répandit comme un feu : Le Christ est ressuscité, alléluia : il est vraiment ressuscité, alléluia ! C’est que Jésus est le Vivant à jamais. Notre Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants.

Que dire encore du tombeau ? Si, au matin de Pâques, seules quelques femmes s’y sont rendues, aujourd’hui ce sont des foules innombrables qui se pressent pour pouvoir y accéder. Il est donc particulièrement difficile de parvenir à entrer dans l’édicule qui recouvre ce tombeau pour réussir à voir ce lieu qui nous ramène au cœur de notre foi. Et pourtant … Dimanche dernier, à 4h30 du matin, nous étions une dizaine de paroissiens de Notre-Dame de Nazareth à pénétrer dans ce tombeau, nous glissant parmi un tout petit groupe de pèlerins venus y participer à la messe. Vous rendez-vous compte ? Avoir la célébration eucharistique en ce lieu exigu, au lieu même du tombeau, pour vivre ce grand mystère : celui de l’actualisation de la mort et de la Résurrection du Christ … quelle merveille ! Nous étions là à nous redire : Oui, c’est ICI que le Christ est sorti du tombeau. Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants.

 

Père Gilles Morin

Curé