Vivre ou mourir … éternellement

 

On imagine : Ce général syrien Naaman, rongé par la lèpre, se plonger sept fois dans le Jourdain et sortir de l’eau totalement purifié, sa chair « semblable à celle d’un petit enfant ». Il exultait et ses serviteurs avec lui : « Je le sais désormais : il n’y a pas d’autre Dieu, sur toute la terre, que celui d’Israël ». Ô Naaman ! si tu ne t’étais pas baigné, tu serais bel et bien défiguré et ton corps putréfié. Pour n’avoir pas accueilli l’ordre du prophète Elisée, tu serais, par ta faute, dans les affres de la mort.

 

On imagine encore ces dix lépreux qui viennent trouver Jésus pour le supplier : « Maître, prends pitié de nous ». Ce sont des parias de la société ; eux aussi sont ravagés par cette terrible maladie. Et le miracle s’accomplit : ces dix défigurés se trouvent purifiés. Seul l’un d’entre eux revient vers son sauveur ; seul ce Samaritain se souvient de Jésus-Christ, exultant et rendant grâce à pleine voix. « Et les neuf autres, où sont-ils ? » interroge Jésus. Tous ne devraient-ils pas bondir de joie et proclamer les merveilles de Dieu ? Ô vous les lépreux, si vous n’aviez  pas croisé Jésus, si ce rabbi  ne vous avait pas chéri et guéri, vous seriez restés les marginalisés, les accablés de plus en plus défigurés, … jusqu’au point d’être putréfiés.  Toi, le Samaritain, pour t’en être souvenu et pour avoir remercié, tu es le seul parmi les dix à t’être entendu dire : « Ta foi t’a sauvé ».

 

En ce jour où nous nous unissons à la démarche de notre Saint-Père, le pape François, qui tient à consacrer notre monde au Cœur Immaculé de Marie, on imagine ces pauvres enfants Lucia, Francisco et Jacinta qui, en 1917 à Fatima, eurent une vision effrayante de l’enfer. La description imagée a de quoi faire trembler. Elle est comme à nous dire : « Ô toi, qui que tu sois, si tu ne viens pas à  la source de la lumière, de l’amour, de la joie, de la paix, de la vérité et de la vie, que vas-tu devenir ? Vois ; souviens-toi ».

 

J’aimerais tant que l’enfer n’existe pas … ou qu’il soit vide … comme certains le disent. Mais en cette année de la foi, il faut relire ce que nous enseigne le catéchisme de l’Eglise Catholique (n° 1033 à 1037). Dieu nous a créés libres, à son image et à sa ressemblance : c’est là notre grandeur et notre dignité. Dieu ne saurait nous forcer à entrer au ciel. Jusqu’au bout, il nous tend la main en nous suppliant de la saisir ; il nous ouvre son cœur en nous invitant à nous y blottir.

 

« Souviens-toi de Jésus-Christ » s’écrie l’apôtre Paul. Nous ne pouvons pas l’oublier ; nous ne le devons pas. Si le Père a envoyé son Fils unique, si le Christ Sauveur a été jusqu’à souffrir et mourir sur la croix, c’est bien parce qu’il y a pour l’homme un réel péril de se damner, de refuser la Vie de Dieu et de se fermer éternellement à celui qui est Tout Amour. Nous le savons par expérience : la lèpre du péché ronge trop souvent nos cœurs. Si nous ne faisons rien, le mal fera inéluctablement son œuvre.

C’est pourquoi nous aimons nous consacrer à Marie, notre miséricordieuse et tendre Mère, pour qu’elle nous protège de tout mal … pour qu’elle prie « pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort« .

C’est pourquoi notre Saint Père, sachant notre monde sur la pente de l’indifférence et de l’oubli de Dieu, marqué par tant d’égoïsmes, de drames et de conflits, ressent le besoin impérieux de consacrer le monde au Cœur Immaculé de celle qui nous aime tant et dont nous ne saurions nous passer.

 

Père Gilles Morin

Curé

Sème la graine de la foi

 

Tout récemment, j’avais encore en face de moi un jeune d’une vingtaine d’année quasi déprimé, me tenant un discours de désespérance sur le monde dans lequel nous sommes immergés. Lequel d’entre nous, à un moment ou à un autre, ne s’est pas mis à crier avec le prophète Habacuc : « Combien de temps, Seigneur, vais-je t’appeler au secours et tu n’entends pas, crier contre la violence et tu ne délivres pas ! Pourquoi m’obliges-tu à voir l’abomination et restes-tu là à regarder notre misère ? » Et le prophète poursuit : « Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent ». N’est-ce pas là notre lot quasi quotidien ? Violence, abomination, pillage etc … et rien ne semble s’arranger ; et il y a de quoi désespérer. Quelle est donc la réponse qu’apporte le Seigneur ? Elle tient en une annonce qui est promesse : « Voici qu’il succombe, celui dont l’âme n’est pas droite, mais le juste vivra par sa fidélité ». Alors, surtout, nous dit-il avec le psalmiste, « aujourd’hui ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ». Pour seule réponse, nous sommes invités à cheminer dans la foi.

 

Après avoir crié avec le prophète, après avoir ouvert notre cœur, nous sentons bien notre faiblesse et nous supplions le Christ Sauveur : « Seigneur, augmente en nous la foi ». Aide-nous à ne pas désespérer, à voir plus loin et plus haut que les apparences, à avancer dans la lumière. « La foi, nous dit Jésus, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : « Déracine-toi et va te planter dans la mer » ; il vous obéirait ». Remarquons que le Christ ne parle pas d’une foi gigantesque mais d’une simple foi grosse comme une petite graine. Cela suffit pour apporter une réponse à nos angoisses et à celles de notre monde. Oui, cela suffit pour faire bouger et transformer notre humanité trop souvent à la dérive. C’est un peu comme une petite lumière qui suffit à dissiper l’obscurité et à redonner espérance. Tel est bien ce que le pape soulignait dans la dernière encyclique « Lumen fidei » « La lumière de la foi », qui est un texte magnifique plein d’espérance. La foi, enseigne ce document d’Eglise, nous centre sur le Christ qui est la Lumière du monde, notre lumière.  « La lumière de Jésus brille, comme dans un miroir, sur le visage des chrétiens, et ainsi elle se répand et arrive jusqu’à nous, pour que nous puissions, nous aussi, participer à cette vision et réfléchir sur les autres cette lumière, comme dans la liturgie de Pâques la lumière du cierge allume beaucoup d’autres cierges. La foi se transmet, pour ainsi dire, par contact, de personne à personne, comme une flamme s’allume à une autre flamme. Les chrétiens, dans leur pauvreté, sèment une graine si féconde qu’elle devient un grand arbre et est capable de remplir le monde de fruits ».

 

Nous nous lamentons sur ces temps où nous vivons, marqués par la violence, l’abomination, le pillage, etc … Nous crions vers Dieu. Mais que nous répond-il ? : « Ne ferme pas ton cœur pour que je puisse y refléter ma lumière, ma miséricorde, mon amour… À ton tour, reflète cette lumière sur le visage de tes frères. Alors, tu verras, notre monde sera tellement plus beau. Mais tu sais, tout part de moi … puis de toi ».

 

Père Gilles Morin

Curé