La charité : quel feu divin !

 

Incroyable ! Elle supporte tout, fait confiance en tout, espère tout, endure tout. De plus, elle ne passera jamais. Qui donc peut-elle bien être ? Vous l’avez devinez : c’est la Charité. Pardonnez-moi, mais je préfère ce mot à celui d’amour, tant galvaudé de nos jours. « Caritas »« La Charité » : tel est le mot utilisé dans la traduction latine de la Bible … « Deus caritas est »


« La charité ! quel mot et quelle chose, écrivait le Père Jean-Léon Le Prevost, fondateur de notre Congrégation des Religieux de Saint Vincent-de-Paul. Que le bon Maître a fait un beau présent au monde quand il est venu apporter ce feu divin ; puissions-nous, selon ses desseins, l’allumer partout en son nom autour de nous ! ». La Charité est donc un feu ? Oui, bien sûr ! et c’est pourquoi − poursuit notre fondateur − « elle ne faillit pas et ne reste pas en chemin. Une fois allumée, il faut qu’elle s’étende, brille et porte au loin sa chaleur… La charité, comme la flamme, consume et purifie ; elle nous pénètre et nous vivifie ; par elle nous sommes transfigurés. C’est la charité qui nous pousse et nous presse. Nous sommes mus par elle ; par elle, si ardente, si puissante ; par elle, force, volonté, amour, amour infini, amour de Dieu ! »


Il faut en effet éprouver en son cœur comme un feu dévorant pour mettre ses pas dans les pas du Christ. Il faut vraiment se sentir poussé, pressé et embrasé, pour aller jusqu’à adopter son mode de vie : chaste, pauvre et obéissant.


Il faut vraiment que la Charité soit un feu pour qu’un homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme … non pas pour un jour mais pour toujours. Ce feu qui a son origine en Dieu, est appelé à ne jamais s’éteindre, à briller, à éclairer et à réchauffer notre monde.


En ce dimanche, ouvrez grands vos yeux. Qu’allez-vous voir ? Des religieux et religieuses qui vont renouveler devant vous leurs vœux. Ils savent ce qu’ils doivent à la Charité. C’est donc pour elles et pour eux une telle joie de se redonner sans compter.


En ce dimanche, vous verrez encore des hommes et des femmes, jubilaires de mariage, offrant à tous le beau témoignage d’un amour qui ne s’arrête pas en chemin. Ils savent eux aussi ce qu’ils doivent à la Charité. C’est elle qui les a poussés, pressés, vivifiés au point qu’en ce jour, ils sont comme transfigurés.


Samedi prochain, nous serons nombreux à nous rendre à la cathédrale Notre-Dame de Paris. En ce lieu chargé d’histoire, nous nous rappellerons notre propre histoire. Un jour, il y a plus ou moins longtemps, le feu de l’amour trinitaire de Dieu a été répandu dans nos cœurs ; c’était le jour de notre baptême. Nous serons donc tout à la joie de renouveler nos engagements, nos promesses baptismales. Nous nous redonnerons sans compter ; brulants de charité, nous serons comme transfigurés.


Père Gilles Morin
Curé

Caïn ou Raoul ?

 

« Tout le monde, nous dit l’apôtre Paul, n’a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter ». Certes, mais tout baptisé confirmé a mission d’annoncer l’Évangile par toute sa vie. Dans son Décret sur l’apostolat des laïcs, le Concile Vatican II enseigne que « l’apostolat des laïcs ne peut jamais manquer à l’Église, car il est une conséquence de leur vocation chrétienne … Notre temps, poursuit le texte, n’exige pas un moindre zèle de la part des laïcs ; les circonstances actuelles réclament d’eux au contraire un apostolat toujours plus intense et plus étendu ».


En cette 60ème journée mondiale des lépreux, comment ne pas évoquer cette grande figure du laïcat que fut Raoul Follereau ? Sa parole était de feu ; son action fut gigantesque. « Le christianisme est universel, criait-il, son message est pour tous les peuples, sa civilisation est semblable au visage de Jésus … Le christianisme, c’est la révolution par la charité ». Bien sûr, nous en sommes tous convaincus ; mais encore nous faut-il en témoigner par des actes et en vérité. « Quand tu apprends, écrit encore celui qu’on a appelé « le vagabond de la charité », que si tous les affamés, les malheureux, les abandonnés pouvaient défiler tout autour du monde, leur cortège ferait vingt fois le tour de la terre, et que tu n’en es pas épouvanté, Caïn, c’est toi ». Raoul Follereau ne veut pas être Caïn ; il parle, il agit, il en appelle à la conscience des puissants de ce monde, particulièrement en faveur des lépreux. Nul ne parvient à le faire taire ; Au nom de la charité, il se dépense sans compter.


En pleine période des débuts de la guerre froide (1948), ce « simple laïc » a toutes les audaces. et publie un manifeste intitulé « Bombe atomique ou Charité » traduit en 15 langues et distribué à des centaines de milliers d’exemplaires.


« Bombe atomique ou Charité ? interroge-t-il. Chaîne de mort ou chaine d’amour ? Il faut choisir. Et tout de suite. Et pour toujours … La Charité, ce n’est pas de l’argent. C’est un acte d’amour, c’est un don de soi qui vous élève et paie votre effort ou votre renoncement en allégresse. La Charité, lumière de notre vie. La Charité, source de toute joie. La Charité, ordre de Dieu, reflet de son éternité … Tant qu’il y aura sur la terre un innocent qui aura faim, qui aura froid ou qui sera persécuté ; tant qu’il y aura sur la terre une famine évitable ou une prison arbitraire, le grand Message d’Amour du Christ ne sera pas accompli, le Christianisme ne pourra ralentir sa marche, et ni vous ni moi, nous n’aurons le droit de nous taire ni de nous reposer. Bombe atomique ou Charité ? La lutte est engagée. Mais notre victoire est certaine : La Charité sauvera le monde ».


À ma connaissance et selon la terminologie de Saint Paul, Raoul Follereau n’avait ni le don des miracles ni celui de guérison. Il avait, par contre, un cœur de baptisé qui débordait de charité … et en lui la Charité a fait des miracles … et par lui la Charité a opéré bien des guérisons. Si le fléau de la lèpre recule de nos jours, de nouvelles formes de lèpres ne cessent de surgir. Interrogeons-nous : Aujourd’hui encore, si tous les affamés, les malheureux, les abandonnés pouvaient défiler, leur cortège ferait-il moins de vingt fois le tour de la terre ? Alors, serons-nous Caïn ou vivrons-nous avec ardeur notre mission de laïcs chrétiens, ardents à évangéliser le monde par la Charité ?


Père Gilles Morin
Curé