Non, je ne me tairai pas

 

Tout va mal ; Le peuple d’Israël est en exil à Babylone, et pourtant le prophète Jérémie, depuis Jérusalem, lance cet appel : « Poussez des cris de joie … Faites résonner vos louanges… ». Il prend le soin d’encadrer son message par des formules solennelles : « Ainsi parle le Seigneur » … »Parole du Seigneur ». C’est dire l’importance de son message. Le peuple vaincu, humilié et trébuchant a été emmené enchaîné ; libre et fortifié il reviendra.

 

La Parole du Seigneur est une promesse … et Dieu tient toujours ses promesses. C’est pourquoi la libération devient un fait de l’histoire et le psalmiste, exultant, peut chanter : « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous puissions des cris de joie ». Oui, le rêve est devenu réalité.

 

Des siècles plus tard, l’aveugle Bartimée, du fond de sa mendicité et de son obscurité, pousse lui aussi un cri. Il supplie Jésus : « Fils de David, aie pitié de moi ». Aux portes de Jérusalem, le Christ est donc reconnu par cet aveugle comme Messie. Peu après, c’est toute une foule qui, rameaux en mains, l’acclamera au son des « Hosanna au fils de David !  Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! ». Là encore, l’espérance est comblée, le rêve devient réalité ; le peuple esclave du péché est invité à accueillir son Libérateur et Sauveur.

 

Bartimée crie.. On le rabroue ; on veut lui imposer le silence : « Tais-toi » lui répète-t-on; mais lui de crier encore et de plus belle … comme pour dire : « Non, je ne me tairai pas ; je crierai  vers le Nazaréen. Il est le Fils de David, le messie. Lui seul peut me rendre la vue et me faire sortir de la mendicité ». Et voilà le prodige de la tendresse du Sauveur qui apparaît en pleine lumière. Cette voix qui s’élève du milieu de la foule, Jésus la perçoit. Bien plus, il n’entend qu’elle ; il est venu pour elle. Il s’arrête donc, comme il s’arrête toujours dans nos vies chaque fois que nous crions vers Lui. L’aveugle, celui qui était comme dans l’esclavage et l’exil de la nuit, s’entend dire : « Courage, lève-toi, il t’appelle » … ou autrement dit « Oui, exulte ! Pousse des cris de joie ». Et Bartimée bondit, jette son manteau et saute sur ses pieds. Le miracle s’accomplit.

Quelle foi que celle de cet aveugle qui crie à la seule nouvelle du passage du Nazaréen!

Quelle foi admirable que celle de ce Bartimée qui, laissant son manteau, bondit dès l’appel de Jésus !

Quelle foi encore que celle de ce miraculé qui, dès lors, devient disciple et met ses pas dans les pas de son Sauveur !

 

Quant à nous, nous sommes tout à la fois dans la clarté et frappé par la cécité ; nous voyons et nous ne voyons pas. Nous sommes, certes, conscients de n’être pas saints comme notre Père céleste est saint. Mais nous savons aussi qu’il y a bien des obscurités dans notre cœur et nombre d’aveuglements sur nous-mêmes, sur notre monde et sur nos frères. Jésus est là, sur notre route, comme à portée de main, réellement présent dans le Saint Sacrement. Crions-nous comme Bartimée ? Avons-nous l’audace de sa foi ? Jésus nous appelle ; allons-nous nous lever et exulter, bondir et accourir ?

 

Qu’en est-il de notre monde ? N’est-il pas lui aussi en déportation, loin de son Seigneur, errant d’impasse en impasse, enchaîné par l’égoïsme et les plaisirs, humilié à cause de ses péchés ? Dans ce monde en folie, nous nous sentons parfois comme le petit reste d’Israël. Qui, dans un tel contexte, oserait élever la voix pour supplier : « Seigneur, sauve ton peuple » ? Qui donc aurait l’audace d’espérer en la puissance et la paternité de Dieu qui désire nous ramener vers lui, nous conduire aux eaux courantes par un bon chemin où nous ne trébucherons pas ? Qui, sinon nous ? Nous crierons, nous espérerons… toujours… parce que nous croyons. Non, nous ne nous tairons pas.  Telle une foule de Bartimées, nous nous unirons en un seul chœur pour lancer à notre Sauveur : « Jésus, Fils de David, aie pitié de nous ». Et ce cri nous ouvrira au Salut.

 

Père Gilles Morin,

Curé

Une demande déplacée qui a de quoi choquer

 

« Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens, ils le bafoueront, cracheront sur lui, le flagelleront et le tueront, et après trois jours il ressuscitera ». Telle est l’annonce que Jésus vient de faire à ses apôtres dans les versets de l’Evangile de Marc qui précèdent ceux que nous offre la liturgie de ce dimanche. Reconnaissons que dans ce contexte, la demande des fils de Zébédée paraît quelque peu déplacée. Jacques et Jean devraient être décontenancés, affectés, ébranlés. Leur Seigneur et Maître parle de sa Passion ; les voilà au contraire qui revendiquent pour eux-mêmes l’exaltation. Jésus va s’abaisser et être humilié ; eux veulent trôner : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ». Ô vous, Jacques et Jean, vous les fils du tonnerre, pourquoi ambitionner de grandir quand Jésus s’en va pour mourir ? Vous cherchez la gloire, vous trouverez la croix. Regardez votre Maître, le grand prêtre par excellence. Un prêtre, c’est fait pour tout donner, s’immoler, se sacrifier. Vous voulez le suivre, il vous faudra servir, être comme Lui « broyés par la souffrance », faire de votre vie « un sacrifice d’expiation ».

 

Si la demande des fils de Zébédée a de quoi choquer, reconnaissons qu’elle a le mérite d’une certaine élévation. La perspective est bien celle du Ciel, l’ambition porte sur la gloire éternelle. Nous vivons des moments difficiles où nombreux sont ceux qui aujourd’hui, à l’image de Jésus, sont livrés et injustement condamnés, bafoués et flagellés, lynchés et tués … physiquement, socialement ou médiatiquement. Dans ce contexte, trop nombreux sont pourtant les ambitieux visant les premières places et en recherche de gloires bassement humaines. Ne nous arrive-t-il pas, nous aussi parfois, de nous tourner vers le Seigneur en ces temps où il est comme recrucifié dans les pauvres, les marginalisés, les humiliés et les persécutés, pour lui dire : « Maître, je voudrai que tu exauces ma demande ». Mais quelle demande ? Il y en a tant qui sont comme déplacées et peuvent, par contraste, choquer. Prenons de l’altitude : demandons rien moins que le Ciel, tout en sachant qu’il nous faudra inéluctablement passer par la voie de l’abaissement et accueillir amoureusement la Croix.

 

Nous fêterons demain le bienheureux Jean-Paul II, le grand. … grand parce que serviteur des serviteurs de Dieu, intimement uni au Christ en sa Passion, ayant bu la coupe de la souffrance et de l’offrande  jusqu’à la lie. Nous lui devons tant. N’hésitons pas à le prier :

« Bienheureux Jean-Paul II, nous voudrions que tu intercèdes auprès de Dieu pour qu’il exauce notre demande ».

Et ce pape de nous répondre : »Que voudriez-vous que je fasse pour vous ?

« Bienheureux Jean-Paul II, fais de nous des serviteurs humbles et donnés … Fais que nous tenions fermes dans l’affirmation de notre foi et que nous avancions avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce.

Pour que cette année de la foi porte en nous tous ses fruits, aide-nous à la vivre en présence du Crucifié, Lui que tu as tant aimé et fait aimé, annoncé et proclamé, Lui qui est notre Lumière, notre Vérité et notre Vie ».


Père Gilles Morin,

Curé