Stat Crux, dum obitur volvit orbis

Chaque année, il y a un jour consacré à regarder la Croix sur laquelle Jésus, le Créateur du monde est crucifié… En ce vendredi saint, à Paris, nous sommes encore sous le choc de l’incendie dévastateur de notre cathédrale, lieu emblématique des célébrations liturgiques, festives ou funèbres. Aujourd’hui, nous regardons un bâtiment dévasté par le feu, nous voyons des amas de pierres et de bois calcinés ; nous voyons la désolation…

Ce qui est frappant dans Notre Dame dévastée, ce qui est déconcertant dans cet édifice éventré en plusieurs de ses voûtes, ce qui est lumineux dans cet édifice jonché des chutes de pierres, de bois et de métal, c’est la Croix Lumineuse qui est plantée dans le chœur au dessus de la piéta… elle est là comme plantée sur le monde lui même dévasté par le désordre dû aux péchés, elle est là comme plantée sur le monde misérable à cause de son impiété qui rejette Dieu au rang des malfaiteurs comme au temps de Pilate…

Lorsque le Cardinal Lustiger fit installer cette Croix dorée, il ne se doutait pas qu’un jour, elle illuminerait cette désolation de la cathédrale. Cependant, il savait que c’est de la croix que jaillit la vie, que c’est de la croix que jaillit la victoire de Dieu sur le démon, que c’est de la croix que surgit le salut du genre humain. Cette croix illumine les décombres de la cathédrale, comme elle illumine depuis le calvaire de Jérusalem le monde entier de l’Amour infini du Père éternel !

L’autre élément qui me frappe est cette image de la Mère, la Vierge du Pilier qui, portant son enfant dans ses bras, regarde, debout, le sol jonché de tous les gravas des voûtes et de la toiture. C’est comme au temps du Calvaire où la jeune femme vierge, étant debout et contemplait la désolation de l’œuvre que Dieu avait lentement tissée en son sein de mère… C’est comme au temps du Calvaire où la jeune femme vierge, étant debout au pied de la croix, elle reçoit le glaive de la désolation due à la dévastation de l’humanité de son fils… C’est comme au temps du Calvaire où la jeune femme devenue Mère de l’Humanité, découvre avec effroi ce que cette humanité à fait de la chair de sa chair…

Marie, la Mère de l’Humanité est toujours là, Femme debout au pied de la Croix de son divin Fils et contemple la désolation d’un monde où Dieu n’est plus, où Dieu est mis hors d’état d’agir… La Vierge du Pilier de Notre Dame de Paris, voit la dévastation de l’édifice, mais plus encore voit la dévastation de notre société qui rejette encore son divin Fils…

Dans Notre Dame dévastée, qui s’inquiète du Crucifié caché dans la blanche hostie ?… qui s’intéresse à la présence de Dieu en notre univers ?… qui s’inquiète du rejet de Dieu de nos rues, de nos écoles, de nos familles, en un mot  des vies de nos contemporains ?

En ce vendredi Saint, revenons au Seigneur notre Dieu et à genoux prosternons-nous devant la Croix, embrassons Jésus sur cette croix, implorons le pardon de Dieu pour nos fautes, en particulier notre manque de foi surnaturelle, prenons Marie pour Mère de nos vies, égrenons le chapelet tout au long de nos déplacements en la cité afin que Dieu soit présent en tous lieux.

Le monde s’agite, mais Jésus crucifié demeure présent car il est l’unique sauveur de toute personne humaine !

Saint Vendredi de la Passion,

Père Gilles Pelletier, sv

« Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimé »

Cette expression « Mandatum novum do vobis » de Jésus au cours de son dernier repas, laissée à tous ses disciples dont nous sommes depuis notre baptême, nous introduit dans un « monde nouveau » : celui de Dieu !

Ce monde nouveau a permis d’édifier des locaux audacieux du point de vue architectonique, non pour défier les lois de la nature et se glorifier de la réalisation, mais pour rendre gloire à Celui qui est, qui était et qui vient ! Des locaux de pierre, de bois, de verre, de métal, pauvres laissés à l’état brut, mais devenus de telles splendeurs que des siècles plus tard il est toujours possible de contempler.

Ces mises en œuvres de matériaux bruts, n’avaient qu’un moteur, qu’un but, qu’une raison : la Présence réelle de Dieu d’où jaillit la lumière, la force, la puissance de vie du monde nouveau dans lequel Jésus introduit les disciples en « rompant le pain et partageant la coupe de vin »….

En ce Jeudi Saint 2019, alors que Notre Dame de Paris est éventrée à la croisée de transepts, laissant l’autel du Seigneur entrer en relation avec le cosmos, laissant l’autel du Seigneur en proie avec les éléments naturels, nous allons vivre dans notre cénacle de Nazareth la rénovation du plus grand des mystères. Toute église, et particulièrement la cathédrale du diocèse, est bâtie pour abriter ce mystère de la foi, le « morceau de pain consacré », le « pain transsubstancié » d’où jaillit la Vie du Royaume de Dieu, le Royaume de l’Amour infini ! Nos regards assombris par la dévastation de notre cathédrale, ne doivent pas se laisser emporter par l’oubli de la raison d’exister de cet édifice dont nous avons célébré avec faste les 850 ans de la pose de la première pierre. Car ce lieu, n’est pas un musée appelé à conserver des vestiges d’un passé révolu. Ce lieu de pierres, de bois, de verre, de métal, est habité par Celui qui donne vie, par Celui qui est la Vie, par Celui qui est le « Pain de Vie éternelle » ! Ces pierres judicieusement assemblées durant plus d’un siècle, ont rendu visible le mystère de ce qu’est l’Église constituée des pierres vivantes des hommes et des femmes tout au long des siècles. Nos assemblées liturgiques sont les cénacles où Celui qui est la Vie se rend présent sous l’apparence modeste d’un morceau de pain et de quelques goutes de vin… par l’intermédiaire encore plus inconcevable d’un pauvre homme ! Oui, Dieu est fou ! Fou de nous laisser son commandement nouveau pour agir en son nom et le rendre présent réellement au monde contemporain !

Le père Jean-Marc Fournier, aumônier des pompiers de Paris, au prix de sa vie humaine, est entré dans Notre Dame, fonçant à la chapelle du Saint Sacrement et de la Courronne d’épines, prenant avec lui Jésus et son diadème royal et mettant en sécurité le plus grand des trésors : Jésus Eucharistie, personne centrale et maîtresse de ce splendide édifice ! Mais, n’est-ce pas le plus grand sauvetage qui s’est réalisé lundi soir dans le silence absolu ? L’humilité de Dieu est toujours là, comme à la crèche, personne ne savait que Dieu était né dans ce village paumé de Judée… sauf les gens humbles, les gens de grande foi en Dieu… Le temple de chair du baptisé devenu prêtre éternel a sauvé Celui auquel tout être humain doit l’existence et le salut, la Vie Éternelle !

En ce soir du Jeudi Saint 2019, ayons le même amour de Jésus Eucharistie que le père Fournier. Venons adorer Jésus, venons passer du temps avec Lui qui est en agonie au jardin des oliviers, avec lui qui est accusé par les autorités religieuses, avec lui qui est au prétoire devant la loi civile, avec lui qui va être exclu de l’humanité par une condamnation à mort audieuse et pourtant salvatrice, puisque le démon sera définitivement vaincu !

Ce qui se joue dans notre nuit du jeudi saint, c’est la Foi. La foi en Jésus vrai Dieu fait homme, vrai Dieu fait morceau de pain pour que notre humanité devienne plus humaine !

Laissons la question que pose le Cardinal Sarah dans son dernier ouvrage habiter notre méditation :

« Comment nourrissons-nous notre amour du Fils de Dieu ?

Quelles sont les marques de notre amour ?

Les pauvres que nous servons doivent savoir au nom de qui nous les aimons, les pauvres doivent connaître la source de notre générosité.

Nous aimons car nous aimons le Christ.

Nous aimons parce que nous avons été aimés par celui qui est amour et a livré son  Fils jusqu’à la mort » (Le soir approche et déjà le jour baisse).

En cette nuit, veillons avec Jésus afin de mettre en nos cœurs le « mandatum novo » qu’Il a laissé à chaque disciple. Notre monde est désolé, dévasté parce qu’il ne sait pas qu’il est aimé de Dieu depuis toute éternité. Soyons de ceux et celles qui ayant reconnu que « Celui-ci est vraiment le Fils de Dieu » nous portions la lumière de l’amour au monde.

Sainte veille avec Jésus à l’oratoire St Vincent de Paul….

Père Gilles Pelletier, sv

Afin de répondre à l’appel de notre archevêque de « rebâtir l’Église » à la suite de St François d’Assise, dans la longue tradition de notre Congrégation des Religieux de Saint-Vincent-de-Paul enracinée dans celle de l’Église bi-millénaire, confions toute chose à la Mère debout au pied de la Croix, disons-lui avec foi et en toute confiance  la prière de Saint-Bernard de Clairvaux, chaque jour à la fin de nos offices religieux :

Memorare, o piissima Virgo Maria, non esse auditum a saeculo,
quemquam ad tua currentem praesidia, tua implorantem auxilia,
tua petentem suffragia, esse derelictum.
Ego, tali animatus confidentia, ad te, Virgo virginum, Mater curro,
ad te venio, coram te gemens peccator assisto.
Noli, Mater Verbi, verba mea despicere, sed audi, propitia, et exaudi. Amen.

Souvenez-vous, ô très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé votre secours, ait été abandonné.

Animé d’une pareille confiance, ô Vierge des vierges, ô ma Mère, je cours vers vous, je viens à vous et, gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds.

Ô Mère du Verbe Incarné ne rejetez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer.

Ainsi soit-il.

Nous pouvons aussi chanter l’antienne « Sub tuum praesidium » en latin :
« Sub tuum praesidium confugimus, sancta Dei Genitrix : nostras deprecationes ne despicias in necessitatibus, sed a periculis cunctis libera nos semper, Virgo gloriosa et benedicta. »
« Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu. Ne méprise pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers délivre-nous toujours, Vierge glorieuse et bénie. »