« Fluctuat nec mergitur »

 

Tout le monde connaît la devise de Paris que beaucoup traduisent par « Battu par les flots, il ne sombre pas » !

 

Ce pourrait être le thème de ce dimanche en raison des lectures que nous donne l’Eglise, mais aussi en raison de la démarche de Profession de Foi vécue par 14 jeunes de la Paroisse. On pourrait aussi s’en servir pour aider des fiancés ou des parents qui demandent le baptême et dans tant d’autres circonstances. Bref elle concerne tous les chrétiens !

 

Si nous regardons bien nos vies, nous conviendrons sans peine qu’elles ressemblent davantage à des tempêtes qu’à de paisibles lacs cristallins… Et pourtant, ne rêvons pas, c’est là que Dieu nous veut : nous n’y sommes pas par hasard ; il n’y a pas de hasard. Comme disait Bossuet « Ne parlons pas de hasard, ou parlons-en seulement comme d’un nom dont nous couvrons notre ignorance ».

 

Mais il se trouve que nous connaissons le nom de ce « hasard » ; il se nomme « Providence » et c’est Dieu. C’est lui, que nous le voulions ou non, qui gouverne toute chose et là où un regard incroyant ne fait que maudire les circonstances de sa vie, le fidèle, lui, reconnaît la main de Dieu.

 

C’est à la suite de Jésus que s’engagent tous les jeunes qui font Profession de Foi solennellement en cette fin d’année un peu partout dans leurs aumôneries ou paroisses. Ils montent ainsi dans la barque de leur vie et veulent, en assumant les promesses de leur baptême, faites autrefois par leurs parents, parrains et marraines, tenir pour la première fois le gouvernail de leur frêle esquif.

 

Rien ne sert de leur mentir en ce jour. Il faut qu’ils sachent qu’ils auront  bien des tempêtes à affronter, mais il faut aussi qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls à bord. Comme on le dit « Dieu seul maître à bord » mais ils ne sont pas seuls en cette aventure qui a commencé, il y a des compagnons de voyage sur qui ils peuvent compter. C’est cela l’Eglise, une grande famille embarquée pour une grande traversée -« allons sur l’autre rive » – qui doit nous mener à bon port, le port du salut de nos âmes et du bonheur éternel.

 

Aux meilleures heures, nous arriverons à croire que Jésus est à nos côtés et nous pourrons tenir bon. Aux moins bonnes, nous aurons peur et il faudra alors le réveiller pour ne pas couler. Mais il est toujours là ! Pour nous. Faisons-lui simplement confiance. Ecoutons Charles Peguy nous le dire.

 

Soyez donc enfin, soyez comme un homme
Qui est dans un bateau sur la rivière
Et qui ne rame pas tout le temps
Et qui quelquefois se laisse aller au fil de l’eau.

Ainsi vous et votre canot.
Laissez-vous aller quelquefois au fil du temps
Et laissez-vous entrer bravement
Sous l’arche du pont de la nuit.

 

Père Jean-Louis Gallet

Voir ce qui ne se voit pas

 

« Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision » nous rappelle  en ce dimanche l’apôtre Paul. Il a tellement raison ; nous en faisons si souvent l’expérience. Le bon pédagogue qu’est Jésus ne manque pas de l’illustrer à sa manière, prenant l’image de la semence jetée en terre. Ainsi, nous dit-il, pour un homme qui a ensemencé son champ : « Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment ». Il ne la voit pas avant qu’elle sorte de terre et laisse apparaître son fruit. Il en est ainsi, même pour la graine de moutarde, « la plus petite de toutes les semences », qui va finalement dépasser toutes les plantes potagères et étendre ses longues branches. Il y a donc la phase où l’on ne voit pas, puis celle où l’on voit.

 

Un curé que j’apprécie beaucoup (dont je tairai le nom) m’a raconté tout récemment ce souvenir du dernier baptême qu’il avait célébré dans sa paroisse précédente (dont je tairai également le nom). Depuis le début de la célébration, il était perturbé par un homme qui ne cessait de prendre des photos sans retenue aucune, se déplaçant, s’approchant et « mitraillant » à n’en plus finir. Arriva enfin le moment du baptême proprement dit. Le photographe se fit plus proche que jamais. Gardant patience, le prêtre versa dignement et lentement l’eau sur le front de l’enfant. Quel instant de grâce ! Mais alors que tous s’apprêtaient à chanter, l’homme se colla quasiment à l’oreille du prêtre pour lui murmurer : « Est-ce que vous pouvez recommencer … pour la photo ? » Evidemment, il n’avait rien compris. Il aurait pu multiplier les photos, si belles soient-elles, jamais il ne pourrait fixer sur image ni de manière visible ce qui, justement, ne se voit pas : l’irruption de la vie trinitaire, de la vie même de Dieu, dans l’âme de cet enfant. Brittany qui est baptisée, ce dimanche, en notre église, ainsi que Diego qui fait sa première communion, ne seront pas importunés, je vous l’assure, par de tels chasseurs d’images. Vous connaissez en effet mon allergie aux photographes trop envahissants.

 

Peut-être aurez-vous eu l’occasion d’apercevoir Brittany et Diego à leur entrée dans l’église. Peut-être aurez-vous l’opportunité de les croiser à la sortie. Qu’y aura-t-il donc de changé ? Aux yeux des hommes, rien … ou tout au plus un sourire et des yeux pétillants de bonheur. Mais dans leur cœur, quel changement ! quelle transformation ! quelle irruption de vie … de vie divine ! Nous le savons, et dans la foi ‒ non dans la claire vision ‒ nous saurons voir ce qui ne se voit pas.

 

« Nuit et jour, que nous dormions ou que nous nous levions », la grâce en nos âmes fait son chemin. Si nous ne nous interposons pas, si nous ne la négligeons pas, elle porte son fruit et fait, en nous et par nous, des merveilles. « Oui, c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux » … nos yeux qui, par la foi, voient tellement plus loin que ce qui peut se voir. Surtout, ne l’oublions pas.

 

Père Gilles Morin,

Curé