Cherchez ma face

 

1515 ne saurait évoquer pour nous la seule bataille de Marignan. Il y a 500 ans en effet, le 28 mars 1515, naissait Teresa Sánchez de Cepeda Dávila y Ahumada. Ce nom pompeux et kilométrique n’évoque peut-être rien pour vous. Si je vous dis « Thérèse d’Avila », alors vous savez de qui je parle. En ce dimanche de la Passion, appelé encore « dimanche des rameaux », cette grande sainte a tant à nous enseigner. Cette femme ardente et mystique, docteur de l’Eglise, était une amie et une contemplative du mystère de la croix. Ce trésor à ses yeux était planté au cœur de sa vie.

 

N’est-ce pas elle qui, dès l’âge de sept ans, quitta furtivement la maison paternelle avec le projet d’aller se faire couper la tête chez les Maures et acheter ainsi au prix le plus juste et de la manière la plus expéditive la joie de « voir Dieu » ? La punition qui suivit cette expédition manquée ne la fit pas changer d’avis. Elle voulait être avec Dieu, vivre pour Dieu, voir Dieu. Le voulons-nous, nous aussi ? Entrée au Carmel à l’âge de vingt ans, elle eut dans sa vie spirituelle des hauts et des bas. Elle connut une période d’affadissement et d’alanguissement. Un jour, elle tomba en arrêt devant un Ecce Homo, une image de Jésus-Christ souffrant, qui provoqua en elle une profonde émotion. Elle dira : « C’était une représentation si vive de ce que Notre-Seigneur endura pour nous, qu’en voyant le divin Maître dans cet état, je me sentis profondément bouleversée. Au souvenir de l’ingratitude dont j’avais payé tant d’amour, je fus saisie d’une si grande douleur qu’il me semblait sentir mon cœur se fendre. »


Avec une intensité particulière au cours de cette Semaine Sainte, nous allons laisser résonner en nous le récit de la Passion du Christ, nous allons contempler et vénérer la Croix. Serons-nous saisis de douleur ? Sentirons-nous notre cœur se fendre ? Nous avons tous notre lot d’épreuves et de souffrances, certains plus que d’autres, certains même particulièrement et mystérieusement frappés par les fléaux et calamités.  « Si c’est ainsi que tu traites tes amis, Seigneur, ce n’est pas étonnant que tu en aies si peu », s’étonnait Thérèse d’Avila. Mais cette grande sainte mystique de conseiller : « Si vous êtes dans l’épreuve ou la tristesse, regardez le Seigneur attaché à la colonne, accablé de douleurs. Regardez-le encore, au jardin des Oliviers, ou sur la croix ; il tournera vers vous ses yeux si beaux, si compatissants, tout remplis de larmes, et il oubliera ses souffrances pour vous consoler des vôtres, uniquement parce que vous allez chercher consolation près de lui et que vous tournez la tête pour le regarder ». N’est-ce pas un conseil salutaire pour nous tous ?

 

Ce dimanche de la Passion, dimanche des Rameaux, est aussi celui de la trentième Journée Mondiale de la Jeunesse. Dans son message, notre pape François évoque la belle figure de Thérèse d’Avila et son désir de voir Dieu. Il y a un bel acte de foi à poser pour reconnaître dans le crucifié, le Dieu de gloire et de majesté. Pourtant, comme le répète notre Saint Père, « c’est lui la beauté qui nous attire tellement…le Seigneur veut vous rencontrer, se laisser « voir » par nous … Dans le cœur de chaque homme et de chaque femme résonne continuellement l’invitation du Seigneur : « Cherchez ma face ! » ».

 

Oui, dans le crucifié, nous reconnaissons la sainte face de Dieu, et ce visage nous attire tant il nous dit l’Amour infini. Comment notre cœur n’en serait-il pas bouleversé ?

 

Père Gilles Morin

Curé

Les éboueurs de l’âme

 

Je les ai vu débarquer dans l’enceinte de notre paroisse l’été dernier. Tout de vert vêtus, ils n’avaient rien de martiens venus d’une autre planète. Dans leur tenue que nous connaissons bien, il s’agissait en fait d’éboueurs … un homme et une femme. En des termes plus appropriés, disons que c’étaient des « agents de propreté » qui nous sont si précieux dans notre vie au quotidien pour préserver la beauté de notre capitale. Ceux qui ont connu les périodes de grèves d’éboueurs se souviennent combien nos rues peuvent devenir d’immenses décharges nauséabondes qui empoisonnent l’atmosphère. Cet homme et cette femme venaient voir une amie qui se plaisait à papoter avec eux lorsqu’ils passaient ramasser nos ordures devant le 351 de la rue Lecourbe. Depuis quelques temps, ils ne la voyaient plus et s’en inquiétaient. Je les ai accueillis de mon petit mieux et, au terme d’une brève conversation, les ai menés jusqu’à l’église, les invitant à y revenir.

 

Lazare, nous dit l’Évangile de ce dimanche, était au tombeau depuis plus de trois jours. « Il sent déjà » dit spontanément Marthe à Jésus. Alors que nous approchons de la Semaine Sainte, interrogeons-nous : quelle est l’odeur qui émane de nous ? Que sentons-nous ? Le bon parfum de la sainteté, ou bien les relents de notre médiocrité et du marasme dans lequel nous sommes trop souvent englués ? Le péché enténèbre, empoisonne et empuantit notre cœur. Parfois, nous laissons toutes sortes d’ordures s’entasser au plus intime de nous-mêmes. Voilà trois semaines, voilà trois mois, voilà trois ans que l’éboueur n’est pas passé nettoyer mon cœur… Voilà si longtemps que je ne me suis pas confessé. Vraiment, ça ne sent pas très bon.

 

« Qu’attends-tu, nous lance Jésus ? Ne le sais-tu pas ? Quels que soient la multiplicité et la gravité de tes fautes,  » Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais « . Le crois-tu vraiment ? » Et Jésus de nous crier d’une voix forte : « Viens dehors ! » c’est-à-dire sors des affres de la mort ; retrouve la bonne odeur de la sainteté.

 

Notre pape François vient d’annoncer une Année Sainte  de la Miséricorde, qui s’ouvrira le 8 décembre 2015. Tout récemment, il a offert aux pèlerins réunis sur la place Saint Pierre un petit livret intitulé « Prends soin de ton cœur ». N’est-ce pas une invitation pressante à ne pas rester figer, à sortir, pour aller nous plonger dans la Miséricorde divine. Vous avez certainement déjà noté sur vos agendas la Journée du Pardon qui aura lieu en notre paroisse le Lundi 30 mars. D’autres jours de confession seront abondamment proposés. Ne passons pas à côté de la grâce de ce sacrement. Prenons soin de notre cœur. Les prêtres vous espèrent, les prêtres vous attendent. Ce sont de bons « éboueurs » de l’âme. Ce ne sont pas des extraterrestres mais des êtres de chair, faibles comme vous, pécheurs comme vous. Mystérieusement, au nom de Jésus, ils peuvent vous faire sortir du tombeau et vous dire « Viens dehors … Tes péchés sont pardonnés ».

 

Pardon, Jésus, en la personne de tes prêtres, de te comparer ainsi à un  agent de propreté, au grand éboueur des âmes. Tu es tellement plus que cela … Je le sais : Tu es la Résurrection et la Vie. Tu es mon Sauveur et mon Dieu.

 

Père Gilles Morin

Curé