Benoît XVI et le sida : Eclaircissements

ROME, Mercredi 18 mars 2009 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI a demandé les soins gratuits pour les malades du sida dès son arrivée à l’aéroport de Yaoundé au Cameroun, mardi après midi. Un appel qui a reçu très peu d’écho. Il appelle les Africains à la responsabilité dans la lutte contre le sida. Ilfait également allusion à l’engagement de l’Eglise auprès des malades : quelque 25 % des structures qui les accueillent dans le monde sont catholiques.
Voici le texte intégral de sa déclaration.

Question – Votre Sainteté, parmi les nombreux maux qui affligent l’Afrique, il y a également en particulier celui de la diffusion du sida. La position de l’Eglise catholique sur la façon de lutter contre celui-ci est souvent considérée comme n’étant pas réaliste et efficace. Affronterez-vous ce thème au cours du voyage ?
Benoît XVI – Je dirais le contraire : je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est précisément l’Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de Sant’Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida, aux Camilliens, à toutes les religieuses qui sont à la disposition des malades… Je dirais qu’on ne peut pas surmonter ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n’y met pas l’âme, si on n’aide pas les Africains, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est d’augmenter le problème. La solution ne peut se trouver que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c’est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se comporter l’un avec l’autre, et le deuxième, une véritable amitié également et surtout pour les personnes qui souffrent, la disponibilité, même au prix de sacrifices, de renoncements  personnels, à être proches de ceux qui souffrent. Tels sont les facteurs qui aident et qui conduisent à des progrès visibles. Je dirais donc cette double force de renouveler l’homme intérieurement, de donner une force spirituelle et humaine pour un juste comportement à l’égard de son propre corps et de celui de l’autre, et cette capacité de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans les situations d’épreuve. Il me semble que c’est la juste réponse, et c’est ce que fait l’Eglise, offrant ainsi une contribution très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui le font.

Réactions en Afrique

Le Cardinal Théodore-Adrien Sarr, archevêque de Dakar au Sénégal
« Je demande aux Occidentaux de ne pas nous imposer leur unique et seule façon de voir« . « Dans des pays comme les nôtres, l’abstinence et la fidélité sont des valeurs qui sont encore vécues et, avec leur promotion, nous contribuons à la prévention contre le sida« .
… »Nous ne pouvons pas promouvoir l’utilisation du préservatif, mais prêcher les valeurs morales qui, pour nous, demeurent valables, afin d’aider nos populations à se prémunir du sida : l’abstinence et la fidélité« … Ces valeurs, sont des réalités pour les Africains et il ne faut vraiment pas nous dire que nous n’avons pas à prêcher ces valeurs« .
Le Cardinal a souligné que les communautés chrétiennes et musulmanes s’étaient engagées à lutter contre le sida sans pour autant promouvoir l’utilisation du préservatif. Il a fait remarquer que le taux de prévalence dans son pays n’a pas augmenté depuis des décades.
Mgr Simon Ntamwana, archevêque de Gitega au Burundi,
Il a dénoncé « le glissement de pensée » de l’Occident, et son « hédonisme sexuel devenu comme un chemin incontournable« . « Ce n’est pas le préservatif, a-t-il soutenu, qui va diminuer le nombre d’infections du Sida, mais certainement une discipline que chacun doit s’imposer pour pouvoir changer d’attitude, une attitude qui va l’aider à échapper à un hédonisme qu’il ne peut plus contrôler …/…Pour moi, la façon la plus sûre (de lutter contre le Sida,), c’est ma volonté …/… Vous démissionnez de votre volonté, de l’engagement de l’effort, et je ne sais pas vers où vous allez« , a enfin prévenu l’évêque burundais à l’intention des occidentaux.

Déclarations du président du Burkina Faso Blaise Compaoré :

Question : Vous présidez personnellement le Comité national de lutte contre le sida. Pourquoi ?
Réponse du président : C’est un engagement moral quand on est responsable d’une communauté de 12 millions de personnes. En Afrique de l’Ouest, le sida menace la vie de millions d’hommes et de femmes. Son impact sur la société est considérable. Le chef de l’Etat doit être à l’avant-garde. Le Burkina a développé un cadre stratégique classique avec les éléments clés de la lutte contre le sida : la prévention, le suivi épidémiologique, et la prise en charge des malades. Nous commençons à enregistrer des résultats – le taux de prévalence est passé de 7% en 1997 à 4% en 2003. […] Face aux organismes internationaux, il faut savoir résister. On peut nous conseiller, mais pas faire à notre place. […] Les Européens n’éprouvent pas le danger du sida de la même manière que nous. Pour les Burkinabés, le danger est immédiat. La pandémie est une réalité visible, elle frappe votre famille, vos amis les plus proches. En Europe, vous avez peut-être le loisir de faire des thèses pour ou contre la morale. Au Burkina, nous n’avons pas le temps. […] Il y a souvent un gouffre entre ce que disent les médias et ce qui se passe sur le terrain. En Afrique, nous vivons avec le sida au quotidien. Le débat sur le préservatif, tel que vous le présentez, ne nous concerne pas. Les Français aiment la polémique, c’est leur côté gaulois ! Certains critiquent la position de l’Eglise en prétendant défendre les Africains. Soit. Mais la plupart n’ont jamais mis les pieds chez nous ! Je leur conseille de venir faire un séjour au Burkina. Chez nous, l’imam, le prêtre et le chef coutumier travaillent de concert : tous ont l’ambition d’affronter le même mal. Se focaliser sur le préservatif, c’est passer à côté du problème du sida. […] Beaucoup de gens ignorent le travail de l’Eglise en Afrique. En France, l’intelligentsia ne comprend pas cette proximité avec les responsables catholiques. Chez nous, l’Eglise est d’abord synonyme d’écoles et de dispensaires. Le débat sur le sida n’est pas théorique, il est pratique. L’Eglise apporte sa contribution. Si l’abstinence est un moyen de prévention, nous n’allons pas nous en priver ! […] L’Eglise n’a pas le monopole de l’abstinence ! En tant que chef de l’Etat, j’ai pris des engagements dans ce sens depuis 2002 dans le cadre de la campagne « C’est ma vie ». L’objectif était de mettre les gens devant leurs responsabilités. Parmi les engagements proposés, certains faisaient directement appel à l’abstinence : « J’ai décidé de m’abstenir de tout rapport sexuel quand mon mari (ma femme) est absent(e) », et « J’ai décidé de m’abstenir de toute relation sexuelle jusqu’au mariage ». »