Jeanne et les mages

 

Grand silence…lourd, pesant … Je ne saurais l’oublier, mais je n’ai rien à regretter.  C’était il y a une dizaine d’années, dans la cour de l’une de nos maisons d’œuvres dont je préfère taire le nom. Devant la statue de Jeanne d’Arc, sous un soleil de plomb, en présence des autorités municipales et de bon nombre de dignitaires, je venais de prononcer une allocution sur cette grande sainte de notre nation. C’était de tradition ; cela m’avait été demandé ; j’y avais mis tout mon cœur. Au terme de mon intervention cependant … grand silence. Dans la foulée, une élue locale prononça un discours qui, lui, fut suivi d’applaudissements de circonstance. Au cours du vin d’honneur qui acheva cette cérémonie, plusieurs personnes vinrent me trouver pour m’avouer, discrètement : « J’avais tellement envie de vous applaudir, Père, mais je n’ai pas osé … Ce que vous avez dit est vrai, mais il y a des élus qui ne sont pas de ce bord et que cela a pu choquer … ». Qu’avais-je donc dit ? J’avais parlé de Jeanne… tout simplement… de la vraie, de sa flamme, de ses voix, de son âme, de sa foi. J’avais parlé de l’archange Saint Michel lui disant : « Jeanne, Jeanne, il y a grande pitié au royaume de France ». J’avais rappelé cette affirmation de la « pucelle » au sire Robert de Baudricourt : « Le royaume de France n’appartient pas au dauphin, il appartient à Mon Seigneur …». J’en dégageais donc cette leçon à savoir que « nos responsables politiques, eux aussi, ne sont que les lieutenants de Dieu ». J’avais souligné que de nos jours, il y avait encore grande pitié en France … J’avais enfin rappelé ces paroles du Cardinal Eugenio Pacelli, futur Pie XII, résonnant de manière prophétique sous les voûtes de Notre-Dame le 13 juillet 1937 : « La France sait que les prochaines pages de son histoire, c’est sa réponse à l’appel de l’amour qui les écrira … Avec quelle ardeur je lui demande de susciter aujourd’hui les héros de l’amour, pour triompher des doctrines de haine, pour apaiser les luttes des classes, pour panser les plaies saignantes du monde … Et le Cardinal de poursuivre : « Une grande partie de l’humanité dans l’Europe actuelle est, dans l’ordre religieux, sans patrie, sans foyer. Pour elle, l’Eglise n’est plus le foyer familial ; Dieu n’est plus le Père ; Jésus-Christ n’est plus qu’un étranger …Nous sommes à une heure de crise … ».

 

« Il y a grande pitié en France » … « Nous sommes à une heure de crise ». Ces affirmations ne sont-elles pas d’une étonnante actualité ? Nous fêtons en ce début janvier 2012, le 600ème anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc, « la sainte de la patrie », la patronne de « la Jeanne d’Arc de Vaugirard » qui n’est autre que l’appellation officielle et très ancienne du patronage des garçons.

 

Jeanne d’Arc est née le jour de l’Epiphanie. Nous nous devons de la fêter. Les mages se sont mis en route à la vue de l’étoile ; Jeanne, elle, n’a eu de cesse d’écouter et de suivre ses voix. Les mages se sont prosternés devant l’Enfant de la crèche et l’ont adoré. Jeanne a certes fléchi le genou devant le « lieutenant de son Roi » ; mais plus encore, elle s’est prosternée devant SON Roi : Jésus qu’elle a adoré … Jésus qui fut son dernier cri et comme son dernier soupir.

 

Pour répondre à la crise, commençons par suivre l’étoile et écouter nos voix ; prosternons-nous, adorons le Roi qui vient de naître dans la nuit de Noël pour qu’il fasse de nous des héros de l’amour. Notre pays et notre monde en ont tant besoin.

 

Père Gilles Morin

Curé