Voir et croire : quelle lumière !

 

L’homme de l’Evangile de ce jour était aveugle de naissance. Ses yeux ne voyaient pas les merveilles du monde dans lequel il vivait ; son esprit ignorait la merveille plus grande encore du Dieu fait homme en Jésus-Christ. Sa cécité était donc double et le miracle opéré n’en est que plus grand. On l’imagine, après s’être lavé à la piscine de Siloé, sautiller et bondir en s’écriant : « Je vois ; je vois ! ». On pense moins spontanément à la joie qui fut sienne au terme de cet échange avec son Bienfaiteur :

–       « Crois-tu au Fils de l’homme ?

–       Et qui est-il, Seigneur, pour je croie en lui ?

–       Tu le vois, et c’est lui qui te parle.

–       Je crois, Seigneur. »

Pouvoir dire en toute vérité « Je crois », quelle lumière pour l’intelligence ! Quel baume pour le cœur ! Quelle joie irrépressible qui donne sens à la vie ! Cet aveugle-né qui s’écriait « Je vois ; je vois ! » laisse donc désormais résonner en lui son « Je crois ; je crois ! ».

 

Nous, nous avons des yeux et nous disons que nous voyons. Mais que voyons-nous ? Qui voyons-nous ? Sommes-nous là à proclamer : « Je crois ! Quelle lumière pour moi ! ».

 

Il est une sainte qui n’était pas aveugle de naissance mais qui, peu à peu, a perdu la vue. Elle est d’un pays ami, que la France aime tant : le Liban. Son nom : Pierrette Rafqa. Canonisée par le pape Jean-Paul II en juin 2001, l’Eglise maronite reconnaît en elle  la “ patronne des souffrants ”. Cette religieuse (1843-1914) fut effectivement profondément unie au Christ en sa Passion. Douleurs atroces à la tête et aux yeux, saignements de nez, os disloqués etc … elle n’en perdait pas pour autant sa ferveur et son sourire, allant jusqu’à remercier Dieu pour ses souffrances. Lors d’une opération sans anesthésie, le médecin lui arracha accidentellement l’œil droit. Rafqa, loin de se plaindre, se contenta de lui dire : « Pour la Passion du Christ. Que Dieu garde tes mains et te donne récompense ». Par la suite, elle devait même ramper jusqu’à l’église pour participer à la messe et recevoir Jésus-Hostie. On raconte que trois jours après sa mort, son tombeau s’illumina de lumières miraculeuses. La sainte de la souffrance, la sainte qui était aveugle, devenait ainsi source de lumière.

 

Nombreux sommes-nous à souffrir dans notre corps, à divers degrés, pas à la même intensité … à commencer par les membres de notre communauté paroissiale qui, en ce dimanche, vont recevoir le sacrement des malades. Savons-nous tout offrir et nous unir à la Passion du Christ ? Sommes-nous prêts à nous dépasser s’il le faut pour venir jusqu’à l’église pour recevoir l’Eucharistie. Là, nos yeux verront une rondelle de pain. Le prêtre nous dira « Le corps du Christ ». Nous ne serons pas aveugles. Nous répondrons bel et bien : « Amen ! », c’est-à-dire, « Je crois ; oui, c’est bien ça » … autrement dit « Je vois !  Avec le regard de la foi, je l’affirme, c’est bien le corps du Christ ». Alors, quelle lumière en notre cœur !

 

Père Gilles Morin

Curé