Lave-toi

 

L’entrée en carême d’une communauté chrétienne fervente est toujours impressionnante. Voir des hommes, des femmes et des enfants de tous âges s’avancer pour recevoir sur leur front les cendres est des plus émouvants. C’est tout un peuple de pécheurs qui, humblement et sincèrement, veut raviver sa ferveur. « Recherchez les réalités d’en haut, non celles de la terre », dit l’apôtre Paul … et nous sommes si souvent le nez collé dans la poussière, l’esprit englué dans nos médiocrités quotidiennes, le cœur plus ou moins loin du Seigneur. Les cendres nous rappellent l’inanité des choses de ce monde et la caducité de nos idoles humaines. Notre extérieur peut être clinquant aux yeux des hommes ; le Seigneur, Lui, voit toujours la réalité et la vérité de notre cœur. … et nos cœurs sont entachés, tout comme le sont nos fronts noircis par la cendre. « Bienheureuse faute d’Adam qui nous valut un tel rédempteur », chante l’exultet de la nuit de Pâques. Bienheureuses cendres sur nos fronts qui nous rappellent combien le Seigneur se plaît à faire miséricorde et tout le prix que nous avons à ses yeux. Oui, nous nous reconnaissons pécheurs ; oui, nous voulons être lavés, purifiés, rachetés et sauvés ; oui, nous voulons revenir au Seigneur « de tout notre cœur dans le jeûne, les larmes et le deuil » ; oui, nous voulons « déchirer nos cœurs et non point nos vêtements«  car nous le savons, notre Dieu « est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour« .

 

Voici ce jeune homme en costume cravate qui s’avance, ou cette belle jeune fille à même de séduire. Après la messe, ils s’en vont au travail ou à l’université. Quel témoignage ! Leurs camarades ou collègues s’étonnent : « Tu n’as pas fait ta toilette ce matin ? Tu as le front sale ; regarde-toi, va te laver ». « Non, peuvent répondre ces jeunes : aujourd’hui je n’enlèverai pas ces cendres ; aujourd’hui réveille en moi le souvenir de mes égarements, de toutes ces fois où le serpent m’a trompé ; aujourd’hui me rappelle qu’il est tant de journées où je n’ai pas lavé mon âme ; aujourd’hui m’invite à vivre mon carême en pensant davantage à la propreté et à la netteté de mon être le plus profond.

 

Voici ces personnes âgées ou gravement atteintes dans leur santé. Elles non plus ne se précipiteront pas pour ôter de leurs fronts les cendres dont ils sont marqués. Elles se redisent : « Je retomberai en poussière et trop souvent je l’oublie ; je retournerai à la terre, et il m’arrive de vivre comme si aujourd’hui devait durer toujours ; ces cendres sont un appel à la conversion, une supplication du Seigneur pour que je pense davantage au ciel, à mon éternité.

 

Marqués par les cendres et donc conscients de notre état de pécheurs, en ce premier dimanche de carême nous mettons résolument nos pas dans les pas du Seigneur. Poussés par l’Esprit, durant quarante jours nous allons choisir notre Dieu ; c’est lui qui ôtera de nos cœurs le péché et guérira notre mal. Avec le Christ au désert, nous goûterons le silence de Dieu et nous renaîtrons à la joie … parce que c’est lui Jésus-Sauveur qui nous lavera.

 

Père Gilles Morin,

Curé