Comment imaginer ?

 

C’était il y a quelques jours, à la sortie d’une messe que je venais de célébrer. Je me tenais dans l’allée de l’église pour saluer les personnes qui venaient d’y participer.  L’une d’elles, fidèle parmi les fidèles, les yeux embués de larmes me lança : « Père, vous n’imaginez pas à quel point c’est dur ». La messe venait d’être célébrée à l’intention de son défunt mari, décédé il y a quelques années.

« Vous n’imaginez pas à quel point c’est dur ». Je devine assez bien ce que je lui aurais répondu dans les jeunes années de mon sacerdoce : « Je sais ; courage ; puisez vos forces dans la prière ; confiez-vous bien au Seigneur ; votre mari, là où il est, continue de cheminer avec vous etc … ».

Pour moi, les années ont passé. J’ai la joie non seulement d’être totalement consacré au Seigneur mais aussi de vivre en communauté. Quoi qu’il arrive, je sais que je suis entouré de Pères et de Frères, d’une famille religieuse qui est parfois source de croix mais qui est ô combien source de joie. Je ne suis jamais seul ; je ne resterai jamais seul. Spontanément, j’ai donc humblement avoué à cette femme : « Non, c’est vrai, je ne peux pas imaginer ».

 

Nous fêtons en ce dimanche nos jubilaires de mariage. Plusieurs célèbrent le cinquantième et même le soixantième anniversaire du jour où, devant Dieu, ils se sont unis par ce merveilleux sacrement qui scelle une alliance pour toute la vie entre un homme et une femme désireux de donner la vie. Ce grand événement, ils ne l’ont pas oublié ; c’était une telle grâce, une telle joie. L’évangile de ce jour nous relate les noces à Cana, en Galilée.  Durant 3 jours, la fête battait son plein. Jésus était là, avec Marie, sa mère. Il est toujours là, Lui qui est l’Amour incarné. Jamais il ne nous lâche … et sa Mère, pas davantage. Merci à nos jubilaires pour leur témoignage de fidélité, pour leur amour partagé. Notre monde en a tant besoin.

 

Nous accueillons en ce moment des reliques de Louis et Zélie Martin. Leur sacrement s’est célébré un mardi de juillet 1858, en pleine nuit, dans la simplicité et la ferveur. Ces deux chrétiens se sont profondément aimés et nous sont présentés par l’Eglise comme des époux et parents modèles. Dix-neuf ans : telle a été la durée de leur union sur terre. Ils  La mort de Zélie fut pour son époux Louis et ses enfants un véritable drame. Pour ma part, je ne saurais imaginer combien cela a dû être dur ; je ne peux tout au plus que le pressentir. Il n’en demeure pas moins que la fécondité de ce couple chrétien est exceptionnelle et nous appelle, par-delà les joies et les croix, à marcher dans l’amour du Seigneur et à vivre dans son alliance. Aujourd’hui, avec nous, du haut du ciel, ils jubilent et nous redisent : « Qu’il est beau d’aimer Dieu ; qu’il est beau de s’aimer ! Par-delà vos épreuves et vos croix, jubilez puisque vous aimez ».

 

P. Gilles Morin

Curé