Marcher ou dormir ?

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui » (Mt 2, 2).

Les mages, eux, sont venus. Etaient-ils donc les seuls à avoir repéré cet astre nouveau scintillant dans le ciel ? Cette étoile brillait pour tous et pouvait être vue de tous. Encore fallait-il prendre le temps de lever les yeux, de scruter le ciel et d’admirer cette immensité constellée qui chante la majesté de Dieu. Encore fallait-il aussi ne pas sombrer dans le ronronnement quotidien ni s’enliser dans la médiocrité. « Les mages, disait avant-hier notre Pape François, reflètent l’image de tous les hommes qui, dans leur vie, ne se sont pas laissé anesthésier le cœur…/… Tandis que les mages marchaient, Jérusalem dormait. Elle dormait de connivence avec un Hérode qui, au lieu d’être en recherche, dormait bien…/… Les mages, eux, avaient le cœur ouvert sur l’horizon et ils ont pu voir ce que le ciel montrait parce qu’il y avait en eux un désir qui les poussait : ils étaient ouverts à une nouveauté. » Une première série de questions surgit donc pour nous : Notre regard reste-t-il figé sur des horizons terrestres ou s’élève-t-il vers le ciel ? Notre cœur est-il sclérosé ou ouvert à la nouveauté ? Marchons-nous ou dormons-nous ?

Certains Pères de l’Eglise, dès les premiers siècles, ont fait remarquer que l’étoile qui conduisit les Mages au lieu où se trouvait le Dieu fait enfant avec la Vierge sa mère, aurait pu les conduire directement jusqu’à la ville même de Bethléem ; cependant elle se cacha. Que font alors les mages ? Ils cherchent dans la capitale du royaume le roi dont la naissance leur a été révélée. Ils questionnent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » Mais ce Roi n’est pas à Jérusalem au milieu des courtisans flatteurs ; il n’a ni pourpre sur les épaules ni diadème sur la tête. L’étoile se cache à Jérusalem ; c’est à Bethléem qu’elle brille.

Dans son homélie d’avant-hier, en la solennité de l’Epiphanie fêtée en Italie le 6 janvier, notre pape François souligne que « les mages ne voulaient plus les choses habituelles. Ils étaient habitués, accoutumés aux Hérode de leur temps et en étaient fatigués. Mais là, à Bethléem, il y avait une promesse de nouveauté, une promesse de gratuité. Là quelque chose de nouveau arrivait ; les mages ont pu adorer parce qu’ils ont eu le courage de marcher et, se prosternant devant le petit, se prosternant devant le pauvre, se prosternant devant celui qui est sans défense, se prosternant devant l’Enfant de Bethléem insolite et inconnu, ils ont découvert la Gloire de Dieu« .

Une seconde série de questions surgit donc également pour nous ? Sommes-nous des habitués, des accoutumés à la médiocrité ? Où et comment cherchons-nous Jésus ? avec persévérance ou en nous résignant ? dans le confort de l’univers des nantis et des gens suffisants ou dans la pauvreté et la simplicité de notre quotidien ?

Laissons résonner en nous cette exhortation de Saint Jean-Chrysostome dans l’une de ses homélies sur l’Epiphanie. Ces paroles datent du Vème siècle mais elles valent tellement pour notre aujourd’hui : « Levons-nous, à l’exemple des mages. Laissons tout le monde se troubler ; mais nous, courons avec joie à la demeure de l’enfant. Si les rois ou les peuples s’efforcent de nous barrer le chemin, peu importe, ne ralentissons pas notre ferveur, repoussons tous les maux qui nous menacent ».

Père Gilles Morin, curé