« Je me suis laissé séduire »

 

C’était tout un groupe de jeunes adolescents qui, début août, s’égayaient devant moi sur la plage du Val André dans ma chère Bretagne. Filles et garçons rivalisaient de séduction, les uns bombant le torse pour mettre en valeur leurs pectoraux, les autres −ô combien jolies ! − se déhanchant à qui mieux-mieux pour attirer les regards déjà affutés de leurs virils compagnons. J’étais proche ; j’entendais leurs conversations lascives visant à séduire. La veille, les actualités télévisées n’avaient-elles pas rappelé que la période estivale est celle des premiers émois amoureux … « des premiers amours », comme on se plait  à dire. Ce pluriel, à lui seul, en dit long sur les déviances et affadissements du sens de ce magnifique verbe  » Aimer  » : « d’abord le contact de deux épidermes » affirmait déjà Voltaire dans son dictionnaire philosophique . Bref, avant d’aller me plonger dans la mer, j’étais immergé dans un climat malsain de séduction. Filles et garçons cherchaient à séduire et se laissaient séduire. Aucun, cependant, n’aurait été prêt à tout quitter et à renoncer à lui-même pour celui ou celle  qui faisait à cet instant palpiter son cœur.

 

Pourtant, qu’il est beau cet aveu du prophète Jérémie que nous livre  la liturgie de ce dimanche ! « Tu m’as séduit et je me suis laissé séduire ». Attention ! Il s’agit maintenant de Dieu … du Dieu de tout amour … du Dieu qui EST Amour … du Dieu qui nous as aimés à l’infini en Jésus son Fils, jusqu’à la mort et la mort sur la Croix. Nous sentons bien que nous sommes là sur un autre registre. Il est curieux et humiliant de constater que nous sommes captivés par les médiocrités et futilités de ce monde, capables de nous laisser séduire par des mièvreries, … et dans le même temps capables de rester imperméables à la séduction par excellence : celle de Dieu. Que de résistances en notre cœur ! Fous que nous sommes de ne pas répondre à l’Amour par l’amour !

 

Samedi prochain, Damien, Edmond, Olivier, Crispin et Obed feront leurs premiers vœux de chasteté, pauvreté et obéissance dans notre Congrégation des Religieux de Saint Vincent-de-Paul. Ce sera leur donation, leur consécration totale à Celui qui est l’Amour de leur vie. Chacun d’eux a sa propre histoire, son itinéraire particulier, son terreau familial, sa nationalité etc … Tous pourtant, sans exception, ont été saisis. Quelles que soient les résistances qu’ils ont pu opposer, ils ont été vaincus par l’Amour. Ils avouent devant le Seigneur : « Tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort »(Jr 20,7). Il s’avanceront donc devant l’autel de Dieu en chantant au plus intime de leur cœur : « Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres ! Toute ma vie je vais te bénir … comme par un festin je serai rassasié : la joie sur les lèvres, je dirai ta louange … Mon âme s’attache à toi … » (Ps 62). Répondant à l’exhortation de l’apôtre Paul, ils offriront leur personne et leur vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : ce sera pour eux l’adoration véritable.

 

Encore une fois, nous sommes là dans un autre registre : rien à voir avec la séduction des plages ni les premiers émois d’un chatouillis du cœur. Il s’agit bel et bien d’Amour … du véritable Amour qui seul peut combler une âme dans toute sa profondeur. C’est un beau rappel pour nous tous. C’est comme un cri qui nous est lancé : « Laissez-vous séduire et saisir par le Christ … « Ne vous modelez pas sur le monde présent mais transformez-vous » … Ne courez pas après ce qui est éphémère ; ne misez pas sur l’inconsistant. Nous vous le redisons : Laissez-vous séduire par le Christ. Il vous cherche ; qu’il vous trouve toujours le cœur grand ouvert à son appel ».

 

Père Gilles Morin,

Curé

Ils ne font qu’un

 

C’est un fait de l’histoire : Jamais la Tradition ne les a fêtés l’un sans l’autre.

Pierre était galiléen et pécheur installé à Capharnaüm au bord du lac de Tibériade.

Paul était un juif de la Diaspora, de Tarse en Asie Mineure.

Tous deux ont vu leur vie bouleversée par la rencontre personnelle avec le Christ,  par l’irruption d’un homme qui leur a dit « Suis-moi« . Aussitôt, ils ont tout quitté pour répondre sans réserve à l’appel du Seigneur.

 

C’est encore un fait de l’histoire : Dès le second siècle, les fidèles se sont rendus à Rome pour voir et vénérer les trophées des apôtres Pierre et Paul (C’est-à-dire leur tombeau). Dans une polémique avec Proclus, membre de la secte hérétique montaniste, le prêtre romain Gaïus affirmait :  « Mais moi, je puis te montrer les trophées des saints apôtres. En effet, si tu veux te rendre au Vatican ou sur la voie d’Ostie, tu trouveras les trophées de ceux qui ont fondé cette Eglise ». Pierre et Paul sont ainsi à juste titre considérés comme colonnes de l’Eglise.

 

Ne séparons donc pas ceux que Dieu a unis :« Mais ces deux ne faisaient qu’un, écrit Saint Augustin : bien qu’ils aient souffert à des jours différents, ils ne faisaient qu’un. Pierre a précédé, Paul a suivi »

 

La solennité des apôtres Pierre et Paul est traditionnellement le jour privilégié pour les ordinations sacerdotales qui ont lieu dans nos différents diocèses. Hier, à Paris, 7 nouveaux prêtres nous ont été donnés.  Sept, oui … mais qui ne font qu’un … Ils sont un dans le sacerdoce, un dans leur vie offerte, un dans leur cœur de bon pasteur, un dans leur zèle à proclamer la Bonne Nouvelle du Salut. Sachons en rendre grâce à Dieu et les accompagner de nos prières.

 

Nombreux sont nos paroissiens qui vont partir cet été et se trouver confrontés à la pénurie de prêtres. Il leur sera parfois acrobatique de pouvoir trouver une messe lors de leurs pérégrinations ou tout simplement dans le cadre de leur village de province. Nous resterons pourtant membres d’une même Eglise, unis par le même baptême et le même désir de maintenir avec ferveur notre vie chrétienne. Toujours, oui toujours il nous faudra prier pour l’Eglise et pour les prêtres, pour qu’il y ait de nombreux et saints prêtres. Il y a une telle urgence, un si grand besoin. Durant cette période estivale, ne désertons pas nos églises, ne faisons pas faux bond aux prêtres … et encore moins à Notre Seigneur Jésus-Christ. Soyons là, de dimanche en dimanche … comme des colonnes solides, comme des piliers sur lesquels les prêtres peuvent compter et s’appuyer.

 

Saint Pierre et saint Paul , priez pour nous … priez pour que nous soyons vraiment enracinés dans la foi et témoins rayonnants de l’Evangile … toujours et partout … y compris cet été, là où nous serons. Alors, nous continuerons de ne faire qu’UN.

 

Père Gilles Morin,

Curé